Le cerveau est le centre de toute pensée qui nous anime, mais les mécanismes et les fondements biologiques des interactions cerveau-pensées sont encore incompris et font l’objet de nombreuses études, notamment concernant les mécanismes neurobiologiques qui régissent les idéologies. L’une d’elles a récemment révélé que l’imagerie IRMf (IRM fonctionnelle) du cerveau, indiquant l’activation des régions cérébrales, peut permettre de cerner de façon incroyablement précise les idéologies politiques. Effectuées à l’aide d’une intelligence artificielle, ces analyses d’images ont peut-être percé les racines biologiques même des opinions partisanes (conservatrices ou libérales).
La notion d’idéologie est un concept encore imprécis. Elle est généralement considérée comme négative et fait souvent référence aux idées reçues et aux idées partisanes. En politique, elle fait référence à un ensemble bien défini d’idéaux éthiques, de principes ou de doctrines régissant un mouvement social, une institution ou un groupement important. L’un des nombreux aspects de ses idéologies est leur tendance à vouloir dominer en pensant que la société devrait fonctionner selon certaines normes préétablies.
Psychologiquement, la manière la plus précise de prédire les idéologies politiques d’une personne est de connaître celles de ses parents. L’environnement social où un enfant grandit peut notamment influencer sa façon de penser et ses futures prises de décisions. Dans cet environnement se forge également l’identité de l’enfant, qui peut être modelée et influencée par ses idéologies.
Dans la nouvelle étude, décrite dans la revue PNAS Nexus, des chercheurs de l’Université d’État de l’Ohio ont découvert que les signatures biologiques détectées par IRMf (IRM fonctionnelle) permettent de prédire au moins aussi efficacement que l’idéologie des parents, l’idéologie politique d’une personne. « Pouvons-nous comprendre le comportement politique en regardant uniquement le cerveau ? La réponse est un oui assez retentissant », déclare dans un communiqué Skyler Cranmer, coauteur de la nouvelle étude et professeur de sciences politiques à l’Université d’État de l’Ohio.
Si des études antérieures reliaient déjà ces idéologies à des zones précises du cerveau, cette nouvelle étude est l’une des premières à les mettre en relation avec plusieurs régions cérébrales à la fois, ce qui suggère que les racines biologiques et neurologiques du comportement politique sont beaucoup plus profondes que nous ne le pensions auparavant.
Trois principales tâches reliées aux idéologies politiques
Pour aboutir à leurs résultats, les chercheurs ont analysé les résultats d’IRMf de 174 adultes en bonne santé. Il s’agit notamment de la plus large étude du genre à prédire avec précision les tendances politiques de personnes, quand elles effectuaient diverses tâches (8 tâches banales dont aucune n’était destinée à susciter une idéologie). Les scans ont également été effectués quand elles ne réalisaient aucune tâche particulière.
L’équipe de recherche s’est ensuite appuyée sur une intelligence artificielle ainsi que sur des données de l’Ohio Supercomputer Center pour analyser les images obtenues. Les chercheurs ont alors mis en évidence des corrélations entre les résultats des analyses et les rapports des participants sur leur idéologie (sur une échelle de six points allant de très libéral à très conservateur).
« Aucune des huit tâches n’a été conçue pour susciter des réponses partisanes », explique Seo Eun Yang, également co-auteure de l’étude et professeure adjointe de sciences politiques à l’Université de Northeastern. « Mais nous avons découvert que les analyses des huit tâches étaient liées à leur identification en tant que libéraux ou conservateurs », ajoute-t-elle.
Même lorsque les participants n’effectuaient aucune activité particulière, l’imagerie a révélé des activités cérébrales spécifiquement en relation avec les idéologies politiques. Plusieurs régions du cerveau ont transmis des signaux d’activité, dont l’amygdale, le gyrus frontal inférieur et l’hippocampe.
Par ailleurs, trois tâches étaient particulièrement liées aux idéologies politiques. L’une d’elles concernait l’empathie et invitait les participants à regarder des photos de personnes aux visages neutres, heureux, tristes et craintifs. La deuxième était dédiée à la mémoire épisodique et la troisième était une tâche de récompense, où les participants pouvaient gagner ou perdre de l’argent en fonction de la rapidité avec laquelle ils pressaient sur un bouton.
Les analyses des images liées aux tâches de récompense pouvaient alors indiquer l’extrémisme politique (très libéral ou très conservateur). Tandis que la tâche d’empathie était davantage liée à une idéologie modérée. Les prédictions ont encore été plus précises lorsque des indicateurs démographiques et socio-économiques (l’âge, le sexe, le revenu, l’éducation, …) ont été pris en compte dans les analyses.
Toutefois, les auteurs de l’étude soulignent que davantage de recherches doivent être effectuées pour comprendre la relation entre la prise de décision de récompense et les opinions politiques extrêmes. Et bien que l’étude ait pu identifier les liens entre les signatures cérébrales et les idéologies politiques, elle ne permet pas encore de savoir si les signatures sont dues aux idéologies, ou si inversement les idéologies sont déclenchées par les signaux. « Cela pourrait aussi être une combinaison des deux, mais notre étude ne dispose pas des données pour répondre à cette question », conclut Cranmer.