Les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) semblaient jusqu’ici tracer une voie encourageante : en atteignant la neutralité carbone d’ici 2050, il serait possible de limiter le réchauffement climatique à moins de 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Mais cette vision se fissure à la lumière d’une nouvelle étude, qui révèle une accélération préoccupante de la hausse des températures mondiales. Selon des simulations combinant dix modèles climatiques, plusieurs régions analysées par le GIEC dépasseront bientôt le seuil critique de 1,5 °C, même dans les scénarios les plus optimistes.
Les auteurs de cette étude, Elizabeth Barnes (Université d’État du Colorado), Noah Diffenbaugh (Université Stanford) et Sonia Seneviratne (ETH Zurich), estiment que, même avec une décarbonisation rapide des économies, la probabilité de franchir la barre des 2 °C est d’une sur deux.
« Les impacts des vagues de chaleur, des pluies torrentielles et d’autres événements climatiques extrêmes ne cessent de s’aggraver ces dernières années », alerte Noah Diffenbaugh dans un communiqué.
L’intelligence artificielle au chevet des prévisions climatiques
Pour enrichir leurs analyses, les chercheurs ont mobilisé une technologie d’intelligence artificielle avancée : un réseau neuronal convolutif conçu pour prédire l’évolution des températures mondiales en intégrant l’actuel rythme de décarbonisation. Dans une étude publiée dans la revue Environmental Research Letters, ils expliquent que ce système, inspiré du fonctionnement du cerveau humain, est capable de préserver et d’exploiter les relations spatiales et temporelles des données climatiques, offrant ainsi une précision inédite dans les prévisions.
En exploitant une approche d’apprentissage par transfert, l’IA a été formée à partir des données issues des modèles climatiques ainsi que des observations locales sur les 43 régions définies par le GIEC. Ce processus permet d’aligner les simulations sur les réalités observées, réduisant ainsi les incertitudes. « L’intelligence artificielle constitue un levier puissant pour affiner les projections climatiques. Elle s’appuie sur les vastes simulations existantes tout en les confrontant aux observations du monde réel », souligne Elizabeth Barnes.
Une trajectoire inquiétante, même dans les scénarios optimistes
Les résultats, quant à eux, dressent un tableau sombre. Selon les prévisions établies à partir de ce système, 34 régions dépasseront le seuil de 1,5 °C dès 2040. Parmi elles, 31 atteindront les 2 °C avant 2040, et 26 pourraient franchir la barre des 3 °C d’ici 2060. Ces franchissements successifs traduisent une dynamique alarmante, même dans un contexte de politiques ambitieuses de réduction des émissions.
« Cette étude montre que, même dans les scénarios les plus favorables, les conséquences climatiques auxquelles nous serons confrontés dépasseront de loin celles que nous observons actuellement », prévient Noah Diffenbaugh.
Éclairer l’action politique face à l’urgence climatique
Les chercheurs insistent sur la nécessité d’intégrer ces outils technologiques novateurs dans la planification climatique. L’apprentissage par transfert appliqué à la modélisation pourrait non seulement améliorer la précision des projections régionales, mais aussi fournir des informations clés aux scientifiques et aux communautés confrontées à ces défis planétaires.
« Nos travaux démontrent l’urgence de croiser les progrès technologiques avec les efforts politiques pour mieux anticiper les impacts régionaux et, ainsi, mieux s’y préparer », conclut Barnes.