C’est la conclusion d’une nouvelle recherche, menée sur une cohorte de travailleurs de la santé britanniques, six mois après que ces personnes aient contracté le virus. Il s’avère que le niveau de la réponse immunitaire est en réalité très inégal selon les individus, leurs symptômes et le variant viral rencontré. Un constat qui renforce l’importance de la vaccination pour tous, malgré une éventuelle infection ultérieure.
Cette étude (une prépublication non validée par les pairs) a été dirigée par des chercheurs de l’Université d’Oxford, en partenariat avec le UK Coronavirus Immunology Consortium. Si l’immunité acquise par l’infection est encore détectable six mois plus tard dans la plupart des cas (un peu moins de 75% des cas selon les données), son efficacité reste très variable d’une personne à l’autre. Mais surtout, elle n’offre pas le même niveau de protection selon le variant du virus rencontré.
Par ailleurs, les chercheurs ont découvert que si l’infection était asymptomatique, aucune réponse immunitaire n’est mesurable six mois plus tard dans 90% des cas ! C’est là toute la différence entre l’immunité naturelle et l’immunité acquise par la vaccination : « Si vous vaccinez, vous obtenez une réponse vraiment robuste, mais avec une infection naturelle, il y a beaucoup plus de diversité dans les réponses », résume Eleanor Barnes, professeure d’hépatologie et de médecine expérimentale à l’Université d’Oxford et auteure principale de l’étude.
Une signature immunitaire détectable un mois après l’infection
Cette analyse a impliqué près de 80 membres du personnel de santé, qui ont contracté la COVID-19 (confirmée par test PCR) entre avril et juin 2020, avec ou sans symptômes. Des échantillons de leur sang ont été contrôlés chaque mois, jusqu’à six mois après l’infection. L’objectif était d’évaluer le niveau de chaque type d’anticorps mobilisés contre le virus, à savoir : les anticorps spécifiques à la protéine Spike et au nucléocapside du virus, les lymphocytes B — qui produisent des anticorps et sont garants de la mémoire immunitaire de l’organisme — et les lymphocytes T, responsables de l’immunité cellulaire et qui détruisent les cellules infectées.
Les anticorps spécifiques au nucléocapside ont diminué au fil du temps dans toute la cohorte, tandis que d’autres étaient stables. Parmi les personnes ayant développé plusieurs symptômes de la maladie, plus d’un quart (26%) ne possédaient toutefois aucune réponse immunitaire mesurable six mois après l’infection. Ce pourcentage explose dans le cas des infections asymptomatiques : dans plus de 90% de ces cas, la réponse immunitaire est inexistante six mois plus tard. « Notre préoccupation est que ces personnes risquent de contracter la COVID-19 pour la deuxième fois, en particulier avec la circulation de nouveaux variants », explique le Dr Christina Dold, de l’Oxford Vaccine Group et co-auteure de l’étude.
À l’aide d’un outil d’apprentissage automatique, nommé Sequential Iterative Modeling Over Night, les chercheurs ont tenté de vérifier s’il était possible de prédire l’immunité d’une personne à long terme en fonction de la nature de la réponse immunitaire et de la gravité de l’infection qu’elle a contractée. Cette approche leur a permis de mettre en évidence une signature immunitaire précoce, détectable un mois après l’infection : les niveaux d’immunité cellulaire et d’anticorps observés à ce stade sont effectivement révélateurs de la robustesse de la réponse immunitaire détectée cinq mois plus tard. C’est la première fois qu’une telle signature est découverte et permet de mieux comprendre le développement d’une immunité durable.
Une réponse immunitaire trop faible pour lutter contre les variants
Les analyses ont révélé que la plupart des personnes qui affichaient une faible réponse immunitaire un mois après l’infection n’avaient, cinq mois plus tard, aucun anticorps détectable capable de neutraliser le variant Alpha du virus (anciennement, « variant britannique » ou B.1.1.7). De même, aucun membre de la cohorte étudiée ne possédait d’anticorps neutralisants contre le variant Bêta (anciennement « variant sud-africain » ou B.1.351). « À notre avis, une infection antérieure ne vous protège pas nécessairement à long terme contre le SARS-Cov-2, en particulier contre les variants préoccupants », conclut Barnes. Aucune donnée n’est pour le moment disponible concernant le variant Delta, aujourd’hui dominant au Royaume-Uni. Mais il est fort probable que les résultats soient similaires…
Le maintien de la mémoire immunitaire au fil du temps est indispensable à la neutralisation efficace du virus ; c’est le mécanisme le plus susceptible de conférer une immunité stérilisante, autrement dit, de conférer à l’organisme la capacité d’éliminer les particules virales avant que l’infection ne se déclenche. Les autres mécanismes immunitaires, y compris les anticorps et les lymphocytes T non neutralisants, peuvent contribuer à la protection contre les formes graves de la maladie.
La grande variabilité observée dans l’immunité acquise par infection naturelle est due en grande partie au fait que les individus ne sont pas tous exposés au virus de la même manière. Dans le cas de l’immunité acquise par vaccination en revanche, tout le monde reçoit une dose standard, dans des conditions standards. C’est pourquoi les experts tiennent à souligner que seule la vaccination peut garantir une protection contre un infection ultérieure et qu’il est non pertinent de se croire protégé sous prétexte que l’on a déjà contracté la maladie. Cette étude pourrait par ailleurs servir de base à un programme de vaccination plus ciblé pour les individus ayant déjà été infectés.