Des chercheurs tentant de comprendre la cause de l’activité destructrice du système immunitaire chez les personnes atteintes de la sclérose en plaques, pourraient avoir découvert la molécule déclenchant l’attaque contre le système nerveux.
Les maladies auto-immunes sont aujourd’hui une véritable source d’inquiétude dans les pays occidentaux. Elles sont considérées à présent comme la troisième cause de mortalité, après le cancer et les maladies cardiovasculaires, bien qu’elles n’aient de loin pas la réputation de ces dernières. En effet, de nombreuses personnes n’ont encore jamais entendu ce terme.
Les maladies auto-immunes sont causées par une retournement des défenses contre l’organisme même qu’elles sont censées protéger.
Lors d’une infection, les cellules immunitaires reconnaissent les antigènes, des molécules — souvent des protéines — provenant spécifiquement de l’agent infectieux. Ceci permet d’activer, dans le lieu de l’invasion, les divers mécanismes qui vont « stimuler » les défenses du corps afin d’éradiquer les microorganismes intrus.
Vous allez aussi aimer :
Découverte d’un nouvel aspect de notre système immunitaire
Dans les maladies auto-immunes, le système immunitaire confondrait des molécules produites par son propre organisme avec des antigènes, conduisant ce dernier à détruire les parties du corps ou organes où elles se situent. Ces molécules, considérées par erreur comme des menaces, sont nommées « autoantigènes ».
Dans le cas de la sclérose en plaques (SEP), la partie attaquée dans l’organisme est la myéline, une sorte d’enveloppe protégeant les nerfs, et leur permettant également de propager plus rapidement les messages nerveux. Lorsque cette gaine est endommagée, de graves conséquences neurologiques s’en suivent : perte de vue, de sensibilité, de tonicité musculaire… et celles-ci aboutissent souvent à la paralysie.
Les spécialistes ont évidemment suspecté que des autoantigènes devait se situer sur la myéline. Après de nombreuses années de recherches, aucun coupable n’avait été identifié jusqu’à présent, mais des immunologistes de l’hôpital universitaire de Zurich ont publié cette semaine la découverte d’une molécule suspecte.
Le groupe a travaillé sur les lymphocytes T, un type de cellule immunitaire qui réagit en cas de contact avec des fragments d’antigènes d’origine bactérienne ou virale (épitopes), mais qui est aussi impliqué dans la sclérose en plaques. Ils ont obtenu ces cellules à partir de patients atteints de SEP, et les ont incorporées dans des mélanges de plus de 200 fragments de protéines, chacune ayant plus de 200 milliards de variétés.
Ils ont constaté que deux des fragments faisaient fortement réagir les lymphocytes T, et qu’elles étaient les constituants d’une même protéine, la guanosine diphosphate-L-fucose synthase (GD-L-FS), une enzyme impliquée dans le métabolisme de certains sucres, dans la mémoire, mais aussi dans la détermination du groupe sanguin.
Sur les 31 volontaires atteints de la maladie (ou montrant des symptômes précoces), 12 d’entre eux ont vu leurs lymphocytes réagir à l’enzyme.
Les chercheurs ont ensuite testé si la version bactérienne de l’enzyme causait également une réaction sur des cellules immunitaires de 8 patients. Les lymphocytes T de quatre d’entre eux ont réagi à la présence de cette enzyme, donnant ainsi davantage de crédibilité à une recherche datant de l’année passée, qui suspectait que certaines bactéries de la flore intestinale pouvait déclencher la maladie.
Cependant, l’immunologiste Ashutosh Mangalam de l’Université de l’Iowa, prévient qu’il faut prendre ce dernier résultat avec des pincettes. « Certaines des bactéries qui produisent l’enzyme sont moins abondantes chez les patients atteints de SEP que chez les personnes en bonne santé » déclare-t-il.
Reinhard Hohlfeld, de l’université Ludwig Maximilians à Munich, considère la découverte de la probable implication de la GD-L-FS comme un premier pas dans une nouvelle direction intéressante. Bien que cette enzyme soit répandue dans le cerveau, « elle n’a jamais été candidate », déclare-t-il.
Les chercheurs de Zurich prévoient que si les futures recherches confirment clairement la GD-L-FS comme étant un autoantigène, l’une des applications cliniques envisageables serait la même que pour les allergies, c’est-à-dire des injections de la molécule afin que le système immunitaire réagisse de moins en moins. Ils ont même l’intention de tester cette stratégie sur des patients à partir de l’année prochaine.