Uranus et Neptune pourraient ne pas être des « géantes de glace » : le modèle établi remis en question

Des caractéristiques cachées qui pourraient expliquer leurs champs magnétiques multipolaires.

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Images d'Uranus (à gauche) et de Neptune (à droite) prises par Voyager 2. | NASA/JPL-Caltech
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De nouvelles simulations suggèrent qu’Uranus et Neptune pourraient avoir des cœurs plus rocheux et moins glacés qu’on le pensait, remettant en question l’hypothèse conventionnelle les qualifiant de « géantes de glace ». Des mouvements de convection pourraient aussi se produire dans leurs noyaux, une caractéristique qui pourrait expliquer leurs champs magnétiques multipolaires.

Historiquement, les planètes du système solaire sont catégorisées en trois classes distinctes selon leur composition : les planètes telluriques ou rocheuses du Système solaire interne (Mercure, Vénus, Terre et Mars), les géantes gazeuses (Jupiter et Saturne) et les géantes de glace (Uranus et Neptune). Il est largement admis que leur composition est régie par leur distance par rapport au Soleil, Neptune et Uranus se situant par exemple au-delà du point où les substances volatiles comme l’eau se congèlent.

Bien qu’Uranus et Neptune soient en partie composés de gaz, ils contiendraient plus de méthane, d’eau et de substances volatiles que Jupiter et Saturne. Ces éléments gèleraient facilement en raison de leur position dans le Système solaire et des pressions extrêmes en leur sein. Cependant, les hypothèses quant à leurs compositions restent en grande partie théoriques et leurs structures internes sont encore mal comprises.

En effet, de toutes les planètes du Système solaire, Uranus et Neptune sont les moins bien connues. Cela s’explique en partie par le fait qu’ils n’ont été étudiés et approchés de près que par une seule mission spatiale : Voyager 2. Or, l’étude de l’histoire évolutive de ces planètes est essentielle à la compréhension de celle du Système solaire et des autres planètes et objets qu’il abrite.

Leur importance est devenue encore plus évidente au cours des dernières années, notamment suite à la découverte d’exoplanètes de masse intermédiaire, c’est-à-dire dont la masse se situe entre celle de la Terre et celle de Neptune. Des recherches suggèrent que ce type d’exoplanète pourrait être parmi les plus communs de notre galaxie. Une meilleure compréhension d’Uranus et de Neptune pourrait ainsi fournir des informations quant aux problèmes fondamentaux de la physique planétaire tels que les mécanismes de formation d’une planète à une distance donnée d’une étoile.

Une récente étude publiée ce mois-ci dans la revue Astronomy & Astrophysics, d’une équipe de l’Université de Zürich (UZH) et du Centre national de compétences en recherche (NCCR) PlanetS, remet en question la catégorisation de Neptune et d’Uranus en tant que géantes de glace. Les résultats ont été obtenus en utilisant une technique pour simuler l’intérieur des deux planètes en considérant des compositions autres que celles des modèles riches en eau.

« La classification des géantes de glace est trop simplifiée, car Uranus et Neptune restent encore mal comprises », explique dans un communiqué, Luca Morf, doctorant à l’UZH et auteur principal de l’étude. « Les modèles physiques reposaient trop sur des hypothèses, tandis que les modèles empiriques étaient trop simplistes. Nous avons combiné les deux approches pour obtenir des modèles d’intérieur à la fois « agnostiques » (ou non biaisés) et physiquement cohérents », indique-t-il.

Des mondes plus rocheux que glacés ?

Les simulations de Morf et ses collègues s’appuient sur un profil de densité aléatoire de l’intérieur d’Uranus et de Neptune pour ensuite déduire le champ gravitationnel résultant. Le processus a été répété jusqu’à l’identification de correspondances avec les données d’observation sur la composition des deux planètes.

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Uranus pourrait être une géante de glace (à gauche) ou une géante rocheuse (à droite), selon les hypothèses du modèle. © Keck Institute for Space Studies/Chuck Carter

Les résultats ont montré que la composition interne potentielle des planètes pourrait ne pas se limiter uniquement à la glace. Les données suggèrent que leurs couches internes pourraient être plus riches en roches qu’on le pensait. « C’est une hypothèse que nous avions formulée il y a près de 15 ans, et nous disposons désormais du cadre numérique nécessaire pour la démontrer », explique Ravit Helled, professeur à l’UZH et initiateur du projet. Cette interprétation s’inscrit dans une réflexion plus large sur la diversité des corps formés dans les régions externes du Système solaire, où la proportion de matériaux rocheux pourrait avoir été sous-estimée. Ces résultats concordent ainsi avec de récentes études démontrant que Pluton est principalement rocheux.

En outre, les résultats des simulations suggèrent que l’intérieur des planètes comporte des mouvements de convection, ce qui pourrait expliquer leurs champs magnétiques inhabituels. En effet, plutôt que de comporter deux pôles comme celui de la Terre et d’autres planètes du Système solaire, ils comportent plusieurs pôles.

« Nos modèles intègrent des couches d’eau ionique qui génèrent des dynamos magnétiques à des endroits précis, expliquant ainsi les champs magnétiques non dipolaires observés », explique Helled. « Nous avons également constaté que le champ magnétique d’Uranus prend naissance plus profondément que celui de Neptune », ajoute-t-il.

Les résultats comportent toutefois encore des incertitudes, précisent les chercheurs, notamment en raison du fait que les comportements des matériaux dans les conditions extrêmes de pression et des températures au cœur des planètes géantes demeurent incompris. Une autre raison est le manque de données sur les deux planètes.

« Selon les hypothèses du modèle, Uranus et Neptune pourraient être des géantes rocheuses ou des géantes de glace. Les données actuelles sont insuffisantes pour les départager, et des missions dédiées vers Uranus et Neptune sont donc nécessaires pour révéler leur véritable nature », souligne Helled.

Les résultats permettent néanmoins d’explorer de nouveaux scénarios pour déterminer la composition exacte des planètes géantes. Ils pourraient aussi contribuer à orienter les recherches en science des matériaux dans des conditions planétaires. L’équipe de l’étude prévoit d’étendre leur modèle en intégrant davantage de paramètres.

Source : Astronomy & Astrophysics
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