Doté d’un budget de 100 millions d’euros, le projet Genesis rassemble plusieurs acteurs publics et privés autour d’une ambition commune : inventer une peau artificielle permettant de soigner les plaies et brûlures les plus sévères. Une aventure industrielle 100 % « made in France », qui promet de soulager les douleurs des patients et les comptes de l’assurance maladie.
De l’aveu même de Guirec Le Lous, président d’Urgo Medical, c’est « un pari un peu fou ». De ceux qui peuvent changer le destin d’une entreprise comme celui de millions de patients à travers le monde. Ce « pari », c’est celui de l’invention de la peau artificielle, que le laboratoire français, leader des pansements et solutions de cicatrisation, a décidé de relever.
Si l’entreprise dijonnaise y parvient, il s’agira d’une première mondiale. Ni plus ni moins que du « Graal absolu » pour les médecins et leurs patients grands brûlés, renchérit Guirec le Lous. Mais comme toute quête scientifique, l’aventure de la peau artificielle ne sera pas l’affaire d’un jour, elle s’inscrit dans le temps long et sera nécessairement collective.
Une « dream team » 100 % tricolore
Urgo se donne en effet cinq à dix ans pour parvenir à la conception de cette peau artificielle prête à l’emploi. Baptisé « Genesis » et mûri depuis plusieurs années déjà, ce véritable « défi scientifique et technologique » réunit désormais un consortium de cinq acteurs publics comme privés. À la trentaine de salariés dédiés et au laboratoire flambant neuf qu’Urgo consacre déjà, sur son site de Chenôve, à cette belle ambition viendront en effet s’ajouter les équipes et le savoir-faire du laboratoire tissulaire de l’Université Claude-Bernard (Lyon 1), de l’Établissement français du sang, du laboratoire de l’AFM-Téléthon ou encore du groupe Dassault Systèmes, qui apportera ses compétences en modélisation 3D du corps humain.
En somme, résume Guirec Le Lous, « on a réuni (une) dream team française. On est allé chercher les meilleurs experts chacun dans leur domaine ». Des experts qui, pour avancer, vont pouvoir compter sur la participation financière de l’État ; celui-ci, via Bpifrance, investira en effet près de 23 millions d’euros dans un projet Genesis désormais doté d’une belle enveloppe de 100 millions d’euros. Non sans raison : « notre souveraineté sanitaire passe par nos entreprises innovantes », déclarait sur X Emmanuel Macron en 2021, le président de la République disant sa « fierté » de voir le groupe Urgo s’engager, avec Genesis, en faveur d’une « première mondiale». En effet, c’est bien d’une révolution des soins dont il est question.
Une révolution pour les patients, pour les médecins et pour les finances publiques
Et, si Genesis tient ses promesses, il s’agira bien de la « genèse » d’une nouvelle ère en matière de prise en charge des grands brûlés. Rien qu’en France, ce sont 400 000 personnes qui, chaque année, sont victimes de brûlures suffisamment graves pour nécessiter des soins. Parmi elles, 8 000 doivent être hospitalisées, selon Santé publique France, et 400 décèdent des suites de leurs blessures. Non que les survivants soient sortis d’affaire : selon le degré de brûlure, les soins peuvent s’avérer particulièrement longs et excessivement douloureux, imposant parfois, pour être administrés, une anesthésie générale. Les cas les plus graves – les grands brûlés – nécessitent, quant à eux, une greffe de peau, le plus souvent sous la forme d’une autogreffe.
Or, si l’autogreffe donne de bons résultats, cette procédure demeure très lourde. Elle implique de multiples interventions chirurgicales, des séjours à l’hôpital à répétition et une laborieuse rééducation. « Parce qu’on ne peut pas prélever des surfaces de peau importantes, de nombreuses opérations sont nécessaires », rappelle ainsi Tristan Le Lous, président du groupe Urgo : ces opérations « sont très douloureuses pour le patient, qui peut passer des semaines à l’hôpital ». « Ce qui implique », d’après le dirigeant, « des coûts importants autant pour lui que pour le système de santé ». La peau artificielle d’Urgo pallierait donc ces problèmes : elle viendrait couvrir les zones blessées et nettoyées, en allégeant la douleur du patient et en lui permettant de poursuivre sa convalescence chez lui plutôt qu’à l’hôpital.
L’innovation au coeur de l’ADN d’Urgo
« Outre le service rendu », estime Tristan Le Lous, « il s’agit donc d’une innovation qui modifierait le parcours patient et les coûts du système de soins ». La peau artificielle d’Urgo soulagerait donc à la fois les patients en apaisant leurs souffrances, les médecins et personnels soignants en allégeant leur charge de travail, et les finances publiques en réduisant la durée comme l’intensité – et donc le coût – des soins prodigués. Si elle venait à voir le jour, l’innovation de l’entreprise française participerait, par ailleurs, à conforter la place d’Urgo comme leader incontesté de la filière et comme épicentre de l’innovation et de l’excellence « made in France ».
Un petit exploit pour ce groupe familial, passé d’une simple herboristerie dijonnaise au XIXe siècle au laboratoire connu de tous pour ses pansements « à trous », tout en absorbant des marques aussi incontournables dans l’armoire à pharmacie des Français que sont Humex, Juvamine, Alvityl ou Mercurochrome.
Loin de s’endormir sur les lauriers du passé, Urgo replace donc, avec le projet Genesis, ses 200 chercheurs et sa quinzaine de brevets par an, l’innovation au coeur de son ADN. Un choix ô combien stratégique dans un environnement hyper-concurrentiel. Et qui, près de cinq ans après l’apparition des premiers cas de COVID-19, donne consistance à l’ambition de souveraineté sanitaire clamée haut et fort par les autorités françaises.