Une étude à grande échelle, menée au Danemark et en Norvège, a examiné plus avant les risques de thromboses atypiques associés au vaccin développé par Oxford-AstraZeneca. Les résultats montrent une légère augmentation des taux de caillots sanguins veineux (par rapport à ceux attendus dans la population générale), mais le risque est considéré comme faible et les bienfaits du vaccin continuent de l’emporter.
Entre le début et la mi-mars 2021, l’utilisation du vaccin Oxford-AstraZeneca (Vaxzevria) a été interrompue dans plusieurs pays européens en raison de rapports spontanés d’événements thromboemboliques graves et parfois mortels parmi les personnes vaccinées. Selon un communiqué de l’Agence européenne des médicaments, 30 cas d’événements thromboemboliques à prédominance veineuse avaient été signalés au 10 mars 2021, parmi les quelque cinq millions d’Européens ayant reçu ce vaccin à cette date.
En France, selon le dernier rapport de pharmacovigilance publié par l’ANSM, un seul nouveau cas de thrombose de localisation atypique a été signalé sur la période du 9 au 22 avril, portant le total à 28 cas (dont 8 décès) depuis le début de la vaccination. Au 22 avril, plus de 3,6 millions d’injections du Vaxzevria avaient été réalisées. Depuis le 19 mars, ce vaccin est réservé aux personnes de 55 ans et plus.
Un risque faiblement accru de thrombose veineuse cérébrale
Comme le soulignent les auteurs de cette nouvelle étude, les événements indésirables peuvent cependant être largement sous-estimés s’ils ne reposent que sur la notification spontanée. En outre, les événements thromboemboliques qui ont été rapportés dans les différents pays prenaient plusieurs formes : thrombopénie sévère, saignements, thrombose artérielle et thrombose veineuse de localisation inhabituelle, mais aussi thrombose veineuse des membres inférieurs ou embolie pulmonaire, survenant dans les cinq à 24 jours suivant la vaccination.
Le nombre de ces événements dépasse-t-il le taux normal attendu ? Quels sont les risques réels ? C’est ce qu’ont souhaité déterminer des chercheurs de centres scientifiques au Danemark et en Norvège : ils ont évalué les taux nationaux d’événements cardiovasculaires et hémostatiques dans les 28 jours suivant l’injection du Vaxzevris, puis les ont comparés aux taux normalisés correspondants, selon l’âge et le sexe, dans la population générale des deux pays.
Leurs analyses reposent sur le suivi de plus de 280 000 personnes, âgées de 18 à 65 ans, qui ont reçu une première dose du vaccin Oxford-AstraZeneca au Danemark et en Norvège entre le 9 février et le 11 mars 2021 (date à laquelle les programmes de vaccination danois et norvégien ont été interrompus). Plus précisément, les cohortes vaccinées comprenaient 148 792 personnes au Danemark (âge médian de 45 ans, 80% de femmes) et 132 472 en Norvège (âge médian de 44 ans, 78% de femmes). Les populations générales âgées de 18 à 65 ans au Danemark en 2016-2018 et en Norvège en 2018-2019 ont servi de cohortes de comparaison prédéfinies.
Dans l’analyse principale, les chercheurs ont identifié 59 événements thromboemboliques veineux contre 30 attendus sur la base des taux d’incidence dans la population générale, ce qui correspond à 11 événements en excès pour 100 000 vaccinations. En particulier, ce résultat comprenait un taux plus élevé que prévu de thromboses veineuses cérébrales (2,5 événements pour 100 000 vaccinations).
« Un bon choix, malgré les risques probables »
Parallèlement, les résultats ne suggèrent aucune augmentation du taux d’événements artériels, tels que des crises cardiaques ou des accidents vasculaires cérébraux ; le nombre de cas identifiés demeure en effet identique, voire inférieur, au nombre de cas attendus. Pour la plupart des autres résultats, les chiffres étaient également rassurants : les chercheurs ont observé des taux légèrement plus élevés d’événements moins graves tels que la thrombocytopénie (une condition liée à de faibles taux de plaquettes sanguines), des troubles de la coagulation et des saignements; des chiffres qui, selon eux, pourraient également être influencés par une surveillance accrue des vaccinés.
Ces analyses mettent en évidence une corrélation, mais ne permettent malheureusement pas d’établir la cause de ces événements. Les chercheurs soulignent par ailleurs le manque de données sur les facteurs de risque sous-jacents de la coagulation et la possibilité que leurs résultats ne s’appliquent pas à d’autres ethnies. Mais cette étude est basée sur une large cohorte et repose sur des données fiables. Par conséquent, l’équipe insiste sur le fait que les risques d’événements thromboemboliques veineux sont faibles, et que ces résultats « doivent être interprétés dans le contexte des avantages de la vaccination contre la COVID-19 au niveau tant sociétal qu’individuel ».
Rafael Perera et John Fletcher, les rédacteurs en chef du BMJ dans lequel cette étude a été publiée, soulignent que la COVID-19 est elle-même associée à la thrombose veineuse cérébrale et affirment que la vaccination reste très largement l’option la plus sûre. « Le choix auquel nous sommes presque tous confrontés est entre une éventuelle infection par le SARS-CoV-2 et la vaccination. Le vaccin d’AstraZeneca est clairement un bon choix, malgré les risques probables rapportés dans cette étude », déclarent-ils.
Les régulateurs britanniques et européens des médicaments affirment eux aussi que les avantages du vaccin Oxford-AstraZeneca l’emportent toujours sur les risques. « Les pays qui ont retardé leurs propres programmes de vaccination à un moment de taux de transmission élevés, en refusant d’utiliser les vaccins disponibles d’Oxford-AstraZeneca, devraient savoir que leur décision aura contribué à une augmentation du nombre de décès évitables dus à la COVID-19 », estime Paul Hunter, professeur de médecine et spécialiste des maladies infectieuses à l’Université d’East Anglia.