Pour la première fois, un essai clinique sur l’être humain va tester l’efficacité d’un vaccin contre le cancer du sein. L’aboutissement de deux décennies d’études précliniques intensives. Conçu pour être administré en prévention, ce vaccin cible les cellules produisant de l’α-lactalbumine, une protéine exprimée à un niveau particulièrement élevé dans les cellules du cancer du sein. La première phase de l’essai clinique, testant l’innocuité du vaccin chez l’être humain, aura prochainement lieu sur 24 femmes.
Un vaccin contre le cancer du sein : c’est l’incroyable prouesse que la clinique de Cleveland est en train de développer. L’initiative est tout ce qu’il y a de plus sérieux. Après l’obtention de résultats préliminaires très concluants sur la souris en 2010, les premiers essais sur l’être humain s’apprêtent à leur emboîter le pas, grâce à leur récente autorisation par la Food and Drug Administration américaine. L’idée générale de ce vaccin : « faire de l’α-lactalbumine une cible immunologique », explique à New Atlas le responsable de l’essai clinique Thomas Budd.
Lactalbumine, ce nom évoque quelque chose… le lait, bien sûr ! Cette protéine est présente dans le lait de tous les mammifères, ce qui signifie qu’elle s’exprime normalement dans les glandes mammaires produisant du lait chez les mères de jeunes enfants allaités. À part dans les cellules responsables de la production du lait, cette protéine s’exprime dans les cellules responsables du cancer du sein, d’où l’idée de cibler les cellules produisant cette protéine.
Contrer le cancer du sein triple
négatif
Comme le vaccin n’est pas spécifique du type de cellules produisant de l’α-lactalbumine, il ciblera avant tout les femmes ménopausées et celles ayant déjà donné naissance à leurs enfants, ainsi que les femmes jeunes particulièrement à risque. Bien qu’à prendre en prévention de la maladie, il n’est donc pas adapté à une vaccination dès l’enfance. De même que son public potentiel est restreint, le type de cancer du sein visé par le vaccin est spécifique : il s’agit surtout du cancer du sein triple négatif, associé à une expression particulièrement importante d’α-lactalbumine.
Ce cancer du sein est particulièrement agressif en raison de sa détection tardive, puisque son nom vient du fait qu’il n’est pas détectable par les trois marqueurs moléculaires caractéristiques de la majorité des cancers du sein — excès de protéines HER2, de récepteurs à œstrogènes ou de récepteurs à progestérone. Résultat : lors de sa détection, la métastase du cancer a souvent commencé. Il représente environ 15 % des cas de cancer en France, et fait l’objet de nombreuses tentatives de traitements spécifiques en raison de sa gravité. La Haute Autorité de Santé a par exemple récemment approuvé un traitement par anticorps associé à une chimiothérapie en cas de cancer du sein métastatique triple négatif.
Une recherche sur le long terme
Actuellement en développement, ce vaccin en est à la phase I de son développement, ce qui signifie qu’il est testé sur un petit échantillon de sujets pour évaluer sa toxicité, ainsi que la dose à injecter jugée optimale. Dans cette étude, ce sont en tout 24 femmes atteintes d’un cancer du sein triple négatif il y a 3 ans ou moins et depuis en rémission qui seront les premières personnes à bénéficier de ce candidat-vaccin. Cette première phase devrait durer environ un an, jusqu’en septembre 2022.
Même en cas de succès de cette première phase, la route sera encore longue et émaillée de phases d’essais cliniques encore plus restrictives avant une première commercialisation, qui pourrait avoir lieu dans 10 ans au mieux. mais Thomas Budd reste confiant : « Cela nous prendra des années de tester un tel vaccin, parce que cela demande des années de confirmer qu’on empêche un cancer de se développer. Mais il fallait commencer quelque part. » Néanmoins confiants, les chercheurs estiment que leur approche de recherche d’un vaccin contre le cancer du sein triple négatif pourra à l’avenir s’étendre à d’autres types de cancers.