Une enquête impliquant près de 9000 personnes révèle que celles ayant reçu un vaccin antitétanique récent sont moins susceptibles de développer la maladie de Parkinson. De plus, les traitements antimicrobiens contre le tétanos ralentissent considérablement sa progression. Cela suggère une implication potentielle de l’infection à Clostridium tetani — la bactérie du tétanos — dans le risque de développer la maladie. La vaccination pourrait ainsi constituer une stratégie de prévention prometteuse contre la maladie.
La maladie de Parkinson est une maladie chronique dégénérative affectant plus de 6 millions de personnes dans le monde. Deuxième cause de handicap moteur chez les adultes, elle est caractérisée par la perte progressive de neurones dans l’ensemble du système nerveux central et périphérique. Bien que l’âge soit l’un des principaux facteurs de risque, elle n’affecte pas uniquement les personnes âgées, contrairement à ce que l’on pense. Environ 17 % des patients ont en effet moins de 50 ans.
Le diagnostic actuel repose sur la détection de tremblements au repos, de la bradykinésie (lenteur des mouvements volontaires), de la rigidité et d’anomalies dans la réponse posturale. La neurodégénérescence débute notamment au niveau des neurones dopaminergiques essentiels au contrôle des mouvements. Cependant, l’étiologie exacte de la maladie reste mal comprise et le diagnostic ne s’effectue généralement qu’à un stade avancé. Actuellement, il n’existe encore aucun traitement approuvé ciblant directement ses mécanismes ou ses causes directes.
De récentes études ont mis au jour des différences significatives entre le microbiote intestinal des personnes souffrant de Parkinson et celui de personnes saines. Parmi les différences observées figurent un taux plus élevé de C. tetani chez les patients parkinsoniens. Étant donné que la bactérie sécrète une neurotoxine provoquant un dysfonctionnement synaptique, elle pourrait potentiellement être impliquée dans la physiopathologie de la maladie.
D’un autre côté, Parkinson est diagnostiquée en moyenne à 45 ans, lorsque la protection des vaccins antitétaniques pendant l’enfance et l’adolescence n’est plus active. Dans le cadre des programmes de vaccination standard, ces vaccins sont systématiquement administrés aux nourrissons, aux enfants et aux adolescents. Les adultes ne reçoivent un rappel que lorsqu’ils se présentent avec une plaie susceptible de s’infecter au C. tetani et s’ils n’ont pas reçu de vaccin au cours des 10 dernières années suivant la blessure.
Des chercheurs de l’Université de Tel-Aviv (en Israël) en ont alors déduit que les rappels de vaccin antitétanique pourraient influencer l’apparition de Parkinson. « Si une neurotoxine de Clostridium contribue à la pathogenèse de la Parkinson, on s’attendrait à une corrélation inverse entre l’administration du vaccin contre l’anatoxine tétanique et l’incidence de la maladie », ont-ils expliqué dans leur rapport prépublié sur la plateforme spécialisée medRxiv.
Une protection maximale entre 5 et 10 ans après le dernier vaccin antitétanique
La neurotoxine sécrétée par la bactérie du tétanos est absorbée par les endosomes (des organites cellulaires responsables du transport des molécules) et interfère avec la libération des neurotransmetteurs responsables du mouvement. En l’absence de traitement, cela provoque de la rigidité et des contractions musculaires incontrôlées, potentiellement fatales (car les muscles respiratoires comme le diaphragme sont affectés). Les chercheurs de la nouvelle étude ont avancé l’hypothèse selon laquelle les C. tetani présents dans le microbiote intestinal pourraient être partiellement réactivés lorsque les vaccins n’offrent plus suffisamment de protection.
Dans le cadre de leur enquête, les chercheurs ont analysé plus de 22 ans de dossiers médicaux pour sélectionner 1446 patients ayant reçu un diagnostic de Parkinson entre 45 et 75 ans, ainsi que 7230 témoins sains. Cette fourchette d’âge a été choisie afin d’éliminer les cas survenant à un très jeune âge et qui sont principalement influencés par des facteurs génétiques ou environnementaux. La sélection élimine aussi les personnes plus âgées (plus de 75 ans), chez lesquelles les symptômes moteurs peuvent être provoqués par d’autres pathologies. Les dates de diagnostic le plus précoce ou de l’achat des premiers médicaments antiparkinsoniens ont été utilisées comme références.
Les experts ont constaté que la vaccination antitétanique était significativement corrélée à un risque réduit de Parkinson. Le risque et la gravité de la maladie sont également influencés par le temps écoulé depuis la dernière vaccination. La meilleure protection semble être obtenue entre 5 et 10 ans après le dernier vaccin antitétanique. En outre, les traitements antimicrobiens ciblant la plupart des souches de Clostridium sont associés à un ralentissement significatif de la progression de Parkinson.
Ces résultats suggèrent que l’infection à C. tetani pourrait être effectivement impliquée dans le risque de développer la Parkinson. Toutefois, davantage de recherches, dont des essais randomisés, sont nécessaires avant de pouvoir confirmer cette implication et en comprendre les mécanismes. Néanmoins, les chercheurs estiment que les vaccins antitétaniques pourraient constituer une nouvelle stratégie prometteuse pour la prévention de la maladie.