Les entreprises qui ont exploité la technologie de l’ARNm, utilisée dans les vaccins COVID-19, développent déjà de nouveaux vaccins contre d’autres virus ou maladies avec cette même technique. Mais l’avenir des vaccins pourrait davantage ressembler à la consommation de salade qu’à une piqûre dans le bras. Des scientifiques de l’UC Riverside (UCR) étudient la possibilité de transformer des plantes comestibles (comme la laitue) en usines à vaccins à ARNm.
Cette étude en cours peut sembler farfelue. Pourtant, depuis le début des années 80, les scientifiques transforment des plantes pour leur faire produire des médicaments et des vaccins : c’est la moléculture. Ainsi, certaines plantes telles que le tabac, le riz, le maïs, la pomme de terre, la laitue, la carotte, l’épinard et la luzerne sont exploitées dans le but d’obtenir un vaccin, de la manière la plus stable et pérenne possible.
Même si aucun vaccin humain d’origine végétale n’a encore été approuvé sur le marché, la récente pandémie de COVID-19 a mis en évidence une certaine valeur des technologies : elles permettent une production rapide de produits biopharmaceutiques dans des situations d’urgence. En effet, il a été montré que les systèmes végétaux impliquent des processus de production et des contrôles de qualité moins compliqués que les cellules de mammifères et bactériennes.
Rivaliser avec les injections de vaccin à ARNm classiques
Ainsi, des vaccins d’origine végétale sont en cours d’essais précliniques ou cliniques et bénéficient de financements importants. La National Science Foundation a subventionné la recherche en cours de l’UCR à hauteur de 500 000 dollars. Les objectifs du projet sont triples : montrer que l’ADN contenant les vaccins à ARNm peut être délivré avec succès dans la partie des cellules végétales où il se répliquera, démontrer que les plantes peuvent produire suffisamment d’ARNm pour rivaliser avec une injection traditionnelle et, enfin, déterminer le bon dosage.
On le sait, l’un des défis de la technologie des vaccins à ARNm est qu’elle doit être conservée au froid pour maintenir sa stabilité pendant le transport et le stockage. Celui de Pfizer, par exemple, requiert une température de -70 °C, ce qui est hors de portée des pharmacies classiques. Si ce nouveau projet est couronné de succès, les vaccins à ARNm d’origine végétale — et donc consommables — pourraient surmonter ce problème en étant stockés à température ambiante.
« Nous testons cette approche avec des épinards et de la laitue et nous avons pour objectif à long terme que les gens la cultivent dans leur propre jardin », a déclaré dans un communiqué Juan Pablo Giraldo, professeur associé au département de botanique et de sciences végétales de l’UCR. « Les agriculteurs pourraient aussi, à terme, en cultiver des champs entiers. Dans l’idéal, une seule plante produirait suffisamment d’ARNm pour vacciner une seule personne », a-t-il ajouté.
Réutiliser des virus végétaux pour délivrer des gènes aux plantes
Chez la plante, les chloroplastes permettent d’exprimer des gènes qui ne font pas naturellement partie du végétal en question. Les chloroplastes sont des organites présents dans le cytoplasme des cellules végétales et qui convertissent la lumière du soleil en énergie utilisable par la plante : du sucre et des molécules pour son développement, et bien plus encore.
Pour ce projet, Giraldo s’est associé à Nicole Steinmetz, professeure de nano-ingénierie à l’UC San Diego, afin d’utiliser les nanotechnologies conçues par son équipe pour acheminer le matériel génétique vers les chloroplastes. « Notre idée est de réutiliser des nanoparticules naturelles, à savoir des virus végétaux, pour délivrer des gènes aux plantes », explique Steinmetz. « Une certaine ingénierie est nécessaire pour que les nanoparticules atteignent les chloroplastes et pour qu’elles ne soient pas infectieuses pour les plantes. »
Giraldo codirige également un projet connexe qui exploite des nanomatériaux pour acheminer l’azote (un engrais) directement vers les chloroplastes, là où les plantes en ont le plus besoin. L’azote est limité dans l’environnement, mais les plantes en ont besoin pour se développer.
Or, la plupart des agriculteurs sèment l’azote sur le sol. En conséquence, près de la moitié de cet azote se retrouve dans les eaux souterraines, ce qui contamine les cours d’eau. Cette approche alternative permettrait d’introduire l’azote dans les chloroplastes par les feuilles et de contrôler sa libération, un mode d’application beaucoup plus efficace qui pourrait d’ailleurs aider les agriculteurs.