Jeudi dernier, Elon Musk a organisé en grande pompe une conférence pour évoquer les avancées du projet Starship. Le vaisseau spatial de sa société, SpaceX, devrait selon lui être lancé pour la première fois cette année. De quoi faire de l’ombre à d’autres projets similaires, selon plusieurs experts du sujet.
La mise en scène était soignée, jeudi dernier, lors de la conférence de presse donnée par Elon Musk dans le sud-ouest du Texas, à la « Starbase » de SpaceX. Il n’avait pas manqué de dresser en arrière-plan le vaisseau spatial qui fait l’objet de beaucoup d’attention : le « Starship ». Ce dernier est conçu pour être un véhicule spatial multifonction et réutilisable, capable de transporter dans un premier temps entre la Terre et la Lune du matériel ou des êtres humains.
Elon Musk a annoncé que le premier vol de son engin spatial aurait lieu cette année. « À ce stade, je suis très confiant sur le fait que nous arriverons en orbite cette année », a-t-il ainsi déclaré. « Ça marchera. Il pourrait y avoir quelques bosses en cours de route, mais cela fonctionnera », a-t-il également affirmé. Il n’a cependant pas été plus précis sur la date que beaucoup attendaient.
Pourtant, selon Rand Simberg, ingénieur aérospatial et consultant dans le secteur spatial, interrogé récemment par le média Politico, le vol de cette année a de quoi inquiéter les compétiteurs de SpaceX. « Une fois que la fiabilité du nouveau système aura été démontrée par un grand nombre de vols, ce qui pourrait se produire en quelques mois, il rendra obsolètes tous les systèmes de lancement existants », explique-t-il ainsi. « Si SLS ne vole pas plus d’une fois tous les deux ans, il ne sera tout simplement pas un acteur important à l’avenir dans l’espace, en particulier lorsque Starship volera », ajoute-t-il.
Par « SLS », il fait référence au « Space Launch System rocket », la fusée que la Nasa prévoit d’utiliser pour ses missions Artemis, conjointement avec la capsule « Orion ». Il s’agit de trois missions d’exploration de la surface lunaire. La première est elle aussi prévue en 2022, et le premier alunissage humain sur ces missions est prévu pour 2025. Le SLS et Orion sont construits en collaboration avec des constructeurs tels que Boeing, Lockheed Martin, Northrop Grumman…
Le Space Launch System dépassé ?
La construction du SLS a cependant connu de nombreux retards et dépassements de budget au fil du projet. Encore cette année, le vol, qui était prévu pour le début de l’année, est finalement annoncé pour le printemps. Si le Starship s’avérait fonctionnel et moins coûteux, ce qui est supposé être le cas en raison de sa réutilisabilité, le SLS et la capsule Orion pourraient donc bien en effet se retrouver dépassés.
Robert Walker, consultant en industrie spatiale et ancien président du comité scientifique de la chambre, a également été interrogé par Politico. Pour lui, c’est notamment la fréquence de lancement du Starship qui pourrait jouer en sa faveur : « Si le premier vol Artémis est réussi, il faudra peut-être deux ans avant que nous puissions arriver au second. (…) Musk peut déployer tout cela assez rapidement », explique-t-il ainsi.
D’ailleurs, on peut noter que SpaceX travaille déjà en collaboration avec la Nasa sur le programme Artemis, notamment sur le système d’alunissage pour les astronautes. Ceux qui collaborent actuellement avec la Nasa ont donc de quoi être inquiets. Pour le dire crûment, un lobbyiste spatial a même déclaré : « ils se chient dessus ». Il est resté sous couvert d’anonymat afin d’éviter de bousculer ses alliés au congrès.
Reste à savoir si des vols aussi fréquents sont souhaitables, d’un point de vue environnemental. L’année dernière encore, Héloïse Marais, professeure agrégée de géographie physique à l’University College London, expliquait ainsi à The Guardian : « Un vol d’avion long-courrier représente 3 tonnes de dioxyde de carbone [par passager]. Un lancement de fusée, en revanche, émet entre 200 et 300 tonnes pour un vol d’environ quatre passagers ». Il faut ajouter à cela que lesdites émissions sont directement dans la haute atmosphère, où elles peuvent rester plusieurs années, et que d’autres gaz nocifs pour la couche d’ozone peuvent être émis lorsque la fusée brûle son carburant.
Si les vols spatiaux restaient assez loin sur la liste des pollueurs majoritaires, c’était notamment parce qu’ils étaient peu fréquents… Avec ce genre de véhicule spatial, la donne pourrait radicalement changer. « Actuellement, nous n’avons aucune réglementation concernant les émissions des fusées », affirmait aussi Eloise Marais. « Il est vraiment temps d’agir, pendant que les milliardaires achètent leur prochain billet pour l’espace ».
D’ailleurs, la Federal Aviation Administration n’avait, au moment du discours d’Elon Musk, toujours pas approuvé le vol orbital de Starship pour des raisons environnementales. Le dirigeant était toutefois confiant quant à une approbation dans l’année à venir…