Signalé pour la première fois en Inde au mois d’octobre 2020, le variant indien du SARS-CoV-2 s’est depuis répandu dans plusieurs pays. Désormais classé comme « variant préoccupant » par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il est porteur de plusieurs mutations qui augmentent sa transmissibilité. Le Royaume-Uni est particulièrement touché par cette nouvelle souche, qui devrait devenir la forme dominante du virus sur le territoire britannique dans les jours à venir.
Selon le bulletin épidémiologique de l’OMS daté du 11 mai, le variant B.1.617, dit variant indien, est présent dans 44 pays, y compris la France. De ce variant dérivent déjà trois formes (dénommées B.1.617.1, B.1.617.2 et B.1.617.3). En dehors de l’Inde, le Royaume-Uni est le pays qui recense le plus de cas de contamination associés à ce variant ; le dérivé B.1.617.2 en particulier, a été classé comme variant national préoccupant.
L’impact potentiel de ce variant sur l’efficacité des traitements et des vaccins anti-COVID-19 est pour le moment incertain. Mais il est clair qu’il est hautement transmissible : The Guardian rapporte qu’au Royaume-Uni, les cas de contamination ont augmenté de plus de 75% en quatre jours. À tel point que ce variant devrait bientôt éclipser le variant B.1.1.7 (dit britannique), pour devenir la souche dominante dans le pays.
Un possible retour en arrière ?
Au Royaume-Uni, les commerces, de même que les terrasses des pubs et restaurants sont ouverts depuis le 12 avril. Encouragé par la baisse du nombre de décès et de cas de contamination, le Premier ministre Boris Johnson avait franchi une première étape dans l’assouplissement des mesures de confinement. Il est par ailleurs prévu que la plupart des règles de distanciation sociale soient levées ce 21 juin. Mais l’émergence du variant indien vient changer la donne et pourrait entraîner un retour à une politique plus stricte.
Le gouvernement britannique a rapidement été pointé du doigt pour avoir tardé à ajouter l’Inde à sa liste rouge des pays à risque : cette décision est intervenue le 23 avril ; dès lors, les voyageurs en provenance d’Inde étaient interdits sur le territoire et les résidents britanniques soumis à une quarantaine obligatoire. Le secrétaire d’État à la santé du parti travailliste, Jonathan Ashworth, a clairement exprimé son opinion à ce sujet en déclarant que les frontières du Royaume-Uni « ont été aussi sûres qu’une passoire ». De même, Yvette Cooper, présidente travailliste de la commission des affaires intérieures à la chambre des Communes, a souligné, chiffres à l’appui, qu’au début du mois d’avril, les arrivants en provenance d’Inde ont été testés positifs à la COVID-19 à un taux 50 fois supérieur au taux observé à l’époque dans le pays.
Hier, le 17 mai, tandis que certains lieux d’accueil du public en intérieur ont à leur tour été autorisés à rouvrir, le secrétaire d’État à la santé du parti conservateur, Matt Hancock, rapportait aux députés les derniers chiffres liés au variant indien : 2323 cas confirmés de contamination au variant B.1.617.2 (contre 1313 jeudi dernier), dont 483 dans les villes de Bolton et Blackburn.
Face à cette recrudescence, le parti travailliste s’est exprimé en faveur d’une accélération de la campagne de vaccination, afin de vacciner l’ensemble des adultes dans les régions les plus touchées. Mais Hancock était davantage pour un dépistage intensif, « meilleur remède » selon lui pour lutter contre la propagation du variant : 35 000 tests supplémentaires avaient été distribués et collectés à Bolton et Blackburn. De plus, 6200 injections vaccinales ont été réalisées dans la ville de Bolton au cours du week-end. Mais ces efforts pourraient ne pas suffire à freiner la propagation du variant indien.
Des décisions politiques jugées tardives
Selon une analyse de données effectuée par le professeur Christina Pagel, directrice de l’unité de recherche opérationnelle clinique de l’University College London, le variant indien a été détecté dans près de 30% des échantillons collectés en Angleterre au cours de la semaine du 3 mai. Alors que le variant britannique (B.1.1.7) présentait déjà une transmissibilité accrue par rapport à la souche originale du virus, il semblerait que ce nouveau variant parvienne à le supplanter sur la majeure partie du territoire. « Cette variante va dépasser [la variante britannique] et devenir la variante dominante au Royaume-Uni dans les prochains jours, si ce n’est déjà fait », affirme Paul Hunter, professeur de médecine à l’Université d’East Anglia.
Ainsi, le gouvernement britannique pourrait bientôt devoir faire face au mécontentement et à l’immense déception de ses citoyens s’il était amené à repenser les mesures d’assouplissement prévues en raison de la présence du variant indien. Hancock a toutefois défendu l’approche du gouvernement, affirmant que l’Inde avait été ajoutée à la liste rouge le 23 avril, soit six jours avant que le variant B.1.617.2 ne fasse l’objet d’une enquête et deux semaines avant qu’il ne soit officiellement qualifié de préoccupant. Cependant, un autre variant détecté en Inde apparenté à celui-ci, le B.1.617.1, a fait l’objet d’une enquête dès le 1er avril, soit trois semaines avant que le Royaume-Uni ne ferme ses frontières…
Par conséquent, si la propagation du variant B.1.617.2 remet en question les premières mesures d’assouplissement mises en place et annule celles prévues pour le mois de juin — à savoir, la fin de la distanciation physique dans les lieux publics et la fin des amendes pour non-port du masque — le gouvernement s’expose clairement à la colère de la population. Pour le moment, il demeure optimiste et estime que la présence du variant n’implique pas nécessairement que la date du 21 juin soit reportée. « Notre décision sera basée sur les toutes dernières données, et nous voulons laisser le plus de temps possible pour les évaluer. Nous établirons donc des plans dès que les données le permettront », a déclaré le porte-parole du gouvernement.
En attendant, la population britannique est dans l’expectative. Le secteur du tourisme est particulièrement inquiet : alors qu’il a enregistré un boom des réservations pour cet été, la menace de nouvelles restrictions soulève de grandes inquiétudes ; leur mise en œuvre provoquerait la fermeture définitive de nombreuses entreprises du secteur.
En France, selon le point épidémiologique de Santé publique France, au 11 mai, 24 cas de variant indien ont été détectés, principalement liés à des personnes de retour d’un séjour en Inde.