En ce moment, la variante brésilienne P.1 du coronavirus SARS-CoV-2 met à mal l’ensemble du système de santé du pays et provoque une crainte généralisée à travers le monde. Les vaccins seront-ils suffisamment efficaces contre ces nouvelles variantes ? Selon certains experts, la variante brésilienne serait plus virulente que la souche originale, mais pas plus que la variante B.1.1.7 en provenance du Royaume-Uni, qui provoque à elle seule une recrudescence des infections et des décès dans le monde entier. Quand cela va-t-il s’arrêter ? Des variantes encore plus dangereuses pourraient-elles apparaître ?
Alors que tous les espoirs de sortir de cette pandémie reposent surtout sur les vaccins, dont l’efficacité a fait ses preuves sur les souches originales, de nouveaux variants se sont mis à émerger ça et là, à un rythme presque inquiétant. Mais cette inquiétude est-elle justifiée ? Jusqu’à quel point ce « jeu des nouveaux variants » va-t-il durer ?
Le gouvernement américain a élaboré un système de classification qui définit désormais trois classes de variantes du SARS-CoV-2 : les variantes d’intérêt, les variantes préoccupantes et les variantes à forte incidence. Les variantes qui font actuellement la une des journaux, à savoir la brésilienne (P1), la britannique (B.1.1.7) et la sud-africaine (B.1.351), ont toutes été classées dans la catégorie « variantes préoccupantes » (VOC, pour Variants of Concern).
Étape 1 : comprendre pourquoi les nouvelles variantes sont plus infectieuses
L’évolution d’un virus se fait selon différents facteurs, dont chacun a une influence sur sa capacité à prospérer, à se répandre. Comme toute entité biologique ayant une capacité de reproduction, les principaux facteurs sont les suivants : transmissibilité, évasion de l’immunité (naturelle ou vaccinale) et létalité. Parmi ces propriétés, la transmissibilité est la plus importante pour le virus. Heureusement, le SARS-CoV-2 est beaucoup moins mortel que de nombreux autres virus, mais il a infecté et tué beaucoup plus de personnes tout simplement car il se propage beaucoup mieux.
À ce jour, les chercheurs ne savent toujours pas exactement pourquoi la variante B.1.1.7 est au moins 50% plus transmissible que les autres variantes, explique Joe Grove de l’University College London, dont la récente étude suggère que les protéines Spike (de pointe) à sa surface sont un peu plus stables et efficaces que celles des autres variantes pour pénétrer dans les cellules humaines. Ses résultats ont été confortés par d’autres équipes de recherche, qui sont arrivées aux mêmes conclusions.
Étape 2 : observer la nature et prédire l’évolution
La mauvaise nouvelle, c’est que Grove a découvert que la protéine Spike d’un coronavirus isolé chez les pangolins, qu’il a étudiée, est environ 100 fois plus efficace pour pénétrer dans les cellules humaines, ce qui laisse penser que le SARS-CoV-2 peut encore évoluer et devenir encore plus transmissible. « Jusqu’à récemment, le SARS-CoV-2 ne vivait pas chez l’Homme », explique-t-il. « Maintenant, il fait l’objet d’une optimisation pour l’Homme et il n’y a aucune raison de penser que cela va s’arrêter là ».
« Un coronavirus identifié chez les pangolins est environ 100 fois plus efficace pour pénétrer dans nos cellules que celui qui cause la COVID-19 ». Mais Grove souligne que nous ne pouvons pas être sûrs que les modifications de la protéine Spike sont à l’origine, à elles seules, d’une plus grande transmissibilité, notamment parce qu’il n’a pas utilisé de virus vivants dans ses expériences, car il voulait éviter tout risque d’évasion.
Le facteur suivant est l’évasion immunitaire… Notre système immunitaire nous protège de deux manières principales. Il produit des lymphocytes T qui détectent et détruisent les cellules infectées avant que le virus ne puisse se répliquer, et des anticorps, qui se lient au virus pour l’empêcher d’infecter les cellules.
Les anticorps les plus efficaces, appelés anticorps neutralisants, se lient à la partie de la protéine Spike qui aide le virus à pénétrer dans les cellules. Cela signifie que des mutations dans cette région peuvent permettre au virus d’échapper aux anticorps dans une certaine mesure, ce qui s’est produit avec la variante B.1.351 repérée pour la première fois en Afrique du Sud, et avec la variante P.1, observée pour la première fois au Brésil.
Étape 3 : définir les limites
Mais il y a des limites à l’évolution future du virus… « La protéine Spike est une machine avec des pièces mobiles qui ont des rôles importants », explique Grove. Si des mutations surviennent et brisent la machine, le virus ne peut plus infecter les cellules. Il serait également beaucoup plus difficile pour le virus d’échapper à la réponse des lymphocytes T, car son mécanisme d’évasion reste efficace tant que les lymphocytes T reconnaissent au moins une partie du virus.
Pour cette raison, la résistance aux cellules T devrait évoluer beaucoup plus lentement que la résistance aux anticorps, ce qui nous laisse le temps d’adapter les vaccins si nécessaire. « Il semble difficile pour le virus d’échapper complètement aux cellules T », déclare Andreas Bergthaler, du Centre de recherche en médecine moléculaire en Autriche.
Vient ensuite la létalité. Il y a de plus en plus de preuves montrant que le variant B.1.1.7 est légèrement plus létal que les variants plus anciens. « Il y a une possibilité raisonnable que cela puisse même empirer », déclare Aris Katzourakis, de l’université d’Oxford. Bien que l’on dise souvent que les virus évoluent pour devenir moins mortels, il n’y a aucune raison de penser que ce sera le cas avec le SARS-CoV-2, déclare Katzourakis. « Le virus peut facilement être transmis avant de tuer ses hôtes. Il n’y a donc pas beaucoup de pression sélective pour que ce virus devienne moins virulent », explique-t-il.
La bonne nouvelle est que les vaccins fonctionnent encore mieux que prévu et qu’il est peu probable que le coronavirus puisse échapper complètement à la protection vaccinale dans un avenir proche. Alors que de plus en plus de personnes acquièrent une immunité, de nombreux experts pensent encore que le virus pourrait devenir, comme d’autres coronavirus humains existants, un simple virus du rhume.
Mais comme la plupart des individus n’ont pas encore été vaccinés, nous en sommes encore loin, et les vaccins pourraient devoir être modifiés plus d’une fois pour rester efficaces. De ce fait, « ce jeu de va-et-vient évolutif avec le virus va encore durer quelque temps », conclut Grove.
Pour vaincre ce virus, il semble donc évident qu’il sera nécessaire de s’armer de patience, et surtout de discipline et de persévérance. Le respect des mesures sanitaires en vigueur et la vaccination seront cruciaux pour reprendre une vie (presque) normale au plus vite. Une vaccination secondaire d’ici un ou deux ans est fortement probable, afin de couvrir d’éventuelles nouvelles variantes problématiques. Si tout se passe bien, il est envisageable d’espérer un retour à la normale d’ici 2022.