La présence de vastes structures cachées dans l’immensité de l’Univers a toujours fasciné les scientifiques. Récemment, des astronomes ont fait la découverte d’un immense anneau de galaxies, d’un diamètre de 1,3 milliard d’années-lumière ! Baptisée « Big Ring » ou Grand Anneau, cette structure géante ne correspond à aucune structure ou aucun mécanisme de formation connus à ce jour. Cette découverte remet en partie en question notre compréhension de l’évolution de l’univers et pourrait ainsi découler sur une modification du modèle standard de la cosmologie.
En juin 2021, des astronomes de l’Université du Lancashire central, dirigés par Alexia Lopez, ont découvert un arc de galaxies géant baptisé Giant Arc. Situé à 9,2 milliards d’années-lumière de la Terre, Giant Arc est considéré comme étant la première structure ultra-large de ce genre jamais identifiée.
En janvier dernier, lors de la 243e conférence de l’American Astronomical Society, qui s’est tenue à la Nouvelle-Orléans, Lopez a annoncé la découverte d’une seconde structure à une distance de 12° du Giant Arc. Baptisée le Grand Anneau (Big Ring), elle possède une circonférence de 4 milliards d’années-lumière pour un diamètre de 1,3 milliard d’années-lumière. Sa découverte a fait l’objet d’un article prépublié sur la plateforme arXiv.
Un mystère cosmologique
Si le Giant Arc a laissé les astronomes perplexes en 2021, le Grand Anneau ne fait qu’approfondir le mystère. « Aucune de ces deux structures ultra-larges n’est facile à expliquer dans le cadre de notre compréhension actuelle de l’univers », a déclaré Lopez dans un communiqué. « Leurs tailles ultra-larges, leurs formes distinctives et leur proximité cosmologique doivent certainement nous dire quelque chose d’important, mais quoi exactement ? », a-t-elle poursuivi.
Selon Lopez et ses collègues, les structures connues les plus proches résulteraient d’oscillations acoustiques baryoniques (BAO). Il s’agit de gigantesques arrangements circulaires de galaxies se trouvant dans l’espace lointain. Ces oscillations proviennent des fossiles d’ondes acoustiques disposées en anneau qui se sont propagées dans l’Univers primitif et qui semblent ensuite figées dans l’espace.
Cependant, une analyse approfondie du « Big Ring » a mis en lumière le fait que cette structure n’est pas compatible avec cette hypothèse. En effet, les BAO font tous environ 1 milliard d’années-lumière de diamètre et le Grand Anneau n’est pas non plus circulaire. Il évoque plus la forme d’un tire-bouchon, aligné de sorte à apparaître comme un anneau.
La communauté scientifique s’interroge donc de l’impact de la découverte sur le modèle standard de la cosmologie, particulièrement sur le principe d’isotropie. En effet, selon le modèle standard, l’Univers apparaît identique, peu importe la direction dans laquelle on l’observe (isotropie) et ne présente pas de variations significatives d’un point à un autre (homogénéité). D’ailleurs, Lopez affirme que « nous nous attendons à ce que la matière soit uniformément répartie partout dans l’espace lorsque nous observons l’univers à grande échelle, de sorte qu’il ne devrait pas y avoir d’irrégularités perceptibles au-delà d’une certaine taille ».
Toujours d’après Lopez, les astrophysiciens ont toujours estimé que la limite théorique de la taille des structures dans l’espace lointain est d’environ 1,2 milliard d’années-lumière. Pourtant, le Giant Arc et le Big Ring sont tous deux bien plus grands que cela. En plus de leur taille déconcertante, l’étude même de l’évolution de ces structures est problématique. Certaines de leurs caractéristiques sont difficiles à expliquer dans le cadre du modèle cosmologique actuel.
Cependant, des explications alternatives ont été suggérées et pourraient présenter des pistes prometteuses. Parmi elles, il y a le modèle sur la cosmologie cyclique conforme (CCC), avancé par Roger Penrose. Il suggère que l’Univers subit des cycles d’expansion sans fin, et que le cycle actuel ne serait ni le premier ni le dernier. La découverte de ces deux structures ultra-vastes pourrait donc constituer une preuve appuyant ce modèle.
Une autre hypothèse avance que ces deux anneaux géants sont une sorte de défaut topologique dans le tissu de l’espace-temps. Ces « cordes cosmiques », selon le cosmologiste Jim Peebles, apparaissent comme des défauts filamenteux dans l’univers primitif, là où l’espace-temps s’est étiré et s’est figé. Aujourd’hui, bien qu’il n’y ait pas encore de preuves directes témoignant de l’existence des cordes cosmiques, les preuves théoriques sont prometteuses. Elles suggèrent également que ces cordes pourraient être responsables d’autres particularités dans la distribution des galaxies.
« D’après les théories cosmologiques actuelles, de telles structures à de telles échelles sont impossibles », déclare Lopez. « Nous pouvions nous attendre à une seule structure extrêmement grande dans l’ensemble de l’Univers observable. Pourtant, le Grand Anneau et l’Arc géant sont énormes et sont même des voisins cosmologiques, ce qui est extraordinairement fascinant », conclut Lopez.