L’avion spatial sans pilote à décollage vertical et atterrissage horizontal de l’US Space Force, le Boeing X-37 Orbital Test Vehicle-6 (OTV-6), s’est désorbité et a atterri avec succès sur le site d’atterrissage du Centre spatial Kennedy de la NASA le 12 novembre 2022. Il est resté plus de 900 jours en orbite, au cours desquels les scientifiques ont pu mener diverses expériences en conditions spatiales.
L’OTV-6 avait décollé le 17 mai 2020 depuis Cap Canaveral, à bord d’un lanceur Atlas V. Après avoir passé 908 jours, 21 heures et 8 minutes en orbite terrestre, il bat ainsi le record établi par la mission précédente, l’OTV-5, qui avait séjourné 780 jours dans l’espace. Le X-37B est long de 8,90 mètres pour une envergure de 4,5 mètres ; il est conçu pour évoluer sur une orbite comprise entre 230 et 1064 kilomètres d’altitude. Cette mission OTV-6 est la première à embarquer un module de service, permettant d’élargir le nombre d’expériences pouvant être réalisées pendant une mission.
À noter que le module de service, fixé à l’arrière du véhicule, a été séparé de la navette avant l’atterrissage, « une action nécessaire en raison des forces aérodynamiques subies par le véhicule X-37B lors de la rentrée dans l’atmosphère », précise l’US Space Force dans un communiqué. Il est prévu d’éliminer ce module dans les semaines à venir. « La manière délibérée dont nous menons les opérations en orbite – y compris l’élimination du module de service – témoigne de l’engagement des États-Unis en faveur de pratiques spatiales sûres et responsables, en particulier alors que le problème de l’augmentation des débris orbitaux menace d’avoir un impact sur les opérations spatiales mondiales », a souligné le secrétaire de l’armée de l’air, Frank Kendall.
Un nouveau module dédié à l’expérimentation scientifique
Comme pour les cinq missions OTV précédentes, les objectifs exacts de ce vaisseau spatial autonome non habité, ainsi que la durée de la mission, étaient classifiés « secret défense » ; il transportait toutefois un certain nombre de charges utiles, destinées à tester et valider plusieurs nouvelles technologies.
En réalité, grâce à son nouveau module, la mission a accueilli bien plus d’expériences que les vols précédents, dont deux expériences de la NASA. L’expérience METIS-2 (Materials Exposure and Technology Innovation in Space) visait à examiner le comportement des différents revêtements de contrôle thermique et des matériaux électroniques dans des conditions spatiales. Les scientifiques de la NASA exploiteront les données recueillies pendant ces quelque 900 jours en orbite et compareront les effets observés aux simulations au sol — ce qui permettra d’améliorer les modèles d’environnement spatial.
La seconde expérience de l’Agence spatiale américaine avait pour but d’étudier l’effet d’une exposition spatiale de longue durée sur des graines. Les scientifiques s’intéressent en particulier aux effets du rayonnement spatial sur la résistance des semences, afin de pouvoir mieux planifier les futures missions spatiales habitées et la mise en œuvre de bases habitées en permanence dans l’espace — qui nécessiteront de cultiver divers végétaux pour subvenir aux besoins en oxygène et en nutriments des membres de l’équipage.
Le véhicule a accueilli une troisième expérience, dirigée par le Naval Research Laboratory : ce dernier a mis au point un module d’antenne radiofréquence photovoltaïque, qui capte les rayons solaires en dehors de l’atmosphère terrestre, puis transmet cette énergie à la Terre sous forme de micro-ondes à haute fréquence.
Un mini satellite comme plateforme d’expérimentation
Quelques jours après le début de la mission, l’OTV-6 a par ailleurs déployé le FalconSat-8, un petit satellite de 136 kg développé par l’US Air Force Academy et parrainé par l’Air Force Research Laboratory. L’engin embarque cinq charges utiles expérimentales, notamment un nouveau système de propulsion électromagnétique. Le satellite est actuellement toujours en orbite, offrant une plateforme d’expérimentation idéale à l’escadron d’opérations spatiales des cadets de l’Académie.
Le FalconSat-8 embarque cinq technologies au total, à commencer par un propulseur magnétoplasmadynamique (ou accélérateur à force de Lorentz), qui utilise la force de Lorentz pour accélérer un plasma et ainsi générer une poussée par réaction. Il transporte également une antenne conçue en métamatériaux, à basse consommation et haute performance ; cette antenne devrait permettre à terme des transferts de données entre l’espace et le domaine aérien.
Les scientifiques vont également étudier la réponse des nanotubes de carbone aux conditions de l’espace, via l’expérience CANOE (CArbon NanOtubes Experiment), puis évaluer le fonctionnement d’un SkyPad, un dispositif composé de caméras et de GPU prêts à l’emploi, intégrés dans un ensemble basse consommation. Enfin, le satellite intègre une roue de réaction commerciale spécialement modifiée en volant d’inertie, l’Attitude Control and Energy Storage (ACES).
« La capacité de mener des expériences en orbite et de les ramener chez soi en toute sécurité pour une analyse approfondie au sol s’est avérée précieuse pour le Département de l’armée de l’air et la communauté scientifique », a déclaré le lieutenant-colonel Joseph Fritschen, directeur du programme X-37B.
À ce jour, cet avion spatial réutilisable a parcouru près de deux milliards de kilomètres au total et séjourné 3774 jours dans l’espace. Rappelons qu’en septembre 2020, la Chine a mis en service un véhicule spatial similaire, qui est récemment retourné dans l’espace (début août) pour une seconde mission qui se poursuit toujours à l’heure actuelle. Pékin reste cependant tout aussi mystérieuse que l’US Space Force sur ses objectifs de mission.