Tout le monde connaît le bernard-l’hermite, cette petite créature marine qui depuis des millions d’années, s’abrite sous des coquilles qu’elle trouve sur son chemin pour se protéger des prédateurs. Mais saviez-vous qu’il s’agit de l’animal marin connu le plus ancien ayant ce mode de vie ? Cela n’a que peu d’importance, puisque selon une nouvelle étude, des vers en forme de « pénis » (priapulides) vivaient de cette manière des millions d’années plus tôt, suggérant notamment que les premiers écosystèmes marins étaient plus complexes sur les plans écologique et comportemental qu’on ne le pensait jusqu’ici.
Jusqu’à récemment, les plus anciens fossiles connus suggérant un tel comportement étaient âgés d’environ 170 millions d’années. Mais une équipe de recherche de l’Université de Durham (Royaume-Uni) dirigée par Martin Smith, en collaboration avec l’université du Yunnan à Kunming (Chine), révèle dans une nouvelle étude la découverte des fossiles de créatures ayant vécu de la même manière durant le Cambrien (-541 à -485 millions d’années).
Selon les estimations, les fossiles, préservés dans des roches déposées sous forme de sédiments marins dans ce qui est aujourd’hui le sud de la Chine, seraient âgés d’environ 500 millions d’années. Les coquilles coniques qui semblent avoir contenu les occupants appartenaient probablement à des hyolithes, une classe d’anciens invertébrés marins autrefois très répandus qui s’est éteinte il y a plus de 250 millions d’années.
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Selon l’étude, publiée dans la revue Current Biology, les animaux qui ont ensuite trouvé refuge dans ces coquilles vides appartiennent à l’embranchement des Priapulides, des vers en forme de pénis (appelés aussi « vers pénis » pour cette raison). Les priapulides sont de très petite taille (0.5 à 200 mm), mais leur dentition suggère un régime majoritairement carnivore.
Un traitement neuronal étonnamment sophistiqué pour l’époque
Cette découverte révèle que les animaux se protégeaient des prédateurs par des moyens très avancés pour l’époque, suggérant un traitement neuronal étonnamment sophistiqué. Des recherches antérieures ont montré que les premiers animaux multicellulaires ont évolué assez rapidement par des développements évolutifs massifs et une diversification des formes de vie lors d’un événement connu sous le nom « d’explosion cambrienne », il y a environ un demi-milliard d’années.
Si l’évolution et la diversification des prédateurs ont certainement contribué à alimenter cet événement, il était communément admis que les formes de vie n’ont commencé à devenir aussi complexes sur le plan écologique et comportemental que les animaux actuels que plusieurs centaines de millions d’années plus tard. Mais cette découverte remet en question cette croyance. En effet, s’emparer d’une coquille nécessite un certain niveau de complexité comportementale, impliquant notamment des capacités cognitives avancées.
Dans leur étude, les chercheurs ont utilisé des techniques d’imagerie microscopique avancées sur des roches cambriennes provenant des gisements fossiles de Guanshan, dans le sud de la Chine. Celles-ci contenaient des structures fines et souples mesurant seulement quelques millimètres de long. Les fossiles présentaient à la fois des tissus durs et mous, ce qui a donné aux scientifiques un aperçu rare du mode de vie des vers. Et comme aucun animal n’a été préservé en dehors de ces coquilles dans les sédiments anciens découverts, ils en ont conclu que ces derniers vivaient bien à l’intérieur.
Au total, ils ont trouvé quatre spécimens d’Eximipriapulus, un genre de priapulide, à l’intérieur de coquilles coniques qui auraient appartenu à des hyolithes. Les chercheurs expliquent que les vers sont toujours installés dans la même position et orientation à l’intérieur du même type de coquilles.
« Il s’agit de la première preuve directe d’une stratégie de vie ‘d’ermitage’ – l’adoption de l’exosquelette d’un organisme différent – chez les priapulides et au cours de l’ère paléozoïque », écrivent les chercheurs dans leur document. Il n’est cependant pas clair si les priapulides transportaient les coquilles d’un endroit à l’autre, comme le font les bernard-l’ermite, ou si les animaux vivaient simplement à l’intérieur.
Mais les chercheurs insistent sur le fait que la découverte d’un tel comportement lors de la première grande explosion évolutive, 300 millions d’années avant la probable apparition du bernard-l’hermite (alors que les animaux étaient supposés être beaucoup moins complexes) était vraiment inattendue.