Le plus dur, le moins élastique et le plus conducteur des matériaux amorphes ! Tel est le palmarès du nouveau verre adamantin (ou diamond-like carbon, en anglais) synthétisé par une équipe de chercheurs chinois, dévoilé dans une publication de Nature le 24 novembre. Ce matériau a été obtenu à partir de sphères de fullerène (de formule chimique C60), une molécule ayant la forme d’un ballon de football. Soumises à des conditions dantesques de pression et température, 900-1000 °C pour 27 GPa — soit la pression régnant à 750 km sous nos pieds —, les sphères de fullerène s’effondrent et laissent place à un matériau de carbone amorphe millimétrique, aux propriétés proches de celles du diamant.
Comment obtenir un verre ayant une dureté et une élasticité proches de celles du diamant ? Rien de plus simple, semble répondre une équipe de chercheurs chinois dans la revue Nature ce 24 novembre. Dans une presse multi-enclumes, l’instrument de torture favori des géologues contre les minéraux, soumettez des ballons de foot de carbone de 0,7 nm de diamètre à une forte température (1000 °C, pas si terrible dans le monde géologique) et à une pression abyssale ! Derrière cette recette simpliste se cache un vrai défi technique : les ballons de foot sont plutôt des fullerènes, de formule C60, soumis à la pression qui règne 750 km sous nos pieds.
L’utilisation de carbone dans la course au matériau amorphe artificiel le plus dur repose sur la capacité de l’atome de carbone à former des structures extrêmement stables. Par exemple, le minéral le plus dur connu (10 sur l’échelle de Mohs) est le diamant, une forme particulièrement organisée de carbone cristallisé, très rigide grâce à ses atomes reliés par des liaisons en trois dimensions. Le carbone peut se montrer moins organisé et bien plus fragile, comme dans le graphite, dont les liaisons entre atomes sont en deux dimensions, ce qui donne une structure en feuillets (1 à 2 sur l’échelle de Mohs, soit un minéral extrêmement friable).
Une organisation atomique quasi parfaite
Si plus d’organisation en trois dimensions des atomes de carbone entraîne plus de dureté, pourquoi les chercheurs tiennent-ils tant à détruire leurs sphères de carbone de fullerène ? Car des pressions supérieures à 20 GPa (la pression régnant à 540 km de profondeur) permettent aux sphères de fullerène de s’effondrer sur elles-mêmes, après quoi leurs atomes de carbone s’organisent suivant une structure qui rappelle celle du diamant. On parle de matériau amorphe, dans lequel les atomes de carbone sont agencés de manière ordonnée à faible et moyenne distance, mais désordonnés à grande distance. Dans le cas de l’effondrement de sphères de fullerènes, ces matériaux amorphes, appelés verres adamantins, disposent d’une partie des propriétés du cristal le plus proche, le diamant.
La particularité du nouveau composé, pour l’instant anonyme ? Se rapprocher du diamant comme aucun composé amorphe auparavant, grâce à ses liaisons entre atomes proches structurellement de celles régnant dans le diamant. Et avoir été produit dans des volumes 1000 à 10 000 fois plus importants que lors des précédentes tentatives !
Bien que cela signifie uniquement des pièces millimétriques pour l’instant, c’est un vrai signe d’espoir. « L’astuce était de trouver le bon matériau à transformer sous très haute pression. La création de ce verre aux qualités supérieures ouvre la porte à de nouvelles applications, puisque nous avons pu synthétiser de larges cristaux à basse température », conclut Yingwei Fei, un des chercheurs impliqués dans la publication.