Vers une révolution quantique ? IBM vise un ordinateur quantique tolérant aux pannes à grande échelle d’ici 2029

Baptisé « Starling », il disposera d'une capacité de calcul 20 000 fois supérieur à celle des dispositifs actuels.

IBM ordinateur quantique correction erreurs
Rendu de Starling, un ordinateur quantique tolérant aux pannes à grande échelle qu'IBM prévoit de construire. | IBM
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IBM a annoncé la construction de Starling, le premier ordinateur quantique à correction d’erreurs à grande échelle, qui promet une capacité de calcul 20 000 fois supérieure à celle des dispositifs actuels. Les ingénieurs de la firme affirment avoir franchi l’un des obstacles majeurs du secteur en concevant un algorithme spécialisé, destiné à réduire drastiquement le nombre de qubits physiques requis pour faire évoluer les systèmes.

L’un des principaux freins à l’atteinte de la suprématie quantique — ce moment où un ordinateur quantique surpassera les machines classiques dans la résolution de problèmes complexes — réside dans la mise à l’échelle des unités de traitement quantique (QPU). Ces dernières deviennent de plus en plus sujettes à l’erreur au fur et à mesure que des qubits leur sont ajoutés. Or, les scientifiques estiment qu’il faudra mobiliser au moins un million de qubits pour des usages concrets.

C’est pourquoi la correction d’erreurs quantiques (QEC) s’impose comme un objectif central en informatique quantique. Mais cet enjeu se heurte à une difficulté d’ingénierie majeure : les qubits sont intrinsèquement instables, particulièrement sensibles aux perturbations environnementales. Pour les stabiliser, les techniques actuelles consistent à les maintenir à des températures proches du zéro absolu et à protéger les qubits logiques en les encodant à l’aide de qubits physiques.

Cependant, cette stratégie induit une exigence matérielle considérable : il faut mobiliser de nombreux qubits physiques pour produire un seul qubit logique fiable. L’algorithme de correction d’erreurs de l’ordinateur quantique de Google nécessite, par exemple, environ 100 qubits physiques pour générer un seul qubit logique. Le système Ocelot d’Amazon Web Services (AWS) se distingue par une approche plus efficiente, limitant ce ratio à neuf qubits physiques pour un qubit logique.

Starling, le prochain système développé par IBM, intégrerait un nouvel algorithme de correction d’erreurs conçu pour abaisser significativement ce besoin en qubits physiques. Dont le déploiement est prévu d’ici 2029, il pourrait devenir le premier ordinateur quantique à implémenter la correction d’erreurs à grande échelle.

« IBM ouvre la voie à de nouvelles perspectives en informatique quantique », a déclaré Arvind Krishna, président-directeur général du groupe, dans un communiqué. « Notre maîtrise des mathématiques, de la physique et de l’ingénierie prépare l’avènement d’un ordinateur quantique tolérant aux pannes, capable de répondre à des défis concrets et de créer d’importantes opportunités commerciales », poursuit-il.

200 qubits logiques pour 100 millions d’opérations consécutives

Le dispositif de correction d’erreurs de Starling reposera sur une approche dite de « codes de contrôle de parité à faible densité quantique » (LDPC), un modèle de tolérance aux pannes permettant un décodage — c’est-à-dire la détection d’erreurs — en temps réel. Une capacité qui, selon IBM, surmonterait les limitations précédentes.

Le système sera organisé en modules, chacun intégrant un ensemble de QPU, hébergés dans un centre de données actuellement en construction à Poughkeepsie, dans l’État de New York. Cette architecture modulaire devrait permettre de dépasser les capacités de calcul des machines existantes. En tout, Starling embarquera 200 qubits logiques, soutenus par 10 000 qubits physiques — soit un ratio de 50 pour 1, plus performant que celui de Google mais encore en retrait par rapport à AWS — et pourra réaliser jusqu’à 100 millions d’opérations logiques consécutives. Les ordinateurs quantiques actuels n’en exécutent que quelques milliers.

Une correction d’erreurs 90 % plus rapide

Selon deux études disponibles sur le serveur de prépublication arXiv, la nouvelle méthode de correction d’erreurs développée par IBM permettrait de réduire le temps de traitement de près de 90 % par rapport aux techniques antérieures. Elle offrirait également une mise à l’échelle matérielle environ neuf fois plus efficace. Autrement dit, Starling implémentera une correction d’erreurs à une échelle inédite pour IBM. À ce jour, les efforts de Google et AWS dans ce domaine n’ont été validés qu’à petite échelle.

« Représenter l’état de calcul d’un IBM Starling nécessiterait la mémoire de plus d’un quindécillion (1048) des supercalculateurs les plus puissants au monde », avance IBM dans son communiqué. Une affirmation à prendre avec précaution, tant elle s’appuie sur une métaphore difficilement vérifiable. L’entreprise ajoute : « Grâce à Starling, les utilisateurs pourront explorer pleinement la complexité de ses états quantiques, bien au-delà des limites actuelles ».

Un ordinateur à 2 000 qubits logiques d’ici 2033

IBM prévoit plusieurs jalons avant l’aboutissement de Starling. Cette année, l’entreprise ambitionne de démontrer la possibilité de stocker des informations sans erreur sur une architecture QPU baptisée Loon. En 2026, elle développera Kookaburra, une puce capable à la fois de stockage et de calcul.

En 2027, deux modules Kookaburra seront interconnectés pour former un système plus vaste, nommé Cockatoo. L’étape suivante consistera à relier une centaine de ces modules afin de constituer l’ossature de Starling. À plus long terme, IBM envisage la création de Blue Jay, un système censé réunir 2 000 qubits logiques, capable d’exécuter un milliard d’opérations logiques. Son lancement est envisagé à l’horizon 2033.

Toutefois, il reste incertain que Starling atteindra les performances pratiques espérées pour les ordinateurs quantiques. S’il représente incontestablement une avancée technique, « il est peu probable que cela génère une valeur économique », nuance Wolfgang Pfaff, physicien à l’université de l’Illinois à Urbana-Champaign, dans un entretien accordé au MIT Technology Review. Il prévient également qu’IBM pourrait rencontrer des obstacles techniques susceptibles de perturber son calendrier, ajoutant : « c’est la première fois que quelqu’un s’y essaie ».

Sources : arXiv (1, 2)
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