La recherche a montré par le passé que notre âge biologique peut fluctuer indépendamment de l’âge chronologique, notamment sous l’effet de diverses formes de stress. Une nouvelle étude suggère que ce vieillissement lié au stress est réversible et dépendrait de la capacité d’un individu à « récupérer » de ce stress.
Le vieillissement est généralement considéré comme un phénomène linéaire, se manifestant par l’accumulation de marqueurs biologiques et de dommages qui augmentent avec l’âge. Ces dommages entraînent inévitablement une perte de fonctions physiologiques, une augmentation de la morbidité et une diminution de l’espérance de vie. Cependant, des études récentes ont soulevé la possibilité d’inverser ce processus en montrant que l’âge biologique n’est pas intrinsèquement lié à l’âge chronologique. Des preuves ont montré qu’un individu peut être biologiquement plus âgé ou plus jeune que son âge chronologique.
« La découverte d’un âge fluide, fluctuant et malléable, remet en question la conception de longue date d’une trajectoire ascendante unidirectionnelle de l’âge biologique au cours de la vie », déclare James White, co-auteur principal de la nouvelle étude et professeur-assistant de médecine à l’Université de Duke, dans un communiqué. Cette fluctuation de l’âge biologique est principalement liée à la plasticité de notre ADN, connue sous le nom de variation épigénétique. En effet, l’expression de nos gènes, déterminée par la position de leur méthylation, varie tout au long de notre vie. Identifier ces sites de méthylation peut permettre de déterminer l’âge biologique d’une cellule.
Ces changements sont influencés par divers facteurs de stress tels que la maladie, les traitements médicamenteux, les traumatismes, la grossesse, le mode de vie, etc. On peut ainsi utiliser les changements épigénétiques comme une horloge moléculaire permettant d’estimer l’âge biologique des tissus et des organes. Il convient de noter que des études antérieures ont également suggéré d’utiliser la longueur des télomères à l’extrémité des chromosomes pour mesurer l’âge biologique. Cependant, les études les plus récentes se concentrent principalement sur les moyens d’inverser cette « horloge épigénétique ».
La nouvelle étude, publiée dans la revue Cell Metabolism, apporte de nouveaux éléments sur les moyens d’inverser le vieillissement lié au stress. « Malgré la reconnaissance généralisée que l’âge biologique est au moins quelque peu malléable, la mesure dans laquelle l’âge biologique subit des changements réversibles tout au long de la vie et les événements qui déclenchent de tels changements restent inconnus », explique Vadim Gladyshev, chercheur en médecine et en génétique à Harvard et également coauteur de la nouvelle étude.
Les résultats indiquent que l’âge biologique des humains et des souris progresse rapidement sous l’effet du stress, puis s’inverse après s’être rétabli de ce stress. Cette inversion se produirait en quelques jours à quelques mois, selon la nature du stress et diverses horloges de vieillissement épigénétiques indépendantes.
Récupérer d’un stress restaurerait l’âge biologique
Dans le cadre de la nouvelle étude, les chercheurs se sont basés sur la mesure des niveaux de méthylation de divers sites du génome, qui peuvent subir des changements prévisibles en fonction de l’âge chronologique. Les variations liées à l’âge biologique de cellules humaines et de souris, suite à diverses situations de stress, ont ensuite été mesurées. Dans l’une des expériences, les chercheurs ont lié chirurgicalement deux souris âgées respectivement de 3 et 20 mois (parabiose hétérochronique).
Les résultats ont révélé qu’en réponse au stress, l’âge biologique avançait relativement peu. Cependant, ce vieillissement serait temporaire et reviendrait à la normale (c’est-à-dire à l’état avant la situation de stress) après élimination dudit stress. Aux niveaux épigénétique, transcriptomique et métabolomique, l’âge biologique des jeunes souris avait avancé, en raison de la parabiose hétérochronique. Des études antérieures ont en effet révélé que la transfusion sanguine hétérochronique affecte l’âge biologique du plus jeune individu et inversement — « rajeunissant » biologiquement le plus âgé. Après détachement chirurgical des souris, leurs âges biologiques sont revenus à la normale — une réversibilité démontrée pour la première fois.
À partir de ce constat, les chercheurs ont estimé que cette réversibilité pouvait être transposée à d’autres situations de stress, notamment lors d’une chirurgie lourde, d’une grossesse ou d’une infection sévère de COVID-19, chez la souris et chez l’Homme. Dans le cas d’une chirurgie, il a été observé que l’âge biologique était restauré quelques jours après l’intervention. Les femmes enceintes ont également connu une récupération post-partum de leur âge biologique, à différentes ampleurs. La même récupération a également été observée après guérison de la COVID-19.
« Cette notion suggère immédiatement que la mortalité peut être diminuée en réduisant l’âge biologique et que la capacité à se remettre du stress peut être un déterminant important du vieillissement réussi et de la longévité », suggère Gladyshev. D’un autre côté, l’âge biologique pourrait également être utilisé en tant que baromètre du stress physiologique, qui pourrait être soulagé de façon optimale.
Toutefois, l’étude comporte encore certaines limites, notamment car chez l’Homme, elle s’appuie principalement sur l’horloge de méthylation de l’ADN pour déduire l’âge biologique, malgré l’existence d’autres biomarqueurs de mesure (comme les télomères). De plus, l’influence potentielle de la fluctuation à court terme de l’âge biologique sur le vieillissement biologique tout au long de la vie n’est pas tout à fait claire et mérite d’être approfondie. « Un domaine clé pour une enquête plus approfondie consiste à comprendre comment des élévations transitoires de l’âge biologique ou une récupération réussie après de telles augmentations peuvent contribuer à un vieillissement accéléré au cours de la vie », conclut White.