Un essai clinique à grande échelle incluant près de 5 300 patientes africaines a montré que deux injections (préventives) par an d’un nouveau médicament, le lénacapavir, offrent une protection de 100 % contre le VIH. Il s’agit notamment d’un nouveau type de médicament prophylactique pré-exposition, ciblant la capside du VIH — l’enveloppe protéinique abritant son génome. Cette nouvelle stratégie offre un nouvel espoir pour la prise en charge de l’infection au VIH multi-résistant.
Le VIH/SIDA est un problème de santé publique majeur, affectant 39 millions de personnes dans le monde, dont plus des deux tiers résident en Afrique. Bien que la tendance fût il y a quelques années à la baisse en partie en raison des efforts de prévention, une récente recrudescence est observée à travers le monde. Alors que l’objectif fixé par l’ONUSIDA est de limiter les infections à moins de 500 000 par an d’ici 2025, 1,3 million de nouvelles infections ont en effet été recensées l’année dernière. Cela est à la fois dû à l’augmentation des nouvelles infections et aux cas de résistance au traitement.
En effet, bien qu’il n’existe à ce jour aucun médicament permettant de guérir du VIH, la maladie est désormais considérée comme non mortelle, car les traitements actuels permettent de vivre longtemps et en bonne santé. Ces traitements, dits « antirétroviraux », visent à maintenir la charge virale en dessous du seuil détectable, permettant ainsi de prévenir les risques de transmission tout en prolongeant la durée de vie des patients.
Cependant, malgré la disponibilité d’antirétroviraux efficaces, certains patients présentent au fil du temps des difficultés à maintenir une charge virale suffisamment faible, ce qui entraîne des mutations du virus et une résistance aux traitements. Un patient est officiellement considéré comme multirésistant lorsqu’il présente une résistance à deux médicaments ou plus dans au moins trois des quatre principales classes d’antirétroviraux.
Il s’agit généralement de patients qui suivaient déjà un traitement contre le VIH, mais qui ont reçu le mauvais médicament ou qui n’ont pas suivi les prescriptions du médecin à la lettre. Il peut aussi s’agir de personnes qui ont contracté le VIH auprès d’individus qui étaient déjà multirésistants.
D’un autre côté, l’accès aux méthodes de prévention (préservatifs, dépistage, …) peut être difficile, surtout chez les jeunes. La consultation chez un clinicien ainsi que la prise des médicaments antirétroviraux quotidiens peuvent par exemple être entravés par des problèmes socioculturels, surtout en Afrique.
Afin d’y remédier, il est à la fois essentiel d’identifier de nouvelles cibles médicamenteuses et de développer des stratégies de traitement facilement accessibles pour les patients. « Pour une jeune femme qui a du mal à se rendre à un rendez-vous dans une clinique en ville ou qui ne peut pas garder ses pilules sans être confrontée à la stigmatisation ou à la violence, une injection deux fois par an seulement est l’option qui pourrait la protéger du VIH », explique Linda-Gail Bekker de l’Université du Cap (en Afrique du Sud) dans un article de The Conversation, en référence au nouveau médicament prophylactique pré-exposition (préventif et non curatif).
L’antirétroviral à la durée d’action la plus longue contre le VIH
Le lécanapavir est un inhibiteur de la capside, une structure protéinique en forme de cône abritant le génome du VIH (ARN) ainsi que des enzymes essentielles à sa réplication et sa fusion avec la membrane des cellules hôtes. Plus précisément, le médicament agit selon deux mécanismes différents. Le premier consiste à bloquer réplication virale en empêchant le virus d’atteindre le noyau de la cellule hôte. Le second consiste à altérer le génome viral dans le cas où celui-ci est déjà intégré à celui de la cellule, empêchant ainsi sa réplication. Il agit ainsi à la fois aux stades précoces et tardifs du cycle viral.
Le médicament est particulièrement recommandé pour les patients multirésistants ou intolérants aux autres antirétroviraux. « Le lénacapavir a rejoint une classe de thérapies antirétrovirales qui n’avait jamais existé auparavant », a déclaré dans un communiqué de la Yale School of Medicine, Onyema Ogbuagu, qui a participé au développement du médicament. « En raison de sa nouveauté, ce médicament a de grandes chances de succès, car les gens n’y ont jamais été exposés auparavant », ajoute-t-il. Les essais cliniques préliminaires d’Ogbuagu et ses collègues ont montré que le lécanapavir est actuellement l’antirétroviral à la durée d’action la plus longue pour la prise en charge du VIH.
Baptisé Purpose 1, l’essai mené par Bekker et ses collègues est le premier à avoir été effectué à grande échelle pour le lécanapavir. Cela incluait plus de 5 300 femmes cisgenres et adolescentes âgées de 16 à 25 ans et réparties sur 3 sites en Ouganda et 25 sites en Afrique du Sud. Les essais consistaient à évaluer l’efficacité du lécanapavir en le comparant à deux autres inhibiteurs de la capside, le Truvada F/TDF et le Descovy F/TAF. Le premier est administré sous la forme d’une injection sous-cutanée semestrielle, tandis que le second est un comprimé à prendre quotidiennement. Les essais ont été effectués en double aveugle.
Pendant toute la durée des essais, aucune des 2 134 participantes ayant reçu le lécanapavir n’a contracté le VIH, ce qui indique une efficacité prophylactique de 100 %. En revanche, 16 femmes (1,5 %) parmi les 1068 ayant reçu le Truvada F/TDF ont contracté le virus au cours des essais, tandis que 39 (1,8 %) parmi les 2 136 ayant pris le Descovy (F/TAF) ont été infectées.
La prochaine étape des essais consistera à une phase ouverte au cours de laquelle les participantes pourront choisir entre les trois traitements proposés. En outre, les résultats de Purpose 2, un essai connexe évaluant l’efficacité du lécanapavir chez les hommes ainsi que d’autres genres (femmes transgenres, personnes non binaires, etc.) au sein de communautés africaines, américaines, sud-américaines et asiatiques, sont également attendus. Selon les chercheurs, il est important de mener des essais auprès de différents groupes, car des différences d’efficacité ont été constatées selon la nature des rapports sexuels (anale ou vaginale).