Des virus transformés en usines à nanoparticules d’argent pour vaincre les super-bactéries

Une efficacité antibactérienne multipliée par 30 par rapport aux nanoparticules d'argent standards.

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| Pixabay
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Des chercheurs ont mis au point un nouveau type de nanoparticules d’argent dont l’efficacité antibactérienne est 30 fois supérieure à celle des nanoparticules standards. Utilisant des virus bactériophages comme structure de croissance, les nanoparticules induisent également une résistance bactérienne à un rythme nettement plus long. L’approche pourrait mener à de nouvelles pistes thérapeutiques pour les infections résistantes aux antibiotiques.

L’antibiorésistance ou la résistance aux antimicrobiens (RAM) est responsable de plus d’un million de décès chaque année dans le monde. On estime qu’en 2023, un sixième des infections bactériennes dans le monde sont résistantes aux antibiotiques, en particulier celles liées aux souches de bactéries Gram négatives comme Escherichia coli. Entre 2018 et 2023, la résistance aux antibiotiques a augmenté dans plus de 40 % des associations agent pathogène-antibiotique faisant l’objet de surveillance.

Face à la croissance de la RAM, l’identification d’alternatives plus efficaces aux antibiotiques fait l’objet de recherche active. Parmi les stratégies explorées figurent les nanoparticules d’argent (AgNPs), dont les propriétés antibactériennes sont connues depuis longtemps. Ces propriétés s’expliquent par le fait que les nanoparticules peuvent interagir directement avec la membrane cellulaire des bactéries. Cela entraîne une altération de leur structure aboutissant à la fuite du contenu cellulaire interne et à la pénétration des particules à l’intérieur de la cellule.

Les AgNPs libèrent également des ions argent qui interagissent avec l’ADN de la cellule bactérienne et perturbent sa réplication, empêchant ainsi la prolifération de la bactérie. Ils se combinent également avec les antioxydants comme le glutathion et en perturbent le fonctionnement, ce qui conduit à l’accumulation d’espèces réactives de l’oxygène (ROS) et ainsi au stress oxydatif et à la mort cellulaire.

Les nanoparticules d’argent (AgNPs) sont actuellement utilisées dans une large variété de produits tels que les pansements et les cathéters urinaires. Des essais cliniques sont également en cours pour des traitements topiques des affections du nasopharynx et des plaies. Cependant, leur application thérapeutique demeure limitée en raison de la complexité des formulations et d’un avantage moindre en matière d’efficacité par rapport aux antibiotiques classiques.

Leur toxicité constitue aussi un obstacle important à leur application thérapeutique. Certains pansements contiennent par exemple des concentrations d’AgNPs de 50 à 100 mg/mL. Mais des tests in vitro ont montré qu’une hémolyse (destruction des globules rouges) peut se produire à des concentrations avoisinant les 100 μg/ml. Afin de surmonter ces défis, des chercheurs de l’Université de Californie proposent une nouvelle stratégie permettant de pallier cette toxicité tout en améliorant leurs propriétés antibactériennes.

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Résumé graphique de l’étude. © Damayanti Bagchi et al.

Un virus bactériophage comme matrice de croissance

L’approche de l’équipe de l’Université de Californie consiste à utiliser un « biotemplate », un procédé qui consiste à utiliser un virus bactériophage comme matrice de croissance pour les AgNPs. « Des produits biologiques peuvent être utilisés pour réduire et encapsuler les AgNPs lors de leur synthèse à partir de sels d’argent, mais la structure et les propriétés des AgNPs bio-structurées restent mal connues », expliquent les chercheurs dans leur étude publiée dans la revue Langmuir.

Les experts ont pour cela sélectionné le virus M13, un bactériophage en forme de bâtonnet avec un diamètre d’environ 7 nm et une longueur d’environ 1 μm. Son domaine N-terminal exposé présente de multiples sites de bioréduction contenant des résidus riches en électrons. Lorsqu’il est incubé avec des AgNPs dans une solution de nitrate d’argent — ou plus précisément avec les ions argent (Ag+) de cette solution — le virus précipite spontanément les ions argent en particules solides.

« Le virus M13 peut former spontanément des réseaux virion-AgNP assemblés par interaction électrostatique », expliquent les chercheurs dans leur article. Autrement dit, les nanoparticules se sont agglomérées directement au niveau de la surface du virus pour former une structure unique et lui conférer une réactivité élevée.

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Nanoparticules d’argent synthétisées par le phage M13. (a) M13 est un coliphage filamenteux dont la principale protéine de capside, g8p, possède un domaine N-terminal exposé en surface. Les résidus riches en électrons accessibles au solvant comprennent Lys8 et Tyr21. (b) La réduction de l’argent amorcée par M13 conduit à la synthèse de nanoparticules d’argent (AgNP), comme le montrent les spectres d’absorption LSPR de AgM13 2h (bleu) et AgM13 1j (rouge), comparés à ceux d’une solution de AgNO₃ ( jaune) et de M13 seul (gris). (c) Les micrographies TEM montrent des AgNP associées aux phages pour AgM13 1j (rangée du haut), plus grandes que celles issues de AgM13 2h (rangée du bas), ce qui concorde avec le décalage du pic LSPR. Échelle : 50 nm. (d) La synthèse d’AgM13 pendant 2 h a été réalisée avec des témoins et différents mutants du phage M13. © Damayanti Bagchi et al.

En effectuant des essais sur des bactéries Gram négatives, notamment E. coli, Pseudomonas aeruginosa et Vibrio cholerae, les AgNPs combinés au virus M13 ont montré une efficacité antibactérienne 30 fois supérieure à celle des AgNPs disponibles dans le commerce. Les nouvelles nanoparticules ont également induit une apparition de résistance bactérienne dix fois plus lente que les AgNPs standards.

D’après les chercheurs, l’activité antimicrobienne accrue des biotemplates serait attribuable à la structure des AgNPs plutôt qu’à l’action du virus. « Les améliorations des propriétés antimicrobiennes obtenues grâce à la biotemplation font des nanoparticules d’argent (AgNPs) un candidat viable pour de futures applications systémiques », conclut l’équipe.

Source : Langmuir
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