Notre galaxie, la Voie lactée, n’est qu’une des milliards de galaxies de l’univers connu. En son sein, il existe plus de 100 milliards d’étoiles, accompagnées de poussière et de gaz. La Voie lactée, tout comme plus de 1200 milliards d’autres dans l’Univers observable (environ 60% du total), est une galaxie spirale. Rien de surprenant jusqu’ici. Mais récemment, des chercheurs ont mis en évidence qu’elle serait bien plus imposante qu’on ne le pensait par rapport à son environnement galactique. Un fait très rare dans l’Univers, expliquant peut-être une partie de notre histoire ?
Notre soleil est l’une des 100 milliards d’étoiles de la Voie lactée, une galaxie spirale d’environ 100 000 années-lumière de diamètre, dont les étoiles sont disposées selon un motif de moulin à vent, avec quatre bras principaux. Le Soleil se trouve près d’un petit bras appelé bras d’Orion, ou éperon d’Orion, situé entre les bras du Sagittaire et de Persée.
Au centre de la Voie lactée se trouve un trou noir supermassif appelé Sagittarius A*. Découvert en 1974, sa masse est équivalente à celle de quatre millions de soleils. Autrement dit, la Voie lactée n’est qu’une des 2000 milliards de galaxies de l’univers observable, et semble à première vue tout à fait ordinaire.
Mais récemment, une équipe internationale d’astronomes menée par Miguel Aragon de l’Université nationale autonome du Mexique, a mis en évidence le fait que notre galaxie semble trop grande pour son environnement galactique, connu sous le nom de Local Sheet. Un fait très rare dans l’Univers. Les résultats de cette nouvelle étude sont publiés dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.
La Voie lactée « dépasse » son mur cosmologique
La Voie lactée fait partie du petit amas de galaxies « Local Sheet », ou « groupe local », qui se trouve en bordure de l’amas de la Vierge, un conglomérat de plusieurs milliers de galaxies. Notre groupe local est considéré comme « un mur cosmologique ».
Concrètement, un mur cosmologique est un arrangement aplati de galaxies entourant d’autres galaxies, caractérisé par des régions particulièrement vides, et des zones d’évitement de part et d’autre de celui-ci. Ces vides semblent contraindre les galaxies pour créer l’arrangement aplati. Cet environnement de « paroi » influence la façon dont la Voie lactée et les galaxies proches tournent autour de leurs axes, de manière plus organisée que si nous étions dans un endroit aléatoire de l’Univers, sans ce type de « mur ». De fait, en règle générale, les galaxies ont tendance à être nettement plus petites que leur mur.
Étonnamment, la Voie lactée fait exception. Les nouvelles découvertes sont basées sur une simulation informatique qui fait partie du projet IllustrisTNG. Il vise à éclairer les processus physiques qui régissent la formation des galaxies : comprendre quand et comment les galaxies évoluent. Les simulations utilisent un code numérique de pointe qui comprend un modèle physique complet et fonctionne sur certains des plus grands superordinateurs au monde.
Plus précisément, le projet se compose de trois volumes et de 18 simulations au total. Le grand volume physique associé à la plus grande boîte de simulation (TNG300) permet l’étude de l’agrégation de galaxies, l’analyse d’objets rares tels que les amas de galaxies et fournit le plus grand échantillon de galaxies.
À partir de la simulation la plus grande du projet (TNG300), d’un volume de l’Univers de près d’un milliard d’années-lumière contenant des millions de galaxies, les auteurs ont constaté que seule une poignée — environ un millionième de toutes les galaxies de la simulation — de galaxies aussi massives que la Voie lactée pouvait être située dans une structure de paroi cosmologique telle que le groupe local.
Joe Silk, de l’Institut d’Astrophysique de Paris et co-auteur, déclare dans un communiqué : « La Voie lactée n’a pas de masse ou de type particulier. Il y a beaucoup de galaxies spirales qui lui ressemblent à peu près. Mais c’est rare si l’on tient compte de son environnement. Si vous pouviez voir facilement la douzaine de grandes galaxies les plus proches dans le ciel, vous verriez qu’elles reposent presque toutes sur un anneau, intégré dans le groupe local. C’est un peu spécial en soi. Ce que nous avons récemment découvert, c’est que d’autres murs de galaxies dans l’Univers comme la feuille locale semblent très rarement avoir une galaxie à l’intérieur aussi massive que la Voie lactée ».
Comprendre l’évolution de l’Univers et de la Voie lactée, sans biais subjectif
Selon l’équipe, il peut être nécessaire de prendre en compte l’environnement particulier autour de la Voie lactée lors de l’exécution de simulations, pour éviter un soi-disant « biais copernicien » dans la compréhension de la formation et de l’évolution de la Voie lactée et de l’univers voisin.
Ce biais, décrivant la suppression de notre statut spécial depuis que Copernic a rétrogradé la Terre du centre du cosmos, proviendrait de l’hypothèse que nous résidons dans un endroit complètement moyen de l’Univers. Pour simuler des observations, les astronomes supposent parfois que n’importe quel point d’une simulation telle qu’IllustrisTNG est aussi bon que n’importe quel autre, mais les découvertes de l’équipe indiquent qu’il peut être important d’utiliser des emplacements précis pour effectuer de telles mesures.
Sans compter que les simulations de la présente étude n’ont pas pris en compte Andromède, la plus grande voisine galactique de la Voie lactée. Étant donné que les simulations de l’équipe ne considéraient que le contexte de la Voie lactée dans un mur cosmologique, les travaux futurs devront prendre en compte davantage de galaxies au sein du groupe local.
Les chercheurs notent également que le contexte environnemental pourrait aider à expliquer certains phénomènes jusque-là inexpliqués, tels que la disposition inhabituelle des galaxies satellites autour d’Andromède, et leur absence particulière autour de la Voie lactée.
Mark Neyrinck, de la Fondation basque pour la science en Espagne, explique : « Il faut être prudent… en choisissant des propriétés qualifiées de ‘spéciales’ ». Il conclut : « Si nous ajoutions une condition ridiculement restrictive, comme celle mise en évidence par cette étude, sur une galaxie quelconque, nous serions certainement la seule galaxie de l’Univers observable. Mais cette propriété est physiquement significative et suffisamment pertinente d’un point de vue observationnel pour être considérée comme vraiment rare ».