La dernière éruption de ce volcan particulièrement actif remonte à 2011. Des nuages de cendres s’étaient formés à 20 kilomètres d’altitude, entraînant l’interruption d’une partie du trafic aérien (environ 900 vols annulés). Sous la surveillance étroite des vulcanologues depuis lors, Grímsvötn montre aujourd’hui tous les signes d’une éruption imminente…
À noter que les conséquences de sa dernière éruption étaient bien moindres que la plus célèbre éruption de l’Eyjafjallajökull en 2010, qui elle, avait provoqué l’annulation d’environ 100’000 vols ! Mais toute nouvelle éruption dans le pays ébranlerait immanquablement le secteur du transport aérien, déjà très fragilisé par la pandémie de COVID-19.
Des signes précurseurs caractéristiques
Le Grímsvötn est un volcan d’Islande situé sous la calotte glaciaire du Vatnajökull, sur les Hautes Terres d’Islande, au sud du pays. Il s’agit d’une caldeira, une dépression circulaire à fond plat de plusieurs kilomètres de diamètre, délimitée par une falaise ; ce type de dépression résulte d’une ancienne éruption volcanique lors de laquelle la chambre magmatique s’est vidée. En outre, ce volcan est presque entièrement recouvert de glace : seule une ancienne crête, côté sud, demeure visible en permanence.
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C’est à la base de cette crête que les éruptions les plus récentes ont eu lieu. Grímsvötn est le volcan le plus actif d’Islande : il est entré en éruption au moins 65 fois au cours des 800 dernières années. Les intervalles de temps séparant chaque éruption sont variables ; celle de 2011 a par exemple été précédée de plusieurs petites éruptions en 1983, 1998 et 2004. Les spécialistes ont toutefois remarqué que des éruptions puissantes, mais peu fréquentes — telles que celle de 2011 — se produisaient tous les 150 à 200 ans. Les éruptions moins intenses, mais plus fréquentes, se déroulent quant à elles environ une fois par décennie. Cette fréquence relativement élevée a permis aux scientifiques de dégager un modèle d’activité menant à l’éruption.
Plusieurs paramètres géophysiques et géochimiques indiquent aujourd’hui que le volcan Grímsvötn a atteint un niveau d’activité comparable à celui observé avant les éruptions historiques :
- Une sismicité supérieure à la moyenne au cours du mois dernier ;
- Une activité géothermique plus intense au cours des derniers mois, avec des signes évidents d’approfondissement de la caldeira à plusieurs endroits ;
- Une déformation au niveau de la surface, plus élevée que le niveau précédant l’éruption de 2011 ;
- Un taux élevé de gaz magmatiques détecté dans les émissions géothermiques cet été.
Ces signes précurseurs permettent aujourd’hui d’affirmer qu’une éruption est susceptible de se produire dans un futur proche, même si la date exacte de l’événement ne peut être déterminée. C’est pourquoi le code couleur de l’aviation islandaise est récemment passé du vert au jaune.
Inondations et « effet cocotte-minute »
Une particularité importante de ce volcan est qu’il produit une chaleur extraordinairement élevée (fournissant une puissance comprise entre 2000 et 4000 MW), qui fait fondre la couche de glace sus-jacente, produisant ainsi un lac sous-glaciaire caché. Ce lac d’eau de fonte peut atteindre les 100 mètres de profondeur et la couche de glace qui flotte en surface mesure quant à elle environ 260 mètres d’épaisseur ; et celle-ci ne cesse de fondre, augmentant continuellement le niveau de l’eau du lac.
Or, après avoir voyagé plusieurs kilomètres sous la glace, cette eau de fonte peut soudainement émerger et provoquer d’importantes inondations, que les Islandais nomment jökulhlaups. Par le passé, lors de l’éruption de 1996, la totalité du lac sous-glaciaire formé s’était échappée, provoquant d’importants dégâts matériels, notamment la destruction de plusieurs ponts ; au pic de l’inondation, le débit de la rivière Skeiðará a brusquement augmenté jusqu’à 45’000 m³ par seconde, soit 80 à 100 fois sa valeur standard ! Fort heureusement, les experts peuvent suivre de près le trajet de l’eau de fonte sous la glace jusqu’à son point de sortie ; les routes sont généralement fermées à temps pour éviter que les voyageurs ne soient pris au piège dans l’inondation.
Par ailleurs, lorsque cet important « drainage » a lieu, autrement dit, lorsque l’eau de fonte s’échappe brusquement du sommet du volcan, le phénomène peut déclencher une éruption en réponse au changement de pression. C’est un peu comme soulever le couvercle d’une cocotte-minute sans avoir au préalable régulé la pression interne à l’aide de la soupape. Cela s’est déjà produit plusieurs fois sur ce site volcanique. Aujourd’hui, les spécialistes ont constaté que la hauteur de l’eau du lac sous-glaciaire est comparable au niveau observé avant les inondations de 2004 et 2010, ce qui augmente la probabilité d’une nouvelle inondation dans les mois à venir.
Quelles vont être les prochaines étapes ? Sur la base du modèle observé lors des éruptions passées, un essaim de tremblements de terre d’une durée de quelques heures (de une à dix heures) signalera que le magma se déplace vers la surface — on parle alors de « trémors », des vibrations provoquées par les chocs du magma contre les parois de la cheminée volcanique — et qu’une éruption est imminente. Ces séismes surviennent généralement juste après le drainage du lac sous-glaciaire et juste avant l’éruption.
Lors des éruptions les plus faibles du Grímsvötn, le phénomène perd habituellement beaucoup d’énergie au moment d’interagir avec l’eau et la glace se trouvant en surface. Par conséquent, les cendres qui en résultent sont humides et « lourdes » et retombent plus rapidement au sol. C’est un scénario idéal pour les Islandais, car le nuage de cendres ne parcourt dans ce cas que quelques dizaines de kilomètres depuis le site de l’éruption. L’espace aérien est de ce fait peu impacté.
Mais à ce jour, les spécialistes ne peuvent connaître l’intensité de l’éruption à venir. Certes, d’après le modèle établi — quelques grosses éruptions séparées par de nombreuses plus petites — le prochain événement devrait être relativement « faible » ; la dernière éruption importante datant de 2011, soit il y a neuf ans seulement. Mais les vulcanologues soulignent que les volcans d’Islande sont très complexes et que les modèles ne sont pas toujours scrupuleusement respectés.