Il y a 3 à 3,5 milliards d’années, la surface de la planète Mars à basculé de 20 à 25 degrés. C’est les volcans du dôme Tharsis qui en sont la cause et qui ont littéralement changé de visage de la planète. En effet, l‘Olympus Mons de Mars est incontestablement le roi des volcans dans tout notre système solaire ! Celui-ci surpasse de beaucoup le Mont Everest en hauteur (l’Olympus Mons culmine à plus de 21’229m au-dessus du niveau de référence martien) et domine la plus grande zone volcanique de tout le Système solaire. Ce volcan est si grand qu’il faudrait au rover Opportunity de la NASA plus de 500 ans pour en faire le tour (en comptant sur ses capacités actuelles, soit une vitesse maximale de 0,18 km/h).
Mais l’Olympus Mons est juste un pic dans une région bien plus vaste, connue sous le nom de « dôme de Tharsis ». Ce plateau englobe notamment Arsia Mons, Pavonis Mons et Ascraeus Mons, trois autres volcans imposants de la région. Cette véritable chaîne de volcans se situant le long d’une ligne droite, se serait formée par un mouvement de la plaque qui se serait déplacée au-dessus d’un point chaud (la lave se situant sous la région du dôme) du manteau martien. C’est en effet par sa masse hors du commun que le dôme volcanique a entraîné la rotation des enveloppes superficielles de Mars (sa croûte et son manteau) autour de son noyau. L’existence de ce grand basculement donne un nouveau visage à la planète Mars durant le premier milliard d’années de son histoire, au moment où la vie aurait pu y apparaître !
Elle offre aussi des réponses à trois mystères : on comprend pourquoi les rivières se sont formées à l’endroit où on les observe aujourd’hui, pourquoi certains réservoirs souterrains de glace d’eau (qualifiés jusqu’ici d’anomalies) se situent loin des pôles de Mars et pourquoi le dôme de Tharsis est aujourd’hui centré sur l’équateur. Ces résultats ont été publiés le 2 mars 2016 dans la revue Nature, par une équipe de scientifiques (des géomorphologues, géophysiciens et climatologues) essentiellement français ainsi qu’un chercheur du Lunar and planetary laboratory (de l’Université d’Arizona). L’étude révèle ce qui s’est passé durant le premier milliard d’années sur Mars.
Mars n’a pas toujours eu le visage que nous lui connaissons. Il y a 3 à 3,5 milliards d’années, la planète a subi un grand changement. En fait, ce n’est pas l’axe de rotation de Mars qui a bougé mais les parties externes (manteau et croûte) qui ont tourné par rapport au noyau interne ! Ce phénomène avait été prédit théoriquement, mais n’avait encore jamais été démontré.
Quelle est l’origine de ce basculement ?
C’est le gigantesque dôme volcanique de Tharsis qui est à l’origine de ce basculement. Sa formation a débuté il y a plus de 3,7 milliards d’années vers 20° de latitude nord et l’activité volcanique s’est poursuivie pendant plusieurs centaines de millions d’années jusqu’à former un plateau de plus de 5000km de diamètre pour une masse de 1 milliard de milliards de tonnes (1/70e de la masse de la Lune). Une masse si énorme, qu’elle a fait pivoter la croûte et le manteau de Mars ! Le dôme de Tharsis s’est alors retrouvé sur l’équateur, ce qui correspond à sa nouvelle position d’équilibre.
Un tel basculement n’est pas anodin quant à la physionomie de la planète. La forme de la planète dans cette configuration primitive, a été recalculée par Isamu Matsuyama de l’Université d’Arizona afin d’en examiner les conséquences sur le visage de la planète Mars primitive. Cette étude modifie profondément le scénario généralement accepté, selon lequel le dôme de Tharsis se serait formé avant 3,7 milliards d’années et donc qu’il préexisterait aux rivières puisque c’est lui qui leur donnerait leur sens d’écoulement… Mais à partir de la topographie calculée, les scientifiques français ont pu démontrer que malgré un relief différent, avec ou sans le dôme de Tharsis, la plupart des rivières coulent dans les deux cas des hauts terrains cratérisés de l’hémisphère sud, vers les plaines basses de l’hémisphère nord. Cette observation suggère que les rivières peuvent tout à fait être contemporaines de la formation du dôme de Tharsis.
La topographie de Mars avant le basculement permet également d’étudier le climat primitif de la planète : en utilisant les modèles climatiques du Laboratoire de météorologie dynamique, les scientifiques peuvent mettre en évidence (en présence d’un climat froid et d’une atmosphère plus dense que celle d’aujourd’hui), une accumulation de glaces autour de 25° de latitude sud, dans les régions qui correspondent aux sources des rivières aujourd’hui asséchées.
Cette étude bouleverse notre représentation de la surface de Mars telle qu’elle a dû être il y a 4 milliards d’années et modifie aussi la chronologie des événements. En effet, selon ce nouveau scénario, la période de stabilité de l’eau liquide permettant la formation de vallées fluviales est contemporaine et sans doute une conséquence de l’activité volcanique du dôme de Tharsis. Ce grand basculement déclenché par Tharsis a eu lieu après la fin de l’activité fluviale (c’est à dire il y a plus de 3,5 milliards d’années) et a ainsi donné à Mars le visage qu’on lui connaît aujourd’hui… Dès à présent, quand on s’intéressera à l’époque primitive de Mars pour chercher des traces de vie ou d’un océan par exemple, il ne faudra pas oublier de penser avec cette nouvelle géographie.