Des chercheurs ont créé un simulateur de trou noir qui consiste en un « vortex quantique » géant au sein d’un superfluide d’hélium. Les expériences qui en résulteront devraient leur permettre de mieux comprendre certains mécanismes régissant le comportement de ces fascinants objets cosmiques.
L’exploration du comportement des trous noirs, ces entités cosmiques encore à ce jour énigmatiques, franchit un petit cap grâce aux travaux d’une équipe de l’Université de Nottingham (Angleterre). L’étude qui en résulte, publiée sur le portail de prépublication arXiv, détaille la création d’un simulateur de trou noir quantique.
Ce dispositif, basé sur un vortex quantique géant dans un superfluide d’hélium, vise à nous en dire plus sur les interactions entre la théorie classique de la gravité et la mécanique quantique au sein des trous noirs, dont certains phénomènes sont inaccessibles en raison de la nature distante et complexe de ces objets. Cette expérience pourrait ainsi éclairer des aspects fondamentaux de la physique et de la formation de l’univers.
La création d’un vortex quantique géant
Dans leur quête pour simuler les conditions extrêmes des trous noirs, les chercheurs de l’Université de Nottingham ont choisi d’utiliser de l’hélium superfluide. Ce choix n’est pas anodin : l’hélium superfluide se distingue par sa viscosité exceptionnellement basse, environ 500 fois inférieure à celle de l’eau. Cette caractéristique unique permet au fluide de s’écouler sans aucune résistance, créant ainsi un environnement idéal pour observer des phénomènes quantiques rares.
Pour son expérimentation, l’équipe de recherche a introduit de l’hélium dans un conteneur équipé d’une hélice située à sa base. L’activation de cette hélice a généré un vortex au sein de la masse d’hélium, ressemblant à une mini-tornade. Bien que la création de vortex dans d’autres liquides ait déjà été réalisée auparavant, les forces en jeu au sein de ces derniers étaient bien inférieures. En effet, la particularité de ce vortex réside dans les forces en jeu (bien plus importantes) et sa taille, des aspects essentiels pour induire une interaction notable entre le vortex et le reste du fluide dans le conteneur.
Selon le New Scientist, le diamètre du vortex ainsi formé n’excédait que de quelques millimètres une dimension qui, malgré sa petite taille apparente, le classe comme nettement plus grand que les autres vortex stables précédemment générés dans des fluides quantiques.
La création de ce vortex quantique géant constitue en soi une prouesse technique. Dans les fluides quantiques, la rotation ne se produit pas de manière continue, mais plutôt en petits segments distincts connus sous le nom de quanta. Ces quanta sont des sortes de mini-vortex, et la conservation de leur stabilité devient un véritable défi lorsqu’ils sont assemblés en grand nombre. L’équipe de Nottingham a réussi à combiner environ 40 000 de ces quanta pour créer un seul vortex de grande taille.
Simuler divers phénomènes des trous noirs
Les auteurs ont alors observé les interactions entre de minuscules ondes et le vortex quantique. Elles reproduisent, à une échelle beaucoup plus petite et contrôlable, les dynamiques complexes qui se produisent dans l’espace lointain.
Dans l’environnement spatial, les champs cosmiques — des régions de l’espace influencées par des forces telles que la gravité et le magnétisme — interagissent de manière complexe avec les trous noirs en rotation. Ces interactions sont notoirement difficiles à étudier de façon directe en raison de la distance nous en séparant et des conditions extrêmes entourant les trous noirs. En recréant un scénario similaire dans leur laboratoire, les chercheurs ont pu observer et analyser des interactions dynamiques similaires de façon beaucoup plus détaillée.
L’une des découvertes les plus significatives de cette expérience est sans doute la détection d’indices du mode de résonance des trous noirs, un phénomène qui se produit suite à la fusion de deux trous noirs. Lorsque deux trous noirs fusionnent, l’objet résultant passe par une phase de « ringdown », où il émet des ondulations gravitationnelles tout en se stabilisant dans une nouvelle forme.
Cette phase est comparable à la manière dont une cloche continue de vibrer après avoir été frappée. La capacité de simuler et d’observer ce mode de résonance en laboratoire constitue une avancée. Les trous noirs jouent un rôle crucial dans la formation de l’univers et constituent des points où la relativité générale d’Einstein et la théorie quantique des champs semblent se contredire. La simulation de ces phénomènes sur Terre pourrait aider à comprendre et éventuellement résoudre ces contradictions.
La professeure Silke Weinfurtner, auteure principale de l’étude, déclare au Guardian : « La physique se répète dans de nombreux endroits. Il s’agit d’un ensemble de modèles mathématiques très universels. Et si les mathématiques sont les mêmes, la physique devrait être la même ». Elle ajoute : « Pour moi, les analogues sont un cadeau de la nature. Il existe toute une classe de systèmes qui possèdent les mêmes processus physiques ».