Après trois ans d’existence, le virus à l’origine de la COVID-19 continue d’évoluer. Un nouveau variant sévit actuellement en Amérique du Nord : cette souche virale, étiquetée XBB.1.5, comporte des mutations qui la rendent beaucoup plus transmissible. Il s’agit du variant « le plus contagieux détecté à ce jour », selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Une augmentation rapide des infections pourrait survenir dans les prochaines semaines, sans toutefois provoquer des cas graves, estiment les experts.
En France, comme dans de nombreux pays, le variant BA.5, dérivé d’Omicron, est longtemps resté la forme dominante du virus. Mais un nouveau sous-variant détecté au mois de septembre, BQ.1.1, se propage progressivement en Europe ; il pourrait à son tour être responsable de la plupart des cas de COVID-19 signalés dans l’Hexagone (à la mi-décembre, il représentait 70% des séquences lors de l’enquête de Santé publique France). Et alors que les scientifiques examinent de près cette lignée, une nouvelle menace pointe déjà à l’horizon.
Le sous-variant XBB.1.5 est une sous-lignée de XBB, qui est lui-même une combinaison de deux sous-lignées de BA.2, explique l’Organisation mondiale de la santé dans un rapport d’évaluation rapide des risques. Détecté pour la première fois aux États-Unis fin octobre 2022, il a depuis été signalé dans 38 pays — y compris dans plusieurs pays européens, notamment au Royaume-Uni. « D’après ses caractéristiques génétiques et les estimations du taux de croissance précoce, XBB.1.5 pourrait contribuer à l’augmentation de l’incidence des cas », conclut le rapport.
Une évolution qui reste incertaine à ce jour
Cette forme virale est hautement transmissible. Le virologue Trevor Bedford et son équipe du Fred Hutchinson Cancer Center de Seattle ont calculé que XBB.1.5 a actuellement un nombre de reproduction effectif (Rt) d’environ 1,6 — ce qui signifie que chaque personne infectée est susceptible d’infecter 1,6 autre personne en moyenne. C’est le plus élevé parmi tous les variants d’Omicron.
L’estimation de l’avantage de croissance de XBB.1.5 repose toutefois sur les données d’un seul pays (les États-Unis) et est donc associée à une grande incertitude. D’autres études doivent être menées pour le confirmer. En outre, une croissance rapide aux États-Unis ne signifie pas nécessairement que la variante deviendra dominante en Europe : « Des différences majeures dans la circulation des variantes entre l’Amérique du Nord et l’Europe ont été observées à plusieurs reprises au cours de la pandémie », note le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).
Les estimations Nowcast communiquées par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (États-Unis) montrent que le sous-variant XBB.1.5 fait aujourd’hui partie des variants les plus répandus aux États-Unis : au cours de la première semaine de janvier, il était responsable de plus de 27% des cas d’infection (contre 34% des cas pour BQ.1.1 et 21% des cas pour BQ.1). On ne sait pas encore si XBB.1.5 deviendra ou non la forme dominante aux États-Unis dans les prochaines semaines. Cela dépendra de l’étendue de l’avantage de XBB.1.5 et des divers facteurs affectant la transmission du SARS-CoV-2 en général, explique Marlin Figgins, du laboratoire de Trevor Bedford.
Le nombre de cas de COVID-19 va-t-il augmenter de façon exponentielle prochainement en France ? « Pas dans le mois à venir, car la variante n’est actuellement présente qu’à de très faibles niveaux dans l’UE/EEE », estime l’ECDC.
Une mutation qui augmente la transmissibilité et l’infectivité
Pourquoi ce sous-variant est-il si préoccupant ? Pour commencer, il est très similaire à son variant « parent », XBB, qui affichait déjà un niveau élevé d’échappement immunitaire (que l’immunité soit acquise par une infection ou via la vaccination). XBB est en effet doté d’une mutation sur le site 486 de sa protéine de pointe (Spike) ; or, les mutations à ce niveau sont connues pour conférer au virus la capacité d’échapper au système immunitaire. Parallèlement, cette mutation rend le virus légèrement moins efficace en matière d’infectivité.
Mais XBB.1.5 porte une substitution supplémentaire (notée S486P), qui lui permet de se fixer plus efficacement sur les récepteurs ACE2 des cellules humaines. « Il présente une affinité de liaison hACE2 sensiblement plus élevée par rapport à BQ.1.1 et XBB/XBB.1 », explique un article de prépublication non examiné par les pairs. Il semblerait que cette mutation augmente l’infectivité du virus tout en préservant sa capacité à échapper aux défenses immunitaires.
Le fait que XBB.1 et XBB.1. 5 montrent un échappement immunitaire comparable, mais une transmissibilité distincte, suggère qu’une affinité accrue de liaison au récepteur conduirait à des avantages de croissance plus élevés, notent les chercheurs.
Quant à la gravité des infections associées à ce sous-variant, il n’est actuellement pas possible de tirer des conclusions, car les spécialistes ne disposent pas de suffisamment de données. Plusieurs experts ont toutefois souligné que les propriétés d’échappement immunitaire de XBB.1.5 ne doivent pas être surestimées : ce sous-variant ne contournera pas complètement le système immunitaire, explique au Scientific American Alessandro Sette, professeur à l’Institut La Jolla d’immunologie. « Si certaines variantes du SARS-CoV-2 peuvent échapper aux anticorps à des degrés divers, les cellules T conservent environ 85% de leur capacité à lutter contre le virus au niveau de la population », rappelle-t-il.
Jake Scott, professeur à l’Université de Stanford et spécialiste des maladies infectieuses, souligne par ailleurs que les sous-variants d’Omicron sont moins susceptibles d’entraîner une maladie des voies respiratoires inférieures. « Oui, les sous-variants d’Omicron sont très transmissibles, et oui, XBB.1.5 est le plus transmissible d’entre eux. Il est donc possible que cela entraîne une augmentation des cas. Mais je ne crains vraiment pas que cela entraîne une augmentation des hospitalisations et des décès dus uniquement à la COVID-19 », a-t-il déclaré.