Un béluga vivant en captivité avec des dauphins a fait quelque chose d’étonnant : cette baleine a « appris » une autre langue que la sienne et l’a totalement adoptée. En effet, après seulement deux mois de cohabitation avec des dauphins au sein du delphinarium de Koktebel, un béluga est capable de reproduire le sifflement qui permet aux dauphins de communiquer entre eux.
La baleine, alors âgée de quatre ans, a commencé à faire des sifflements spécifiques aux dauphins et a abandonné ses vocalisations de béluga après avoir été hébergée avec des dauphins depuis seulement deux mois. Avant d’être déplacée au Dolphinarium Koktebel en Crimée en 2013, la baleine en question vivait avec d’autres bélugas dans son installation précédente. Mais après son déménagement à Koktebel, ses nouveaux compagnons n’étaient que des dauphins et non plus des bélugas. Dans un premier temps, l’adaptation de la baleine a été compliquée : « La première apparition du béluga dans le delphinarium a causé une frayeur chez les dauphins », écrivent les chercheurs Elena Panova et Alexandr Agafonov de l’Académie russe des sciences, à Moscou.
Heureusement, il n’a pas fallu longtemps avant que la baleine soit intégrée au groupe de dauphins. Elle a ensuite commencé à copier les sons émis par ces derniers pour communiquer et a progressivement cesser d’emettre des sons de béluga. L’équipe de recherche a enregistré plus de 90 heures d’audio. Durant les premiers jours au delphinarium, la baleine a fait des sons typiques de son espèce, mais deux mois plus tard, elle communiquait couramment avec les dauphins.
Arborez un message climatique percutant 🌍
Ce qui est particulièrement intéressant, c’est qu’elle a même commencé à émettre des sifflements de signature typiques du dauphin (des sons individuels attribués à chaque dauphin, un peu comme des noms). Et elle a cessé d’utiliser l’appel de contact des bélugas, que ces dernières utilisent comme une sorte d’enregistrement d’appel et de réponse. « L’inspection des enregistrements audio réalisés avant et après l’introduction du béluga a révélé que l’imitation inter-espèces n’était pas réciproque », ont expliqué les chercheurs. « Tandis que les imitations de sons de dauphins étaient régulièrement détectés parmi les vocalisations du béluga, nous n’avons trouvé qu’un seul cas où les dauphins produisaient des appels courts qui ressemblaient (mais n’étaient pas identiques, dans les paramètres physiques) à ceux des bélugas », ont-ils ajoutés.
Les chercheurs pensent que cela est très probablement dû aux conditions sociales différentes de ces deux espèces : le béluga, un animal social, était le seul présent de son espèce et devait donc s’adapter pour s’intégrer au groupe de dauphins.
Il est connu que les bélugas sont de puissants mimiques. Ils ont été observés en train de reproduire des sons semblables à ceux des humains, comme dans le cas de Noc, un béluga étudié par l’US Navy dans les années 1970, que l’on retrouve dans la vidéo ci-dessous.
Des expériences plus récentes ont démontré que ces animaux pouvaient même apprendre à imiter des sons artificiels générés par ordinateur. Mais il subsiste un problème : alors qu’il est certain que le béluga imite sans aucun problème les sons des dauphins, nous ne savons pas s’il comprend vraiment le « langage » des dauphins.
Mais même si le béluga ne comprenait pas ce que ses sons signifient, il y a un avantage social important pour la baleine à apprendre le jargon local. « Le cas rapporté ici ainsi que d’autres exemples d’imitation et de partage de sons, peuvent être considérés comme une convergence vocale entre individus liés socialement – un phénomène qui peut être observé dans diverses espèces, allant des oiseaux aux humains », ont expliqué les chercheurs. « À quelques exceptions près, la convergence des sons est suggérée comme permettant la reconnaissance d’un groupe et le renforcement des liens sociaux entre ses membres », ont-ils ajouté.
De plus amples recherches vont devoir être menées afin d’aider à déterminer jusqu’à quel point le béluga comprend (si cela est le cas) ces sons, et s’il s’agit d’un cas unique de communication interespèce complexe, ou non.