Des chercheurs ont atteint un tournant majeur concernant le processus de dessalement en annonçant l’invention d’une membrane à base d’oxyde de graphène, qui tamise le sel directement hors de l’eau de mer.
Actuellement la technique est encore limitée à l’utilisation en laboratoire, mais il s’agit d’une démonstration de la manière dont nous pourrions un jour bénéficier, pour transformer rapidement et facilement l’une de nos ressources les plus abondantes, l’eau de mer, en eau potable.
L’équipe dirigée par Rahul Nair de l’Université de Manchester au Royaume-Uni, a démontré que le tamis peut efficacement filtrer le sel et la prochaine étape consistera à le comparer aux membranes de dessalement existantes. « La réalisation de membranes évolutives avec une taille de pore uniforme à l’échelle atomique est un grand pas en avant et ouvrira de nouvelles possibilités pour améliorer l’efficacité de la technologie de dessalement », explique Nair. « Nous démontrons également qu’il existe des possibilités réalistes d’étendre l’approche décrite et de produire en masse des tamis avec des membranes à base de graphène de différentes tailles », ajoute-t-il.
Les membranes d’oxyde de graphène ont longtemps été considérées comme un candidat très prometteur pour la filtration et le dessalement, mais bien que de nombreuses équipes de chercheurs aient développé des membranes qui sont capables de tamiser un grand nombre de particules hors de l’eau, il reste compliqué de se débarrasser du sel. Cela nécessite des tamis encore plus précis et petits, un élément que les scientifiques ont eu du mal à surmonter.
L’un des gros problèmes est que lorsque les membranes d’oxyde de graphène sont immergées dans l’eau, elles se gonflent, et cela permet aux particules de sel de s’écouler à travers les pores engorgés.
Cela a permis aux chercheurs de contrôler de manière précise la taille des pores de la membrane, en créant des trous assez petits pour qu’ils puissent quand même filtrer tous les sels communs de l’eau de mer. En fait, lorsque les sels communs sont dissous dans l’eau, ils forment une sorte de « coquille » de molécules d’eau autour d’eux-mêmes. « Les molécules d’eau peuvent passer individuellement, mais le chlorure de sodium ne peut pas. Il a toujours besoin de l’aide des molécules d’eau. La taille de la coquille d’eau autour du sel est supérieure à la taille du canal, donc il ne peut pas traverser », explique Nair.
Non seulement cette technique permet à l’eau de mer d’être transformée en eau potable, mais les molécules d’eau s’écoulent aussi plus rapidement à travers la barrière de la membrane, ce qui est idéal pour le dessalement. « Lorsque la taille du capillaire est d’environ un nanomètre, qui est très proche de la taille de la molécule d’eau, ces molécules forment un arrangement interconnecté, comme un train », explique Nair. « Cela rend le mouvement de l’eau plus rapide : si vous poussez plus fort d’un côté, les molécules se déplacent de l’autre côté en raison des liens d’hydrogène entre elles. Vous ne pouvez obtenir cette situation que si la taille du canal est très faible », ajoute-t-il.
Il existe plusieurs grandes installations de dessalement à travers le monde, qui utilisent des membranes à base de polymères pour filtrer le sel, mais le processus est très coûteux et encore largement inefficace. Par conséquent, trouver un moyen de le rendre plus rapide, plus facile et moins cher est un important challenge pour les chercheurs.
En outre, en raison du réchauffement climatique, l’eau de mer va devenir de plus en plus abondante : les calottes glaciaires côtières du Groenland ont déjà dépassé le point de non-retour et devraient augmenter le niveau de la mer d’environ 3,8 cm d’ici 2100. Si la totalité de la couche de glace du Groenland venait à disparaître, les générations futures seront confrontées à des océans plus élevés d’environ 7,3 mètres.
De plus, l’eau potable est encore incroyablement difficile à trouver dans de nombreuses régions du monde. L’ONU prévoit également qu’en 2025, 14% de la population mondiale sera confrontée à la pénurie d’eau. Et nombreux sont les pays qui ne pourront pas se permettre des installations de dessalement coûteuses à grande échelle.
Les scientifiques espèrent donc que ce nouveau tamis à base de graphène pourrait être tout aussi efficace par le biais de petites stations de dessalement (ce qui serait également plus facile à déployer en grandes quantités). Il est également moins coûteux de fabriquer l’oxyde de graphène (utilisé dans ces tamis) en laboratoire, que des couches uniques de graphène. Cela signifie que la technologie sera abordable et relativement facile à produire.
« La séparation sélective des molécules d’eau des ions par la restriction physique de l’espacement intercalaire ouvre la porte à la synthèse de membranes peu coûteuses pour le dessalement », explique Ram Devanathan, du Pacific Northwest National Laboratory, qui n’a pas participé à la recherche. « Le but ultime est de créer un dispositif de filtration qui produirait de l’eau potable provenant de l’eau de mer ou des eaux usées avec un minimum d’énergie », ajoute-t-il.
À présent, la prochaine étape consistera à tester la durabilité des membranes lorsqu’elles sont utilisées pendant de longues périodes, et de déterminer à quelle fréquence celles-ci doivent être remplacées.