La première détection directe des ondes gravitationnelles le 14 septembre 2015 par l’expérience LIGO a permis de confirmer une des prédictions majeures de la relativité générale et a ouvert la voie vers une meilleure compréhension de la gravitation.
Véritables oscillations de l’espace-temps, les ondes gravitationnelles pourraient receler d’autres secrets et fournir notamment des indices potentiels sur la théorie des cordes et ses dimensions supplémentaires.
Les ondes gravitationnelles et l’étude de la gravité
Depuis les années 1950, la théorie de la relativité générale d’Einstein est sans cesse éprouvée avec succès par l’expérience. Parmi les nombreuses prédictions de la théorie figure l’existence des ondes gravitationnelles.
Les ondes gravitationnelles sont des oscillations de l’espace-temps se propageant à la vitesse de la lumière dans le vide et provoquées par l’accélération d’objets massifs tel que le mouvement de deux trous noirs en orbite l’un autour de l’autre, lors de leur coalescence. L’existence des ondes gravitationnelles a été confirmée par deux fois en septembre et décembre 2015 par les expériences LIGO et Virgo (voir aussi source 1).
Cependant, les instruments de LIGO et Virgo n’ont pas seulement permis de détecter la présence d’ondes gravitationnelles. La grande sensibilité de ces instruments a offert aux physiciens la possibilité d’étudier plus profondément la dynamique de la gravité dans le but d’établir des contraintes théoriques (c’est-à-dire des paramètres physiques) relatives à certains modèles physiques de la gravité.
Ainsi, grâce aux analyses effectuées via ces instruments, plusieurs contraintes ont pu être posées sur des modèles comme la théorie MOND (théorie de la dynamique newtonienne modifiée), la géométrie non-commutative (théorie de la gravité quantique d’Alain Connes) ou encore les trous noirs primordiaux (2).
Les ondes gravitationnelles et les dimensions supplémentaires
Dans une étude publiée dans la revue Journal of Cosmology and Astroparticle Physics (3), les physiciens D. Andriot et G. L. Gomez de l’Institut Max Planck en Allemagne expliquent les effets que des dimensions supplémentaires de l’espace pourraient provoquer sur les ondes gravitationnelles. À ce sujet, Gomez précise que « les physiciens recherchent des traces de dimensions supplémentaires via le LHC au CERN, sans succès jusqu’à maintenant. Toutefois, les détecteurs d’ondes gravitationnelles pourraient fournir une preuve de leur existence ».
Un certain nombre de théories au-delà du Modèle Standard, comme la théorie des cordes, postulent l’existence de dimensions supplémentaires (en plus des 4 de notre espace-temps) invisibles pour nous car repliées à l’échelle de Planck. La présence de dimensions supplémentaires permet de résoudre différents problèmes concernant la gravité, notamment sa très faible intensité vis-à-vis des autres interactions.
En théorie des cordes et des supercordes, la gravité, contrairement aux autres interactions, se propage dans toutes les dimensions (26, 10 ou 11 selon les théories) et subit ainsi un effet « d’écrantage » diminuant son intensité dans notre espace-temps en 4 dimensions.
La recherche d’indices sur l’existence de dimensions supplémentaires au sein des ondes gravitationnelles n’est pas nouvelle. Bien avant la détection par LIGO et Virgo, les physiciens ont commencé à développer des hypothèses concernant de potentiels effets des dimensions supplémentaires sur les ondes gravitationnelles (4). Dans leur étude, et contrairement aux travaux précédents, les deux physiciens ont considéré un contexte théorique plus souple afin de couvrir le plus large éventail possible de situations.
D. Andriot précise qu’il « existe une grande variété de géométries, tailles et configurations possibles pour les dimensions supplémentaires selon la théorie étudiée. Considérant cela, nous ne spécifions aucune géométrie particulière afin d’aborder le contexte le plus général. En outre, nous ne spécifions pas non plus quelle est la source des ondes gravitationnelles, car là aussi les sources peuvent être multiples ». La publication révèle ainsi que deux effets principaux provenant de l’existence de dimensions supplémentaires peuvent affecter les ondes gravitationnelles.
Des ondes gravitationnelles affectées par les dimensions supplémentaires ?
Le premier effet est la présence d’un mode de polarisation supplémentaire. En effet, comme les ondes électromagnétiques, les ondes gravitationnelles sont polarisées, c’est-à-dire qu’elles oscillent selon une orientation particulière dans l’espace. Elles possèdent deux modes de polarisation (deux orientations possibles).
Dans le cas où des dimensions supplémentaires seraient présentes, un troisième mode de polarisation devrait affecter l’onde gravitationnelle, ce qui entraînerait une déformation homogène de sa propagation. Cependant, pour détecter cette polarisation additionnelle, l’onde doit être observée simultanément par trois instruments. Or, seul LIGO est disponible pour le moment. Dans le futur, l’apparition d’autres détecteurs devrait permettre une telle analyse.
Le second effet est l’apparition d’autres ondes gravitationnelles de fréquence plus élevée. En théorie des cordes, les 4 dimensions connues de notre espace-temps et les dimensions supplémentaires ont des géométries différentes. Lorsqu’un objet massif accélère, des ondes gravitationnelles apparaissent, témoignant de l’oscillation de nos 4 dimensions, mais aussi de l’oscillation des autres dimensions.
Puisque ces dimensions sont différentes des 4 visibles, la fréquence des ondes gravitationnelles est, elle aussi, différente. Ainsi, les ondes détectées par LIGO en 2015 avaient une fréquence d’environ 150 Hz, alors que les ondes associées aux dimensions supplémentaires posséderaient une fréquence se situant entre 1000 et 10’000 Hz, soit bien au-delà de la sensibilité de LIGO. Il faudra donc attendre des détecteurs plus sensibles pour confirmer ou infirmer cette prédiction.