En vue de leurs prétendus bienfaits, les compléments alimentaires sportifs à base de plantes sont toujours plus en vogue. Cependant, des chercheurs rapportent qu’aux États-Unis, 89% de ces compléments ne comportent pas d’étiquettes précises d’ingrédients, tandis que 12% contiennent des composants potentiellement dangereux et interdits par la Food and Drug Administration (FDA). Ces résultats soulignent la nécessité de consulter un spécialiste pour toute question concernant les compléments alimentaires. La situation en Europe pourrait être similaire, sachant que de nombreux produits naturels américains ou internationaux peuvent presque aussi facilement être importés et vendus.
Un grand nombre de plantes contiennent des molécules actives pouvant être bénéfiques pour la santé et qui sont largement exploitées par l’industrie pharmaceutique. Si dans certains pays les plantes médicinales sont réglementées de la même manière que les médicaments de synthèse, elles sont davantage considérées comme des ingrédients alimentaires, du moins aux États-Unis.
Compte tenu de leurs effets pharmacologiques, les professionnels de la santé insistent sur la nécessité d’une réglementation stricte pour les plantes médicinales. En effet, certains ont tendance à penser que les ingrédients d’origine naturelle et végétale ne peuvent être que bénéfiques et ne provoquent pas d’effets secondaires. Cependant, à l’instar des principes actifs de synthèse, ceux naturels et contenus dans les plantes peuvent certes apporter des bienfaits, mais ils peuvent aussi devenir toxiques si leur consommation est mal contrôlée ou mal dosée.
Des scientifiques de l’Université de Cambridge, de Harvard, du Mississippi et du National Sanitation Foundation (NFS) alertent sur cette consommation incontrôlée. Chez les athlètes américains, les compléments alimentaires à base de plantes sont toujours plus populaires, alors que la FDA n’a presque aucun contrôle sur ces produits.
Alors que le marché des compléments sportifs est actuellement en pleine expansion, les experts estiment que les arguments publicitaires vantant les mérites de ces produits n’ont généralement aucun fondement scientifique. Les résultats de la nouvelle étude, disponibles sur le serveur JAMA Network, révèlent que les fabricants ne sont pas complètement transparents sur les ingrédients et pourraient mettre les consommateurs en danger.
Des produits non contrôlés par la FDA
Les compléments sportifs à base de plantes sont consommés pour diverses raisons : stimulation énergétique, perte de poids, croissance musculaire, … Parmi les composés végétaux populaires figurent par exemple le thermadrene, le ma huang (éphédra chinois), la caféine, le gingembre, etc.
Depuis que la FDA a interdit l’éphédra dans les compléments sportifs, les industriels de la filière se sont tournés vers une large gamme de composés alternatifs. L’éphédra est un arbuste produisant des baies contenant de l’éphédrine, une amine sympathomimétique agissant sur les récepteurs noradrénergiques et interdite par le contrôle sportif antidopage. Parmi les composés alternatifs figurent les extraits de Rauwolfia vomitoria, contenant de l’α-yohimbine, de la méthyllibérine (un composé de type caféine), de l’halostachine (activant un récepteur noradrénergique), du turkesterone (un stéroïde végétal) et de l’octopamine (un composé de type noradrénaline). Ces composés sont promus pour leurs effets stimulants et anabolisants.
Cependant, l’approbation de ces ingrédients n’est pas régie par la FDA et leur efficacité et innocuité n’ont pas été officiellement évaluées. Bien que les fabricants doivent s’inscrire au sein de l’organisation, ils n’ont pas l’obligation de fournir une liste exhaustive des ingrédients de leurs produits. De ce fait, les entreprises peuvent ajouter ou retirer des ingrédients à leur guise sans informer l’agence et sans devoir certifier les produits finaux.
Des inspections menées par la FDA ont d’ailleurs relevé des non-respects significatifs des normes, concernant notamment les processus de fabrication, la pureté et la composition finale des produits. Le seul moyen pour l’agence d’évaluer les impacts potentiels de ces produits se situe à un niveau pharmacoépidémiologique (quand le produit est disponible dans le commerce et consommé à grande échelle).
Mise en danger des consommateurs
Dans le cadre de la nouvelle étude, les chercheurs souhaitaient déterminer l’exactitude des étiquettes des compléments alimentaires déclarant l’extrait de R. vomitoria, la méthyllibérine, l’halostachine, l’octopamine et le turkesterone. Pour ce faire, 57 produits achetés en ligne et contenant au moins l’un de ces 5 ingrédients ont été analysés.
Les poudres ont été reconstituées dans du méthanol puis passées sous spectrométrie de masse en phase liquide en tandem quadripôle-temps de vol (permettant de détecter et d’identifier des molécules par la mesure de leur rapport masse/charge). L’objectif était de quantifier les 5 ingrédients tout en détectant ceux interdits par la FDA (la 1,4-diméthylamylamine, le détérénol, l’octodrine, l’oxilofrine et l’ombéracétam).
Résultats : 89% des étiquettes n’indiquaient pas avec précision les ingrédients composant réellement les produits. 12% des produits comprenaient au moins un composé interdit par la FDA, et l’un d’entre eux en contenait même 4 ! D’après les experts de l’étude, les fabricants auraient recours à ces stimulants interdits car les études portant sur l’efficacité de leurs produits de base ne sont ni concluantes ni robustes.
Or, l’ajout de ces produits pourrait mettre les consommateurs en danger. « Si vous ingérez une quantité anormale de ces types de stimulants, et que vous en avez en excès en particulier au niveau du cœur, vous pourriez être plus à risque d’avoir des complications cardiaques avec l’exercice », avertit l’un des experts de l’étude, Pieter A. Cohen, du département de médecine de l’Université de Cambridge et de Harvard.
Par ailleurs, 40% des produits ne contenaient pas de niveaux détectables des ingrédients étiquetés. Parmi ceux ayant des niveaux détectables de l’un des 5 ingrédients susmentionnés, il y avait une grande disparité entre les quantités réelles, allant notamment de 0,02% à 334%. Seul 1 produit sur 10 (11%) contenait le bon ingrédient à la bonne dose. Bien que les analyses n’ont été effectuées que sur un échantillon réduit, les résultats soulignent l’importance de consulter l’avis d’un professionnel de la santé en cas de prise ou les consommateurs en cas de vente.