En analysant les échantillons de l’astéroïde Ryugu collectés par la sonde spatiale Hayabusa 2, des chercheurs ont relevé la présence d’éclats de matière fondue probablement issus d’impacts de poussière cométaire. Ces matériaux sont riches en particules carbonées dont la texture serait similaire à la matière organique primitive présente dans les comètes. Cette découverte appuie l’hypothèse selon laquelle la Terre primitive aurait été alimentée en matière organique cométaire par le biais d’astéroïdes de passage.
Le rapatriement en 2020 des échantillons de l’astéroïde Ryugu a suscité un véritable engouement dans la communauté scientifique. En effet, les petits corps du système solaire sont les vestiges de la formation des planètes et ainsi pourraient receler de précieuses informations concernant l’apparition de la vie sur Terre. Il a entre autres été suggéré par le passé que les astéroïdes ont joué un rôle essentiel dans l’acheminement des molécules organiques sur Terre.
Des indices pourraient être révélés par les altérations spatiales qu’ils subissent, dont des modifications de leurs couches superficielles dues à l’absence d’atmosphère protectrice contre les « intempéries spatiales ». Ces altérations sont principalement provoquées par les vents solaires et le bombardement de micrométéoroïdes composant la poussière interplanétaire. Les modifications qui en résultent se manifestent au niveau de la composition chimique, de la structure moléculaire et des propriétés optiques de leurs roches de surface.
D’autre part, les micrométéoroïdes pourraient contenir (ou être composés entièrement) de la poussière de comètes, riche en matière organique. Dans le cadre d’une récente étude publiée dans la revue Science Advances, des chercheurs de l’Université du Tōhoku (Japon) ont analysé des échantillons de l’astéroïde Ryugu afin d’explorer plus avant cette hypothèse. Leurs résultats révèlent des indices suggérant qu’effectivement, de la matière organique aurait pu être transportée sur notre planète par le biais des astéroïdes.
Des micrométéoroïdes provenant de comètes
L’astéroïde Ryugu est un amas de débris rocheux composés des fragments recapturés d’un plus gros objet. En 2018, Hayabusa 2 y a collecté des échantillons de roche au niveau de deux sites d’atterrissage. Dans le cadre de la nouvelle étude, l’équipe de recherche a analysé deux échantillons prélevés à la surface du premier site.
Pour ce faire, ils ont effectué une série d’analyses microstructurales et chimiques par le biais de différentes techniques, telles que la microscopie électronique à balayage à émission de champ (permettant de produire des images en haute résolution de la surface d’un échantillon, en utilisant le principe des interactions électron-matière) et la nanotomographie à rayons X (permettant d’obtenir des rendus 3D à une résolution submicronique).
Les analyses ont montré que la surface des échantillons présente de nettes marques d’exposition à l’espace et est relativement plane. Ils présentent également des microcratères et des éclats de matière fondue, dont le diamètre varie entre 5 et 20 micromètres. « Notre imagerie 3D et nos analyses chimiques ont montré que les éclats de matière fondue sont principalement constitués de verres silicatés avec des vides et de petites inclusions de sulfures de fer sphériques », explique dans un communiqué l’auteur principal de l’étude, Megumi Matsumoto, de l’Université du Tōhoku.
Des études antérieures ont suggéré que les impacts à grande vitesse des micrométéoroïdes peuvent engendrer des microcratères et faire fondre les particules de régolithe. Cette matière fondue forme alors des dépôts amorphes (vitreux) à la surface des astéroïdes, ce qui concorde avec les observations de cette étude.
Cependant, la nature et l’origine des micrométéoroïdes dont les impacts ont engendré ces structures étaient jusqu’à présent mal comprises, en raison de la rareté des échantillons. Selon Matsumoto et ses collègues, les micrométéoroïdes ayant bombardé la surface de Ryugu sont issus de poussières cométaires. « La composition chimique des éclats de fusion suggère que les silicates hydratés de Ryugu se sont mélangés à de la poussière cométaire », indique l’expert.
Les microespaces vides observés au niveau des échantillons seraient dus quant à eux à l’évaporation de la vapeur d’eau, libérée par les silicates hydratés lors de leur fusion. Une analyse plus approfondie des éclats de matière fondue a également révélé la présence de particules carbonées ponctuées de nanopores et d’inclusions de sulfure de fer et de magnésium. Ces particules auraient une texture similaire à la matière organique primitive présente dans la poussière de comète.
Cependant, contrairement à la plupart des molécules organiques, elles ne semblent pas contenir d’azote ou d’oxygène. « Nous proposons que les matériaux carbonés se soient formés à partir de matière organique cométaire via l’évaporation de substances volatiles, telles que l’azote et l’oxygène, lors du chauffage induit par l’impact », suggère Matsumoto. « Cette matière organique pourrait être les petites graines de vie une fois livrées de l’espace à la Terre », ajoute-t-il. Prochainement, les experts espèrent examiner d’autres échantillons de l’astéroïde, afin d’étudier plus avant ces fameux éclats de matériaux fondus.