Des chercheurs ont découvert le 2-méthoxyéthanol, la molécule la plus complexe (et l’une des plus grandes) détectée à ce jour dans l’espace — dans la nébuleuse de la Patte de Chat (NGC 6334), à environ 5550 années-lumière. Sa présence au niveau d’une région de formation stellaire suggère qu’elle pourrait être impliquée dans leur processus de naissance. Cette découverte pourrait ainsi améliorer notre compréhension de la chimie complexe régissant la formation des étoiles et des systèmes planétaires.
Jusqu’à présent, plusieurs molécules comportant la fonction méthoxy (OCH3) ont été détectées dans le milieu interstellaire, telles que l’éther diméthylique, le formiate de méthyle, l’éther éthylique et méthylique et le méthoxyméthanol. Ces molécules ont souvent été détectées au niveau des régions chaudes environnant les étoiles en formation.
Dans le cadre d’une nouvelle étude, les chercheurs, du Massachusetts Institute of Technology (MIT), ont mis au jour une nouvelle molécule méthoxylée dans une région proche d’une zone protostellaire. « Notre groupe tente de comprendre quelles molécules sont présentes dans les régions de l’espace où les étoiles et les systèmes solaires finissent par prendre forme », déclare dans un article de blog du MIT l’auteur principal de la recherche, Zachary TP Fried. « Cela nous permet de reconstituer la façon dont la chimie évolue parallèlement au processus de formation des étoiles et des planètes », explique-t-il.
La molécule spatiale la plus complexe jamais détectée
Pour détecter la molécule, les chercheurs se sont d’abord appuyés sur l’apprentissage automatique pour identifier les meilleures candidates à cibler par les radiotélescopes. Récemment, des modèles d’apprentissage automatique ont notamment été développés et formés pour prédire les candidats moléculaires correspondant à différentes sources protostellaires de type IRAS 16293-2422B. Abritant 4 protoétoiles (des étoiles en formation), cette dernière est utilisée comme référence, car elle abrite des niveaux élevés de molécules méthoxylées et d’autres molécules clés, comme la glycoladéhyde (un sucre).
Les prédictions du modèle d’apprentissage automatique ont suggéré d’orienter les détections sur le 2-méthoxyéthanol, avec un niveau de confiance élevé. Les experts ont ensuite effectué une modélisation du spectre de rotation de la molécule. Une molécule peut absorber ou émettre un rayonnement en acquérant un mouvement de rotation autour de son centre de gravité. Le spectre rotationnel d’une molécule correspond au profil d’absorption et d’émission des ondes électromagnétiques par celle-ci.
« Ces modèles sont des empreintes digitales (ou des codes-barres) de molécules », explique Fried. « Pour détecter de nouvelles molécules dans l’espace, nous devons d’abord avoir une idée de la molécule que nous voulons rechercher, puis nous pouvons enregistrer son spectre en laboratoire, et enfin nous recherchons ce spectre dans l’espace à l’aide de télescopes », indique-t-il. Fried et ses collègues ont mesuré le spectre de rotation du 2-méthoxyéthanol sur une large bande de fréquences, allant de 8 à 500 gigahertz.
Les chercheurs ont donc paramétré le gigantesque réseau de radiotélescopes Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA) par rapport à ces mesures, afin de détecter le 2-méthoxyéthanol dans deux régions de formation stellaire : NGC 6334I (dans NGC 6334) et IRAS 16293-2422B. Résultat : 25 signaux moléculaires correspondant au spectre de la molécule ont été détectés au niveau de la première région.
Il existe un certain nombre de molécules méthoxylées dans l’espace, mais le 2-méthoxyéthanol serait la plus volumineuse et la plus complexe jamais détectée, selon les experts. En effet, elle comporte exactement 13 atomes, ce qui est particulièrement volumineux pour une molécule interstellaire. Seules 6 molécules comportant le même nombre d’atomes ont jusqu’ici été détectées dans le milieu interstellaire, mais aucune n’est aussi complexe que le 2-méthoxyéthanol.
En outre, sa détection dans NGC 6334I a permis aux chercheurs d’identifier différents paramètres physiques, tels que sa densité et sa température d’excitation. Cela permettra d’étudier les voies chimiques et les précurseurs à partir desquels elle pourrait se former.
Par ailleurs, aucune trace de la molécule n’a été détectée au niveau d’IRAS 16293-2422B. En comparant cette région avec NGC 6334I, les chercheurs ont pu déduire les paramètres physiques liés spécifiquement à la présence du 2-méthoxyéthanol. « Les observations continues de grosses molécules et les dérivations ultérieures de leur abondance nous permettront de faire progresser nos connaissances sur l’efficacité avec laquelle elles peuvent se former et par quelles réactions spécifiques elles peuvent être produites », explique Fried. Les résultats de l’étude sont détaillés dans la revue Astrophysical Journal Letters.