Les aurores spectaculaires de ce mois de mai feraient partie des plus intenses des 500 dernières années, selon une étude de la NASA. Exceptionnellement, elles ont été visibles à des latitudes inhabituellement basses, telles qu’au sud des États-Unis et le nord de l’Inde. La tempête géomagnétique qui les a provoquées serait comparable à celles de 1957 et 2003 en matière d’intensité — d’une puissance historique, elles avaient provoqué des aurores jusqu’au sud de l’Europe et au Maroc.
Depuis le début de ce mois, le Soleil est extrêmement actif, avec plus de 83 éruptions modérées à très intenses enregistrées à ce jour. Entre le 7 et le 11 mai, 8 éruptions solaires extrêmes se sont produites, dont la plus puissante était de catégorie X 5.8. Elles provenaient toutes d’un gigantesque complexe de taches solaires très actif : AR3664. Le 14 mai, la même tache a produit une éruption de catégorie X8.7, la plus puissante du cycle solaire actuel (cycle solaire 25). Toutefois, ses impacts sur la Terre ont été mineurs comparés aux précédentes éruptions majeures en raison de l’emplacement de la tache.
Les éjections de masse coronales (CME) résultantes ont commencé à atteindre la Terre à partir du 10 mai. Elles se sont notamment regroupées en une gigantesque onde de particules chargées se déplaçant à une vitesse allant jusqu’à 5 millions de kilomètres par heure. « Les CME sont toutes arrivées en grande partie en même temps, et les conditions étaient idéales pour créer une tempête vraiment historique », explique dans un communiqué de la NASA Elizabeth MacDonald, responsable de la science citoyenne en héliophysique et scientifique spatiale au Goddard Space Flight Center.
La tempête géomagnétique qui en a résulté était principalement de catégorie G4, mais a grimpé à deux reprises jusqu’à la catégorie G5 (le niveau le plus élevé), ce qui la rend presque comparable à l’événement de Carrington de 1859 (la tempête solaire la plus puissante de l’histoire, qui a provoqué des aurores jusqu’à Cuba et Hawaï). Il s’agit d’ailleurs (pour la récente tempête) de la plus puissante depuis 2003.
Cela a provoqué un affaiblissement temporaire de la magnétosphère terrestre, engendrant des aurores visibles à des latitudes exceptionnellement basses (jusqu’à 26 degrés de latitude magnétique). Selon la NASA, elles rivaliseraient ainsi les aurores les plus intenses et les plus étendues des 500 dernières années. « Cette tempête récente pourrait rivaliser avec certaines des observations d’aurores aux latitudes les plus basses jamais enregistrées au cours des cinq derniers siècles, bien que les scientifiques évaluent encore ce classement », ont écrit les responsables de l’étude.
La tempête était en outre si intense que la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) a envoyé des notifications d’avertissement aux opérateurs de réseaux électriques et de satellites commerciaux, afin de les aider à atténuer les impacts potentiels. Il s’agit de la première fois depuis près de deux décennies que l’agence envoie un avertissement généralisé, suite auquel la NASA a mis au moins l’un de ses satellites (ICESat-2) en mode sans échec temporairement.
Des aurores visibles jusqu’aux régions équatoriales
En plus de ses propres observations, la NASA s’appuie également sur les rapports d’Aurorasaurus, un groupe de chercheurs amateurs ou indépendants financés par l’agence et suivant les aurores à travers le monde. Ces rapports sont parfois simplement publiés sur les réseaux sociaux ou directement sur le site web du groupe. Ils sont ensuite vérifiés par l’équipe de la NASA puis les images contenues sont regroupées sur une carte pour être potentiellement intégrées dans les modèles météorologiques spatiaux.
« Les caméras — même les caméras de téléphones portables standards — sont beaucoup plus sensibles aux couleurs des aurores qu’elles ne l’étaient dans le passé », explique MacDonald. « En collectant des photos du monde entier, nous avons une grande opportunité d’en apprendre davantage sur les aurores grâce à la science citoyenne », ajoute-t-elle. L’experte encourage d’ailleurs les observateurs d’aurores à continuer à publier leurs photos sur le site d’Aurorasaurus.
Les rapports ont indiqué que les aurores les plus intenses se sont produites dans la soirée du 10 mai. Dans l’hémisphère Nord, elles étaient visibles jusqu’en Floride et au Mexique, en passant par le nord de l’Inde ainsi qu’une grande partie de l’Europe (jusqu’au sud de la France). Dans l’hémisphère Sud, elles ont été observées jusqu’aux îles Galapagos (partiellement situées au niveau de l’équateur) et en Nouvelle-Calédonie, en passant par la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Selon Hisashi Hayakawa, de l’Université japonaise de Nagoya, la dernière fois que des aurores ont été observées dans ces régions date de l’événement de Carrington.
Toutefois, l’évaluation actuelle de l’intensité des aurores manque de détails, ont précisé les experts de la NASA. Néanmoins, l’augmentation des enregistrements permet d’effectuer des comparatifs s’étalant sur plusieurs siècles. « Nous étudierons cet événement pendant des années », a déclaré Teresa Nieves-Chinchilla, directrice par intérim du bureau d’analyse de la météo spatiale Moon to Mars (M2M) de la NASA. « Cela nous aidera à tester les limites de nos modèles et à comprendre les tempêtes solaires », affirme-t-elle.
La collecte de ces données permettra d’anticiper au mieux les impacts potentiels des tempêtes solaires sur les dispositifs satellitaires et autres infrastructures spatiales, ainsi que les missions spatiales avec équipage. La région de taches solaires AR3664 est d’ailleurs progressivement orientée vers Mars (en raison de la rotation du Soleil), ce qui permettra d’y évaluer les impacts attendus en vue des futures missions vers la planète.