La naine blanche de T Coronae Borealis (T CrB), un système d’étoiles binaire situé à 3000 années-lumière de la Terre, explosera en nova d’ici ce mois de septembre. Se produisant environ tous les 80 ans dans son cas, cette explosion augmentera considérablement la luminosité de l’étoile de sorte qu’elle sera visible à l’œil nu pendant quelques jours dans le ciel nocturne de tout l’hémisphère Nord. Cela offrira une occasion d’observation unique pour la prochaine génération d’astronomes.
Également surnommé « Blaze Star », T CrB est un système binaire comprenant une naine blanche orbitant autour d’une géante rouge. Les géantes rouges sont des étoiles froides et âgées se formant à la suite de l’épuisement de leurs réserves d’hydrogène. Les naines blanches, quant à elles, sont des restes d’étoiles qui se sont effondrées sur elles-mêmes en éjectant la totalité de leur couche externe.
La géante rouge du système T CrB devient de plus en plus instable à mesure qu’elle vieillit. Elle est progressivement dépouillée de sa couche externe par l’attraction gravitationnelle de sa compagne naine blanche, qui fait la même taille que la Terre et possède une masse comparable à celle du Soleil. Les deux étoiles sont notamment suffisamment proches l’une de l’autre pour interagir violemment entre elles. Cet échange de matière provoque une accumulation de pression et de chaleur à la surface de la naine blanche, ce qui finit par déclencher périodiquement une explosion thermonucléaire suffisamment puissante pour « souffler » la matière accumulée.
La naine blanche de T CrB explose en nova tous les 80 ans environ. À ne pas confondre avec une supernova, qui se traduit par l’explosion finale et titanesque d’étoiles massives et mourantes. Après une explosion de nova, l’étoile éjecte uniquement sa couche extérieure tandis que son cœur — une naine blanche — reste intact et peut réaccumuler de la matière dans le cas des novas récurrentes. Le cycle se répète généralement pendant des dizaines ou des centaines de milliers d’années.
Toutefois, « il existe quelques novas récurrentes avec des cycles très courts, mais en général, nous ne voyons pas souvent une explosion répétée au cours d’une vie humaine, et rarement une explosion aussi proche de notre propre système », indique dans un article de blog de la NASA Rebekah Hounsell, chercheuse adjointe spécialisée dans les novas au Goddard Space Flight Center.
« C’est un événement unique qui fascinera de nombreux jeunes et futurs astronomes, offrant un événement cosmique qu’ils pourront observer par eux-mêmes, poser leurs propres questions et collecter leurs propres données. Cela alimentera la prochaine génération de scientifiques », suggère-t-elle.
Un phénomène se produisant tous les 80 ans
La première observation de la nova de T CrB remonte à plus de 800 ans, lors de l’automne 1217. Les deux dernières se sont produites respectivement en 1866 et 1946. Son comportement au cours des 10 dernières années est similaire à celui observé avant chaque explosion imminente. Le système gagne progressivement en luminosité puis s’atténue un peu avant l’éruption. Depuis 2015, il est devenu de plus en plus brillant puis a commencé à s’atténuer légèrement depuis mars 2023. Si cette tendance se poursuit, les chercheurs estiment que l’explosion pourrait se produire d’ici septembre de cette année.
Lors de l’explosion du 10 février 1946, T CrB est devenu 600 fois plus brillant qu’il ne l’était une semaine auparavant. Les experts de la NASA estiment que lors de la prochaine éruption, il passera en quelques jours d’une magnitude de 10 (indiscernable dans le ciel à l’œil nu) à 2, soit la même luminosité que Polaris, la 48e étoile la plus brillante du ciel de l’hémisphère Nord. Le système pourra ainsi être observé à l’œil nu pendant plusieurs jours et avec de bonnes jumelles ou un télescope semi-professionnel pendant plus d’une semaine.
Pour observer l’événement, repérez la constellation de la Couronne Boréale (idéalement par une nuit claire), une courbe de sept étoiles en forme de fer à cheval à l’ouest de la constellation d’Hercule et à l’est de celle du Bouvier. L’astuce la plus simple pour identifier la bonne constellation est de localiser Arcturus et Vega — les deux étoiles les plus brillantes de l’hémisphère Nord — puis de tracer une ligne droite entre les deux. Cette ligne passe exactement par Hercule et la Couronne Boréale.
Il faut savoir que les observations amateurs ou semi-professionnelles contribuent de manière importante aux recherches de la NASA. « En utilisant les réseaux sociaux et le courrier électronique, ils enverront des alertes instantanées et le drapeau sera levé. Nous comptons à nouveau sur cette interaction de la communauté mondiale pour T CrB », a déclaré Elizabeth Hays, cheffe du laboratoire de physique des astroparticules de la NASA.
Les novas récurrentes : des phénomènes imprévisibles
De leur côté, les astronomes s’appuieront sur une gamme d’instruments ultrasensibles, tels que le Fermi Gamma-ray Space Telescope, le télescope spatial James Webb et le Nuclear Spectroscopique Telescope Array. De nombreux radiotélescopes et imageurs optiques au sol, tels que le Very Large Array au Nouveau-Mexique, seront également mis à contribution. Ensemble, ces dispositifs captureront les données du spectre lumineux de T CrB, avant, pendant et après l’explosion.
Il s’agit d’une opportunité rare pour les astronomes du monde entier, car « en général, les événements de nova sont si faibles et si lointains qu’il est difficile d’identifier clairement où se concentre l’énergie en éruption », explique Hays. La prochaine observation pourrait considérablement améliorer notre compréhension des processus physiques impliqués dans le phénomène.
Toutefois, il est important de noter qu’il y a une chance que l’explosion ne se produise finalement pas, car les novas récurrentes sont particulièrement imprévisibles. « Quand vous pensez qu’il ne peut y avoir de raison pour laquelle ils suivent un certain modèle établi, ils le font – et dès que vous commencez à compter sur eux pour répéter le même modèle, ils s’en écartent complètement. Nous verrons comment se comporte T CrB », conclut Koji Mukai, astrophysicien au NASA Goddard.