Alors que la théorie de la relativité d’Einstein prédit que certains trous noirs peuvent se former uniquement à partir de lumière, des physiciens suggèrent qu’un phénomène quantique appelé « effet Schwinger » empêche cela de se produire. La quantité de lumière nécessaire à la formation de ces objets, dits « kugelblitzs », produirait des paires d’électrons et de positons qui finiraient par dissiper l’énergie de leur source, empêchant ainsi la lumière de s’effondrer sur elle-même pour former un trou noir.
Les kugelblitz sont des trous noirs hypothétiques formés à partie d’énergie lumineuse et non de matière. Selon la relativité générale, si une quantité suffisante de rayonnement électromagnétique occupe une région, l’énergie générée peut déformer l’espace-temps et former un trou noir. Dans cette vision, seule l’énergie est ainsi impliquée dans la courbure de l’espace-temps et non la masse.
Ces trous noirs issus de la lumière sont étudiés théoriquement depuis plusieurs décennies. Ils ont par exemple été explorés dans la théorie de la censure cosmique, de l’évaporation des « trous blancs », de la matière noire et même comme moyens de propulsion pour les voyages interstellaires. La censure cosmique est une hypothèse avançant qu’il n’existe pas de processus physique donnant naissance à une « singularité nue », c’est-à-dire une région de l’espace où le champ gravitationnel prend des valeurs infinies. Les trous blancs sont, quant à eux, des objets hypothétiques se formant à la fin de la vie d’un trou noir, lorsque celui-ci « s’évapore ».
Cependant, aucune des précédentes études ne prend en compte les effets de la mécanique quantique. Selon les chercheurs de l’Université Complutense de Madrid, de l’Université de Waterloo et du Perimeter Institute for Theoretical Physics (au Canada), ces effets pourraient jouer un rôle déterminant pour savoir si les kugelblitz peuvent réellement se former ou non. Ils ont exploré la question dans le cadre d’une nouvelle étude en prépublication sur la plateforme arXiv.
Un effet s’appliquant surtout aux trous noirs de petite taille
Selon l’équipe de la nouvelle étude, la formation des kugelblitzs serait tout bonnement impossible dans les conditions actuelles de l’Univers, que ce soit naturellement ou dans un laboratoire (même avec les plus puissants lasers qu’on pourrait concevoir). En effet, la formation hypothétique d’un kugelblitz impliquerait des rayonnements électromagnétiques si puissants qu’un effet Schwinger est enclenché. Cela se produit lorsqu’un champ électromagnétique est condensé dans une petite région de l’espace et provoque spontanément l’apparition de paires d’électrons et de positons (la particule d’antimatière correspondant à l’électron).
Cependant, la formation de ces paires de particules et d’antiparticules accapare l’énergie de leur lumière source tout en s’en éloignant. Cela empêche la lumière de se condenser suffisamment pour pouvoir former un trou noir. Plus précisément, la production de paires électron-positon dans un champ électromagnétique intense est progressivement dominée par l’effet Schwinger. « Ce phénomène entrave la formation du kugelblitz, car les particules créées peuvent se disperser hors de la région où le rayonnement s’effondre, transportant leur énergie avec eux », expliquent les chercheurs dans leur document. Selon eux, cet effet entraverait même la formation du kugelblitz bien avant que la structure enclenche le processus d’effondrement gravitationnel inhérent à la formation des trous noirs.
Les chercheurs suggèrent que cette règle s’applique surtout aux trous noirs de petite taille, présentant des rayons compris entre 100 000 kilomètres et 10-29 mètres (plusieurs milliards de fois plus petits qu’un proton). Étant donné l’étendue de l’échelle, ils estiment que le scénario d’effet Schwinger est suffisamment réaliste.
La seule exception possible serait l’Univers primitif, lorsque le comportement de l’espace-temps dans son ensemble était radicalement différent de celui d’aujourd’hui. Les experts estiment que cette différence pourrait permettre la formation de kugelblitzs. En outre, la possibilité de la formation de trous noirs à partir de matière et dont la croissance est induite par la lumière, ne serait pas non plus à exclure.
Toutefois, cette lumière disparaîtrait complètement en franchissant l’horizon des événements. Cela signifie également que si des kugelblitzs se sont réellement formés au début de l’Univers, il n’y aurait aucun moyen de les distinguer des trous noirs ordinaires. Bien que des confirmations expérimentales et observationnelles soient nécessaires, ce type d’analyse est important pour identifier les alternatives réalistes aux phénomènes exotiques prédits par la relativité.