Les trous noirs sont considérés comme les objets astrophysiques les plus captivants. Plusieurs hypothèses ont été avancées concernant leur formation, notamment en ce qui concerne les trous noirs supermassifs (SMBH). Récemment, en adoptant une nouvelle approche, des chercheurs canadiens ont identifié un lien entre les trous noirs supermassifs et les particules de matière noire. Dans une nouvelle étude, ils suggèrent que la fusion de SMBH donnant lieu à un seul trou noir plus massif est influencée par le comportement des particules de matière noire. Cette découverte, selon eux, pourrait contribuer à résoudre le « problème du parsec final ».
Dans une étreinte gravitationnelle, les trous noirs supermassifs gravitent lentement les uns vers les autres. Selon les astronomes, leur rapprochement progressif devrait causer une émission d’ondulation dans la structure de l’espace-temps détectable depuis la Terre. C’est d’ailleurs ce que la communauté scientifique a avancé en 2023, lorsqu’un « bourdonnement » persistant d’ondes gravitationnelles raisonnant à travers l’Univers a été détecté. D’après les chercheurs, ce signal, aussi appelé «murmure de l’Univers », pourrait être dû à la fusion de millions de trous noirs supermassifs, sur des milliards d’années.
Cependant, des simulations ont montré que lorsque des paires de SMBH se rapprochent dans un mouvement de spirale, leur approche s’arrête lorsqu’ils sont séparés d’environ un parsec (environ trois années-lumière), comme s’ils se répulsaient, empêchant ainsi la fusion. C’est ce résultat qui a donné son nom au « problème du parsec final ».
Récemment, une équipe de recherche de l’Université de Toronto et de l’Université McGill, dirigée par Gonzalo Alonso-Álvarez, semble avoir trouvé la solution dans le cadre d’une nouvelle étude publiée dans la revue Physical Review Letters. D’après eux, la clé réside dans l’inclusion de la matière noire, qui a longtemps été sous-estimée dans le cadre de ce processus. « Nous montrons que l’inclusion de l’effet de la matière noire, jusqu’alors négligé, peut aider les trous noirs supermassifs à surmonter ce parsec final de séparation et à fusionner. Nos calculs montrent comment cela peut se produire, contrairement à ce que l’on pensait jusqu’ici », explique Alonso-Álvarez dans un communiqué de l’Université de Toronto.
Et si la matière noire n’était pas une substance passive et sans interaction ?
L’une des substances les plus mystérieuses de l’Univers est sans doute la matière noire (elle constituerait environ 85 % de la matière dans le cosmos). Bien qu’elle ne soit pas visible, elle témoigne de sa présence par le biais de ses effets gravitationnels sur la matière visible. Longtemps, les scientifiques ont pensé que cette matière était à la fois passive et sans interaction. Toutefois, ce n’est peut-être pas le cas. Alonso-Álvarez et son équipe suggèrent que si les particules de matière noire disposaient d’une propriété d’auto-interaction, cela génèrerait une impulsion supplémentaire pour « rassembler » les SMBH. Cette « matière noire auto-interactive » agirait par la suite comme une sorte de « colle » cosmique, permettant aux trous noirs de fusionner.
Mais la véritable question est de savoir, dans ce cas, comment cela est possible. Lorsque deux galaxies entrent en collision, leurs trous noirs centraux orbitent l’un autour de l’autre vers l’intérieur, en raison des interactions gravitationnelles avec les étoiles à proximité. Ils traversent ensuite un « pic » de concentration (très dense) de matière noire. Si cette matière noire n’interagit pas, ce pic est perturbé par le mouvement des trous noirs. En revanche, les particules de matière noire peuvent maintenir et stabiliser la structure du pic, à condition de « rebondir » les unes sur les autres.
« La possibilité que les particules de matière noire interagissent les unes avec les autres est une hypothèse que nous avons formulée, un ingrédient supplémentaire que tous les modèles de matière noire ne contiennent pas », a déclaré Alonso-Alvarez. Il avance que leur argument réside sur le fait que « seuls les modèles contenant cet ingrédient peuvent résoudre le problème final du Parsec ».
Cette solution résout ainsi potentiellement le mystère cosmique détecté par le Pulsar Timing Array en 2023, ainsi que le problème du parsec final. D’après les chercheurs, même si la forme de ce signal d’ondes gravitationnelles ne correspond pas parfaitement à ce que l’on attend de modèles standard, leur modèle de matière noire en auto-interaction peut produire un spectre d’ondes gravitationnelles plus adapté à ces observations.
James Cline, co-auteur de l’étude, de l’Université McGill et du CERN, explique : « Une prédiction de notre proposition est que le spectre des ondes gravitationnelles observées par les réseaux de synchronisation de pulsars devrait être adouci aux basses fréquences. Les données actuelles suggèrent déjà ce comportement, et de nouvelles données pourraient le confirmer dans les prochaines années ».
L’étude d’Alonso-Alvarez et de ses collègues met en exergue le potentiel des ondes gravitationnelles dans le sondage de la nature de la matière noire. En revanche, des travaux supplémentaires devront être réalisés pour confirmer cette possibilité. « Notre travail est une nouvelle façon de nous aider à comprendre la nature particulaire de la matière noire », a déclaré Alonso-Álvarez. « Nous avons découvert que l’évolution des orbites des trous noirs est très sensible à la microphysique de la matière noire, ce qui signifie que nous pouvons utiliser les observations de fusions de trous noirs supermassifs pour mieux comprendre ces particules », conclut-il.