Première : des chercheurs détectent le « murmure de l’Univers », tel une musique de fond faite d’ondes gravitationnelles nanohertz

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| John A Paice/PA
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Des chercheurs ont détecté pour la première fois le fond d’ondes gravitationnelles stochastiques, décrit comme une « note de basse cosmique ». Cette avancée, réalisée par l’observation de pulsars millisecondes dans le cadre de collaborations internationales, ouvre une nouvelle perspective sur l’Univers. Elle pourrait aider à mieux comprendre les trous noirs supermassifs, les fusions de galaxies et d’autres phénomènes cosmiques hautement énergétiques tout en offrant de nouvelles informations clés sur les pulsars millisecondes.

Ces ondes, prédites par la théorie de la relativité générale d’Einstein, sont générées par des événements cosmiques d’une énergie inimaginable, tels que la fusion de trous noirs ou de pulsars. Cependant, malgré leur immense énergie, ces ondes sont extrêmement difficiles à détecter, car elles interagissent très faiblement avec la matière et se propagent à des fréquences extrêmement basses.

Dans ce contexte, des chercheurs ont repéré ce que l’on pourrait appeler le « murmure » de l’Univers, décrit comme une « note de basse cosmique ». En utilisant des pulsars millisecondes comme des horloges cosmiques précises, ils ont réussi à détecter pour la première fois le fond d’ondes gravitationnelles stochastiques (GWB) à l’échelle nanohertz. Cette avancée, réalisée dans le cadre d’une collaborations internationales impliquant le North American Nanohertz Observatory for Gravitational Waves (NANOGrav) et l’Array de chronométrage de pulsar chinois (CPTA), constitue une avancée majeure dans le domaine de l’astrophysique. Deux articles sont actuellement disponibles dans les revues Research in Astronomy and Astrophysics et The Astrophysical Journal Letters. D’autres vont suivre.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Les pulsars millisecondes, des outils précieux

Les pulsars millisecondes sont des étoiles à neutrons qui tournent sur elles-mêmes à une vitesse extrêmement élevée. En effet, leur période de rotation est de l’ordre de la milliseconde, soit jusqu’à plusieurs centaines de rotations par seconde. Ces objets célestes sont le résultat de l’évolution stellaire de certaines étoiles massives qui, après avoir épuisé leur combustible nucléaire, subissent une supernova et laissent derrière elles un cœur extrêmement dense : l’étoile à neutrons.

La caractéristique la plus remarquable des pulsars millisecondes est leur stabilité rotationnelle. Comme des horloges cosmiques, ils émettent des impulsions de radiation à des intervalles extrêmement réguliers. Cette régularité fait des pulsars millisecondes des outils précieux pour les astronomes, car elle permet de mesurer avec précision les temps d’arrivée des signaux émis par ces pulsars.

C’est cette précision qui permet la détection des ondes gravitationnelles. Prédites par la théorie de la relativité générale d’Einstein, ce sont des ondulations de l’espace-temps produites par des événements cosmiques violents, comme la fusion de trous noirs ou de pulsars. Ces ondes se propagent à travers l’univers et, lorsqu’elles passent à travers un pulsar, elles peuvent légèrement modifier le temps d’arrivée des signaux du pulsar.

synchronisation pulsar
Illustration d’un réseau de synchronisation de pulsars. © OzGrav

En observant un grand nombre de pulsars millisecondes répartis dans tout le ciel — ce qu’on appelle un « réseau de chronométrage de pulsar » — les astronomes peuvent chercher des corrélations dans les variations des temps d’arrivée des signaux. Si les signaux de plusieurs pulsars sont décalés de la même manière, cela peut indiquer le passage d’une onde gravitationnelle.

Une collaboration scientifique de grande ampleur

La détection des ondes gravitationnelles est un effort international qui implique des collaborations de chercheurs du monde entier. Le North American Nanohertz Observatory for Gravitational Waves (NANOGrav) Physics Frontiers Center (PFC) est l’un des principaux acteurs de ce domaine. Il s’agit d’une collaboration de plus de 190 scientifiques des États-Unis et du Canada. Le réseau de chronométrage de pulsar chinois (CPTA) est également un acteur clé, utilisant des observations effectuées par des radiotélescopes chinois.

Le Dr Maura McLaughlin de l’Université de Virginie-Occidentale et codirectrice du NANOGrav PFC, explique dans un communiqué : « Les pulsars sont en fait des sources radio très faibles, nous avons donc besoin de milliers d’heures d’observation par an avec les plus grands télescopes du monde pour mener à bien cette expérience ».

En surveillant attentivement les temps d’arrivée des impulsions de plusieurs pulsars répartis dans la Voie lactée, les chercheurs peuvent identifier les modèles de variation qui indiquent la présence d’ondes gravitationnelles. En d’autres termes, un motif distinctif de déviations de synchronisation corrélées, en accord avec les prédictions de la relativité générale. La source de ces ondes gravitationnelles serait alors un fond diffus dans tout le ciel, une population de trous noirs binaires supermassifs en spirale (mais pas encore en coalescence).

simulation binaire trou noir
Simulation numérique d’une fusion binaire de trous noirs et des ondes gravitationnelles générées. © N. Fischer, H. Pfeiffer, A. Buonanno (Max Planck Institute for Gravitational Physics), Simulating eXtreme Spacetimes (SXS) Collaboration

En effet, selon la théorie de la relativité générale d’Einstein, un fond d’ondes gravitationnelles provenant de toutes les directions de l’univers devrait affecter les temps d’arrivée des signaux de pulsars de manière spécifique et prévisible. Le modèle de Hellings & Downs décrit cette relation attendue : plus les pulsars sont proches, plus leurs signaux sont affectés de la même manière par les ondes gravitationnelles, et donc plus leurs temps d’arrivée varient de manière similaire.

La « note de basse cosmique » : une symphonie de l’Univers

Les ondes gravitationnelles détectées ont été décrites comme une « note de basse cosmique ». Cette analogie musicale est due au fait que les ondes gravitationnelles possèdent des fréquences extrêmement basses, dans la gamme nanohertz. Pour mettre cela en perspective, la fréquence de la lumière visible, que nous percevons tous les jours, est de l’ordre des péta (1015) hertz, soit des milliards de fois plus élevée.

La détection de cette « note de basse cosmique » pourrait avoir des implications profondes pour notre compréhension de l’univers à grande échelle. Les ondes gravitationnelles complètent notre capacité à le « voir » à travers la lumière. Cette nouvelle perspective nous donne un aperçu des événements cosmiques les plus énergétiques et pourrait révéler des aspects de l’univers qui étaient auparavant inaccessibles.

Les analyses de futurs ensembles de données, tels que l’ensemble de données IPTA (International Pulsar Timing Array) à venir qui combinera des mesures de nombreux télescopes à travers le monde, permettront de mieux contraindre le modèle de corrélation et d’en apprendre davantage sur les sources astrophysiques et/ou cosmologiques produisant ce signal.

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