Les essais cliniques de phase 1 pour le premier vaccin ARNm contre le cancer du poumon ont débuté dans sept pays occidentaux. Ciblant spécifiquement le cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) — la forme la plus courante de la maladie —, l’efficacité et l’innocuité du vaccin seront évaluées en monothérapie ou en combinaison avec les thérapies conventionnelles. Si les résultats sont concluants, les phases 2 et 3 des essais permettront ensuite de conclure si oui ou non, le paysage des traitements contre le cancer bénéficiera d’un changement très novateur et prometteur.
Le cancer du poumon est la forme de cancer la plus fréquente dans le monde. D’après l’OMS, on recense chaque année près de 2,5 millions de nouveaux cas (soit 12,4 % des nouveaux cas de cancer) et 1,8 million de décès (18,7 % des décès par cancer) pour cette forme de cancer. Cette forte prévalence est en partie due à la persistance du tabagisme au niveau des grandes agglomérations démographiques, notamment en Asie.
Le taux de survie net à 5 ans (c’est-à-dire l’espérance de vie 5 ans après le diagnostic) est en moyenne de 22 % pour toutes formes confondues de cancer du poumon. Bien que le risque de récidive soit élevé (environ 50 %), la chirurgie suivie d’une chimiothérapie fait passer ce taux de survie à 60-70 %. L’immunothérapie améliore quant à elle le taux de survie de 20 à 30 % pour les tumeurs de stade 4, tout en réduisant le taux de récidive.
Le nouveau vaccin, proposé par BioNTech, le laboratoire pharmaceutique allemand à l’origine de l’un des vaccins ARNm contre le SARS-CoV-2 (COVID-19), pourrait considérablement changer la donne. « Nous entrons maintenant dans cette nouvelle ère très passionnante des essais cliniques d’immunothérapie à base d’ARNm pour étudier le traitement du cancer du poumon », explique dans un communiqué Siow Ming Lee, oncologue consultant de l’University College London Hospitals, qui dirige les essais au Royaume-Uni. « Nous espérons que cela nous permettra d’améliorer encore les résultats pour nos patients atteints de CPNPC, que ce soit à un stade précoce ou avancé », ajoute l’expert.
Une stratégie réduisant le risque de toxicité pour les tissus sains
Baptisé BNT116, le nouveau vaccin cible spécifiquement le CPNPC avec six ARNm distincts codant chacun pour un antigène fréquemment exprimé par la tumeur. En d’autres termes, les brins d’ARNm sont utilisés pour présenter les marqueurs tumoraux au système immunitaire de sorte que celui-ci reconnaisse les cellules cancéreuses exprimant ces marqueurs et les élimine. Cette stratégie permet une réponse plus ciblée, réduisant ainsi le risque de toxicité pour les cellules saines, contrairement à la chimiothérapie.
« La force de notre approche réside dans le fait que le traitement vise à cibler les cellules cancéreuses. Nous espérons ainsi pouvoir montrer à terme que le traitement est efficace contre le cancer du poumon tout en laissant les autres tissus intacts », explique Sarah Benafif, oncologue consultante à l’UCLH qui codirige les nouveaux essais avec Ming Lee.
Lors d’essais cliniques préliminaires effectués l’année dernière, près de la moitié de patients ont bénéficié d’une stabilisation de la maladie. Le traitement était généralement bien toléré, qu’il soit administré seul ou en combinaison avec la chimiothérapie standard. Seuls quelques patients ont présenté de graves effets secondaires, allant du pneumothorax à la lésion rénale aiguë. Toutefois, ces effets ne seraient pas directement liés au vaccin.
L’objectif des nouveaux essais est de confirmer si le vaccin est sûr et bien toléré par les patients. Pour ce faire, 130 volontaires répartis dans 34 sites de recherches et 7 pays (le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Allemagne, la Hongrie, la Pologne, l’Espagne et la Turquie) ont été recrutés. Les essais incluent des patients présentant différents stades du CNPC, y compris précoce avant la chirurgie ou la radiothérapie (stades 2 et 3) et avancé (stade 4) ou récurrent.
Le vaccin est administré soit seul, soit en combinaison avec une chimio- ou une immunothérapie conventionnelle, afin d’évaluer si le traitement pourrait avoir un effet anti-tumoral en synergie avec d’autres traitements. La première étape consiste à administrer 6 injections consécutives à 5 minutes d’intervalle sur une période de 30 minutes. Chaque injection contient un ARNm codant différent. Les patients recevront ensuite le vaccin de façon hebdomadaire pendant 6 semaines consécutives, puis toutes les 3 semaines pendant 54 semaines.
« J’ai réfléchi et j’ai décidé de participer à cette étude parce que j’espère que cela permettra de lutter contre les cellules cancéreuses. Mais j’ai aussi pensé que ma participation à cette étude pourrait aider d’autres personnes à l’avenir et contribuer à ce que cette thérapie soit plus largement disponible », a déclaré Janusz Racz, 67 ans, le premier participant à l’essai, résidant à Londres.
La cohorte sera élargie pour les essais de phase 2 et 3. Par ailleurs, BioNTech teste actuellement un autre vaccin ciblant les mutations spécifiques à plusieurs formes de cancer. Le laboratoire prévoit de recruter des milliers de patients supplémentaires dans ce sens au cours des prochaines années.