La surface en ébullition d’une étoile lointaine capturée en vidéo pour la première fois

Une opportunité d’étudier des phénomènes jusqu’à présent observables uniquement sur le Soleil.

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Aperçu à grand champ de la région autour de R Doradus, l'étoile orange au centre. | ESO/Digitized Sky Survey 2/Davide De Martin
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Des astronomes ont capturé pour la première fois une vidéo d’une étoile autre que le Soleil avec suffisamment de détails pour apercevoir le mouvement du gaz bouillonnant à sa surface. L’observation détaillée de R Doradus, une géante rouge environ 350 fois plus volumineuse que notre étoile, révèle un aperçu de ce à quoi cette dernière pourrait ressembler dans environ 5 milliards d’années. La technique offrira en outre l’opportunité d’étudier des phénomènes qui, jusqu’à présent, n’étaient observables que sur le Soleil.

Les étoiles produisent de l’énergie à l’intérieur de leur noyau par le biais de la fusion nucléaire. Cette énergie est transportée vers la surface par des courants ascendants formant des cellules de convection, d’immenses bulles de gaz chaud comparables à celles se formant à la surface de l’eau bouillante. Ce processus transporte les éléments lourds formés dans le noyau vers les couches supérieures de l’étoile. Une fois à la surface, les bulles refroidissent (en passant de 2 millions à 5 500 degrés Celsius), laissant la matière qu’elles transportent s’écouler à nouveau vers la base de la zone de convection.

Ces cellules de convection sont responsables de la granulation à la surface des étoiles et peuvent mesurer entre quelques milliers et plusieurs millions de kilomètres de diamètre, pour une raison encore incomprise. Le diamètre des cellules de convection de la géante rouge π1 Gruis avoisine par exemple les 120 millions de kilomètres (soit près de 30 % de celui de l’étoile elle-même), tandis que celles du Soleil font en moyenne 2 000 kilomètres de diamètre. Les astronomes estiment que ces cellules sont à l’origine des vents stellaires transportant dans l’espace la matière nécessaire à la formation des nouvelles étoiles.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Cependant, ces mouvements n’ont jusqu’à présent jamais été observés en détail au niveau d’autres étoiles que le Soleil. « La convection crée la magnifique structure granulaire visible à la surface de notre soleil, mais elle est difficile à observer sur d’autres étoiles », explique dans un communiqué de l’Observatoire européen austral (ESO) Theo Khouri, de l’Université de technologie Chalmers (en Suède), coauteur de la nouvelle étude. Khouri et ses collègues ont capturé pour la première fois ces détails en haute résolution sur une étoile lointaine.

Une vitesse de rotation deux fois plus élevée que prévu

Les chercheurs de la nouvelle étude se sont concentrés sur R Doradus, une géante rouge située à environ 180 années-lumière de la Terre dans la constellation de la Dorade (visible dans l’hémisphère Sud) et 350 fois plus volumineuse que le Soleil. Cette dimension et cette proximité en font une cible idéale pour les observations détaillées. D’autre part, bien qu’elle soit beaucoup plus volumineuse, sa masse est plus ou moins équivalente à celle du Soleil, suggérant qu’elle reflète ce à quoi il ressemblera d’ici environ 5 milliards d’années, lorsqu’il se transformera à son tour en géante rouge.

constellation dorade
Carte du ciel montrant l’emplacement de R Doradus (entouré en rouge) dans la constellation de la Dorade dans l’hémisphère Sud. © ESO/IAU/Sky & Telescope

Les chercheurs ont effectué leurs observations en utilisant le puissant réseau de radiotélescopes Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA), au Chili. La vidéo résultante est une reconstitution d’images accélérées de R Doradus, capturées entre juillet et août de l’année dernière. « C’est la première fois que la surface bouillonnante d’une véritable étoile peut être montrée de cette manière », indique Wouter Vlemmings, auteur principal de l’étude — publiée dans la revue Nature. Les bulles de plasma de l’étoile s’écrasent si violemment à la surface que cette dernière semble légèrement déformée.

En analysant les images, les chercheurs ont constaté que les cellules de convection de R Doradus faisaient 75 fois la taille du Soleil. « Avec ALMA, nous sommes désormais en mesure non seulement d’observer directement les granules convectifs – dont la taille est 75 fois celle de notre Soleil ! –, mais aussi de mesurer pour la première fois la vitesse à laquelle ils se déplacent », indique Khouri.

R Doradus
Tableau montrant trois des images réelles de R Doradus, prises avec ALMA les 18 juillet, 27 juillet et 2 août 2023. © ALMA (ESO/NAOJ/NRAO)/W. Vlemmings et al.

Les granules à la surface de R Doradus semblent notamment se déplacer selon un cycle d’un mois, ce qui est plus rapide que ce qui est normalement prédit en se basant sur la dynamique de celles de la surface du Soleil. Selon les experts, bien que les raisons de cette différence ne soient pas claires, ces données suggèrent que la dynamique et la structure des cellules de convection changent à mesure que les étoiles vieillissent.

D’autre part, de précédentes observations avec ALMA ont montré que R Doradus tourne deux fois plus vite sur elle-même que ce qui est normalement prévu pour une géante rouge. Sur la base de leurs observations, les experts ont confirmé qu’il ne s’agit pas d’une illusion d’optique créée par les gigantesques cellules de convection de l’étoile (une hypothèse précédemment avancée pour Bételgeuse). Vlemmings et son équipe ont notamment constaté que la vitesse de rotation de R Doradus est « inférieure » au cycle mensuel de ces cellules de convection, ce qui exclurait la possibilité d’une illusion produite par ces dernières.

Vidéo montrant la surface en ébullition de R Doradus : 

Source : Nature

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