Le nerf vague, le nerf le plus long et le plus ramifié de notre organisme, joue un rôle essentiel dans la coordination de la connexion corps-cerveau. Son influence va du contrôle du fonctionnement des organes à la régulation de l’humeur et bien plus encore. Cependant, la manière dont il orchestre toutes ces fonctions complexes à la fois demeure aujourd’hui l’une des plus grandes énigmes des neurosciences. Décrypter son fonctionnement pourrait déboucher sur des pistes de traitements prometteurs pour de nombreuses affections.
La plupart des nerfs dans l’organisme sont nommés selon les fonctions spécifiques dont ils sont responsables. Les nerfs optiques sont par exemple responsables de la transmission des signaux visuels au cerveau, tandis que les nerfs auditifs transmettent les signaux sonores. Cependant, le nerf vague est associé à tellement de fonctions que les anatomistes l’ont tout simplement nommé « nerf errant » ou « nerf vagabond » (dérivé du mot latin « vagus »).
En effet, il serpente directement depuis le tronc cérébral jusque dans l’ensemble du tronc, connectant ainsi les organes au cerveau. D’autre part, il régule automatiquement une très large gamme de fonctions a priori sans rapport les unes avec les autres, telles que l’humeur, l’apprentissage, la prise de décision, etc. En outre, étant donné que les informations circulent à la fois vers et depuis le cerveau, le nerf vague est considéré comme « l’autoroute » reliant le corps et le cerveau. Sa stimulation pourrait ainsi potentiellement avoir des effets physiologiques et cognitifs bénéfiques très étendus.
L’un des nerfs se ramifiant directement à partir du cerveau
Afin de comprendre le fonctionnement du nerf vague, il est essentiel de connaître sa structure. Alors que la plupart des nerfs de notre organisme se ramifient à partir de la moelle épinière, le nerf vague, lui, constitue l’un des 13 principaux nerfs se ramifiant directement à partir du cerveau. Il part de ce dernier par le biais de fentes crâniennes pour se ramifier vers l’ensemble du crâne (en direction des oreilles) et du tronc.
À l’instar du cerveau, le nerf vague comporte deux branches principales (gauche et droite) connectées respectivement à leurs hémisphères cérébraux correspondants. Cependant, nos organes ne sont pas répartis de manière symétrique dans notre corps, le cœur étant par exemple situé davantage du côté gauche, tandis que le foie est du côté droit. En conséquence, le nerf vague droit est plus long que le gauche, les deux assurant des rôles distincts en fonction des organes auxquels ils sont connectés. D’autre part, bien que le nerf se divise à certains endroits, il peut également se recombiner sur de courts intervalles pour se séparer à nouveau.
Régulation des fonctions autonomes et de nombreux états mentaux
Étant donné ses ramifications, le nerf vague constitue une voie majeure du système nerveux parasympathique. Ce dernier constitue, avec le système nerveux sympathique, le système nerveux autonome. Les nerfs sympathiques et parasympathiques fonctionnent en harmonie pour réguler l’homéostasie. L’implication du nerf vague dans la régulation du système nerveux autonome signifie qu’il est responsable des fonctions involontaires, telles les battements du cœur, le péristaltisme intestinal, les mouvements du diaphragme, ceux des poumons, etc. Il régule également les réponses innées telles que la mobilisation du système immunitaire en cas d’infection.
Toutefois, son rôle va au-delà du maintien des fonctions vitales. Il agit notamment sur le système nerveux autonome pour détecter un danger et enclencher des réponses en fonction de la menace. Il déclenche par exemple la sensation de peur en accélérant le rythme cardiaque et en provoquant la « chair de poule » ou une sueur froide. Ces réponses physiologiques permettent ensuite d’activer le processus de prise de décision de sorte à préparer le corps à une action rapide si nécessaire (soit la fuite, soit l’affrontement, dans le cas d’une menace physique).
De nombreux états mentaux, tels que l’excitation sexuelle, dépendent également de la connexion corps-cerveau soutenue par le nerf vague. Une caresse sensuelle est par exemple transmise au cerveau, qui, en réponse, peut enclencher une bouffée de chaleur ou une dilatation des pupilles (toujours par le biais du nerf vague). Ces fonctions et réponses complexes nécessitent une coordination qu’un nerf spécifique simple ne pourrait pas assurer.
D’un autre côté, la fonction bidirectionnelle du nerf vague permet aussi de réguler les états de stress. Après un épisode de peur par exemple, l’état d’anxiété extrême et soudaine est interrompu pour ramener le rythme cardiaque et la respiration à la normale. Cependant, si la menace est si importante qu’on a le sentiment qu’il n’y a pas d’issue possible, un autre circuit du système vagal peut provoquer un « blocage » partiel du système nerveux. Cela peut provoquer à son tour un état de confusion (choc) et d’engourdissement au cours duquel le contact social devient répulsif. Les réactions de ce type sont involontaires et les personnes concernées n’ont généralement pas conscience, sur le moment, de ce qui les a déclenchés.
Un grand potentiel thérapeutique
Le potentiel de régulation de l’état de stress par le nerf vague est largement exploré pour le traitement de nombreux troubles, tels que l’anxiété, l’épilepsie et la dépression. Des études ont par exemple montré que la stimulation du nerf vague (neuromodulation) avec des impulsions électriques peut soulager les symptômes chez les personnes souffrant de dépression résistante aux traitements standards. Contrairement à la stimulation cérébrale profonde, cette technique est peu invasive, l’électrode étant soit implantée au niveau de la poitrine, soit fixée sur le lobe de l’oreille.
La stimulation du nerf vague est en outre explorée pour le traitement des troubles inflammatoires ainsi que pour les troubles de la mobilité post-AVC. Les recherches actuelles portent par ailleurs sur l’amélioration des fonctions cognitives et de la mémoire, ainsi que d’autres troubles neuropsychologiques tels que la toxicomanie. Toutefois, son potentiel thérapeutique a également conduit à une vague de pseudosciences, de nombreux sites internet soi-disant médicaux proposant par exemple des thérapies « polyvagales ». Il n’existe pas ou peu de preuves scientifiques indiquant que ce type de thérapie soit réellement efficace.