Record pour la fusion nucléaire : 160 mètres cubes de plasma générés par le plus grand tokamak au monde

Un record inscrit au Guinness World Records.

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Jusqu'à ce qu'ITER soit mis en service, le réacteur à fusion japonais JT-60SA restera sans doute le plus grand au monde. | QST
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JT-60SA, le plus grand réacteur à fusion nucléaire au monde, a généré un volume record de plasma de 160 mètres cubes, un exploit enregistré au Guinness World Records. Ces résultats pourraient contribuer à optimiser le contrôle de plus grands volumes de plasma pour les réacteurs ITER et DEMO. Cette prouesse technique constitue ainsi un pas en avant vers l’exploitabilité commerciale de l’énergie de fusion nucléaire.

JT-60SA (JAERI — Japan Atomic Energy Research Institute — Tokamak 60 Super Advanced) est un projet mis en œuvre conjointement par le Japon et l’Europe dans le but de soutenir les objectifs techniques du projet ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) et DEMO. Mesurant 15,5 mètres de haut (soit environ la moitié d’ITER) et implanté à Naka, dans la préfecture d’Ibaraki, au Japon, il s’agit du plus grand tokamak expérimental à plasma supraconducteur au monde à l’heure actuelle (jusqu’à ce qu’ITER soit mis en service).

JT-60SA est une version moderne du réacteur japonais JT-60, un outil de recherche de premier plan sur la fusion nucléaire depuis les années 1980. Après avoir généré son premier plasma (du gaz ionisé à des températures extrêmement élevées) en octobre de l’année dernière, d’importantes avancées ont été réalisées dans l’optimisation du contrôle de plasmas de plus grand volume.

60 m³ de plus que le précédent record

Pour générer et confiner du plasma pouvant atteindre 100 millions de degrés Celsius, JT-60SA utilise de puissantes bobines supraconductrices refroidies à -269 °C. Les caractéristiques de ces dernières leur permettent de véhiculer de puissants champs électriques sans résistance, produisant ainsi des champs magnétiques intenses permettant de confiner efficacement le plasma.

Plus précisément, le plasma à haute température est confiné au sein d’un champ magnétique toroïdal produit par des bobines externes (le champ magnétique principal) et un champ magnétique poloïdal radial créé par le courant électrique circonférentiel transporté par le plasma lui-même. Le champ poloïdal suit un petit anneau circulaire autour de la surface de la bobine, tandis que le champ toroïdal suit un grand anneau circulaire autour du tore. Ce dernier est maintenu sous vide afin d’éviter toute contamination du plasma par des particules étrangères. Cette configuration permet de générer des plasmas à impulsion longue et à formes complexes.

tokamak
Diagramme illustrant la direction poloïdale (représentée par la flèche rouge) et la direction toroïdale (flèche bleue). © Dave Burke/Wikimedia Commons

Après une série d’optimisations pour augmenter le volume de plasma généré, différentes étapes d’opérations ont été effectuées pour évaluer les nouvelles performances de JT-60SA. Cela inclut le pompage à vide du réacteur, le refroidissement des bobines supraconductrices et les tests d’injection d’énergie dans les bobines. Les ingénieurs ont obtenu un volume de plasma de 160 mètres cubes, soit 60 mètres cubes de plus que le précédent record. Une cérémonie de certification de cette réalisation au Guinness World Records sera prévue au Naka Institute for Fusion Science and Technology, ce 19 octobre.

Un pas de plus vers la mise en service d’ITER

D’après les chercheurs, la capacité du réacteur à confiner le plasma dépend de la taille de celui-ci, ce qui signifie que les prochaines expériences d’allumage pourraient offrir de meilleures performances. Ces résultats pourraient en outre être utilisés pour optimiser le contrôle de plasmas plus volumineux adaptés aux réacteurs ITER et DEMO. La dynamique des plasmas générés par JT60-SA est d’ailleurs similaire à celle prévue pour ITER, ce qui permettrait d’étudier la faisabilité de ces derniers sur le long terme.

« Avec la coopération internationale du Japon, de l’Europe, de la Russie, des États-Unis, de la Chine, de la Corée et de l’Inde, le projet vise à démontrer la faisabilité scientifique et technologique de l’énergie de fusion par la construction et l’exploitation d’ITER », expliquent les experts dans un communiqué du National Institutes for Quantum Science and Technology (QST), au Japon. L’objectif à terme d’ITER est de parvenir à produire une énergie de fusion 10 fois supérieure à celle dont le réacteur a besoin pour générer du plasma. Les premières expériences à plein régime devraient débuter d’ici 2035.

Le réacteur DEMO, quant à lui, est prévu pour être construit sur la base des résultats de JT-60SA et d’ITER. Il aura pour objectif de démontrer la faisabilité économique de la production énergétique par le biais de la fusion nucléaire. « QST appliquera de manière proactive les connaissances acquises avec JT-60SA aux réacteurs ITER et DEMO et continuera à travailler comme noyau pour la commercialisation précoce de l’énergie de fusion », indique l’équipe. Des plans conceptuels pour le réacteur sont en cours de réflexion pour une construction prévue d’ici 2050.

À noter toutefois qu’à l’instar de la plupart des projets de fusion nucléaire, le JT-60SA a enregistré des retards importants, ce qui, par extension, a aussi allongé le calendrier initial d’ITER et de DEMO. Alors qu’il devait initialement être mis en service en 2016, des problèmes d’approvisionnement et le séisme de Tohoku en 2011, ont reporté la date des premiers essais à 2021.

Un incident lié au câble électrique alimentant l’une des bobines magnétiques supraconductrices s’est ensuite produit. Cela a conduit à la refonte de l’isolation de plus de 100 jonctions électriques, une tâche colossale qui a duré 2,5 ans. Cela a également conduit les ingénieurs d’ITER à prévoir des contrôles plus rigoureux de leurs bobines. Ce genre d’imprévus techniques pourrait encore potentiellement se produire à l’avenir et les dates de mise en service des deux prochains réacteurs pourraient encore être ajournées.

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