Les composants électroniques actifs constituent le cœur de notre technologie moderne, reposant sur les semi-conducteurs. Néanmoins, ces derniers, façonnés à partir de silicium pur, sont non seulement d’une grande fragilité, mais aussi vulnérables à l’humidité, à la poussière et aux particules en suspension dans l’air. Leur fabrication requiert des infrastructures spécialisées et une technologie de pointe onéreuse. Toutefois, une récente découverte par des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) pourrait bien redéfinir les contours de cette industrie. En effet, une équipe de chercheurs a fortuitement mis au point un procédé permettant d’imprimer en 3D des éléments essentiels de l’électronique active, sans recourir aux semi-conducteurs. Cette avancée promet d’ouvrir la voie à une démocratisation de la fabrication électronique par impression 3D.
L’impression 3D, initialement destinée à la création d’objets simples, se déploie depuis plusieurs années dans des domaines aussi divers que la médecine, l’aéronautique et la construction. D’ailleurs, au Texas, le premier hôtel au monde imprimé en 3D devrait voir le jour d’ici 2026. Dans l’industrie électronique, l’idée de concevoir des appareils fonctionnels imprimés en 3D est certes ancienne, mais elle bute sur un défi majeur : les semi-conducteurs. Ces composants, à l’instar des transistors, sont réalisés à partir de silicium traité avec une précision chirurgicale dans des salles blanches. Dans la conception des puces électroniques, par exemple, des milliards de transistors sont intégrés aux processeurs par le biais de technologies de traitement à l’échelle nanométrique, bien au-delà des capacités actuelles des imprimantes 3D.
Récemment, des chercheurs du MIT ont franchi une étape majeure en fabriquant des composants essentiels de l’électronique active sans utiliser de semi-conducteurs. Ces dispositifs, des fusibles réinitialisables (ou réarmables), ont été produits à l’aide d’une imprimante 3D standard et d’un matériau biodégradable. Bien que ces composants ne puissent pas encore égaler les caractéristiques des transistors, ils sont en mesure de remplir des fonctions de contrôle de base.
« Cette technologie offre un potentiel réel. Même si nous ne pouvons pas rivaliser avec le silicium, notre objectif n’est pas nécessairement de remplacer ce qui existe, mais d’explorer de nouveaux horizons pour l’impression 3D », explique dans un communiqué Luis Fernando Velásquez-García, chercheur principal aux Microsystems Technology Laboratories du MIT.
Des bobines magnétiques aux transistors sans semi-conducteurs
Initialement, l’équipe du MIT ne visait pas la production de fusibles réinitialisables par impression 3D. Engagée dans un projet de fabrication de bobines magnétiques via une technique d’impression par extrusion, elle a utilisé un filament de polymère mélangé à des nanoparticules de cuivre. Or, en expérimentant cette technique, les chercheurs ont constaté que le polymère se comportait de manière analogue au silicium et à d’autres semi-conducteurs.
Cette découverte les a incités à explorer le potentiel de cette approche pour la création de transistors. Ces sortes d’interrupteurs complexes, essentiels au traitement des données binaires, forment les portes logiques des processeurs. Dans leur étude publiée dans Virtual and Physical Prototyping, les chercheurs ont tenté de reproduire l’effet avec d’autres filaments, mêlant polymères et carbone, nanotubes de carbone, voire graphène. Cependant, seule la combinaison cuivre-polymère s’est révélée fonctionnelle pour la production de fusibles réinitialisables.
Selon leurs résultats, le polymère dopé de nanoparticules de cuivre, soumis à un fort courant, voit ses particules se disperser, augmentant ainsi sa résistance. Dès que l’alimentation est coupée, le matériau retrouve sa résistance initiale, les particules de cuivre se regroupant. Ils avancent que cela est peut-être dû au fait que le polymère change de phase.
Ce processus transforme le polymère en matériau cristallin sous l’effet du courant, puis le ramène à un état amorphe une fois refroidi. L’équipe reconnaît néanmoins que des analyses complémentaires sont nécessaires pour comprendre pleinement ce mécanisme. « À ce jour, c’est notre meilleure explication, mais elle n’est pas exhaustive, car elle n’explique pas pourquoi ce phénomène est unique à cette combinaison de matériaux. Nous devons approfondir nos recherches, mais il ne fait aucun doute que ce phénomène est réel », a déclaré Velásquez-García.
Grâce à cette découverte, l’équipe de Velásquez-García a pu produire des fusibles réinitialisables par impression 3D. Bien que ces composants soient encore loin de la performance des transistors en silicium, ils présentent déjà un potentiel pour des applications simples telles que le contrôle de moteurs, malgré leur taille (de quelques centaines de microns), bien en deçà de la taille nanométrique des transistors.
« En réalité, de nombreuses applications d’ingénierie ne nécessitent pas les puces les plus avancées », a souligné Velásquez-García. « En fin de compte, l’important est que votre appareil remplisse sa fonction. Cette technologie répond à cette exigence ». La prochaine étape pour l’équipe consiste à développer des dispositifs électroniques entièrement fonctionnels à partir de ces composants.