L’étude de l’évolution de l’univers a toujours été un sujet de recherche très actif. Que ce soit concernant son passé, son présent ou son futur, ces questions sont au cœur de la cosmologie moderne.
Cependant, si des théories comme le Big Bang permettent aux scientifiques d’avoir un aperçu des débuts de l’univers, existe-t-il, à l’inverse, des moyens de connaître ou de déterminer le destin de l’univers ? Oui, c’est possible, à condition de considérer un certain nombre de paramètres parmi lesquels l’expansion de l’univers, sa densité ou encore sa courbure.
Un univers en expansion…
Les travaux et observations de nombreux scientifiques parmi lesquels Vesto Slipher, Georges Lemaître, Edwin Hubble, Albert Einstein ou encore Alexandre Friedmann ont permis aux chercheurs, depuis le début du XXème siècle, de comprendre que l’univers était en expansion. En d’autres termes, les galaxies s’éloignent les unes des autres sous l’effet de la dilatation de l’espace qui les sépare. Les physiciens ont ensuite cherché à comprendre la dynamique de cette expansion.
À la fin des années 1920, le physicien A. Friedmann trouve une solution aux équations de la relativité générale dans le cadre d’un univers homogène et isotrope : les équations de Friedmann. Ces équations décrivent ainsi la dynamique de l’univers et, plus particulièrement, l’expansion de celui-ci. Friedmann démontre que l’expansion de l’univers est fonction des propriétés (en particulier la pression) des différentes formes de matière et d’énergie qui le composent, de sa densité d’énergie moyenne ainsi que de sa courbure spatiale.
Ces équations ont été approfondies par les physiciens G. Lemaître, H. Robertson et A. Walker et constituent aujourd’hui la métrique de Friedmann-Lemaître-Robertson-Walker, outil mathématique capital pour décrire l’évolution de notre univers.
Dès 1917, A. Einstein tente de trouver des solutions de la relativité générale permettant de décrire l’univers. Pour ce faire, il postule un univers homogène et isotrope, c’est-à-dire un univers dans lequel toute les zones de l’espace présentent des caractéristiques identiques et pour lequel la structure à grande échelle reste identique, indépendamment de la direction d’observation. Ces deux paramètres constituent le principe cosmologique.
Or, pour que l’univers présente ces deux caractéristiques, il a nécessairement dû passer par une phase primitive d’homogénéité et d’isotropie. Il faudra attendre 1979 pour que le physicien Alain Guth introduise la théorie de l’inflation (1). Celle-ci postule que l’univers observable a subi une phase d’expansion extrêmement violente et rapide.
L’inflation est englobée dans le modèle du Big Bang initialement proposé par Friedmann et Lemaître. Aujourd’hui, la majorité des modèles cosmologiques incorporent la théorie du Big Bang. Quant au mécanisme de l’inflation, en sus de donner une assise théorique au principe cosmologique, celui-ci permet de présumer un autre paramètre capital dans la détermination du destin de l’univers : la courbure spatiale.
…et une expansion qui accélère
En 1998 (2), après avoir mesuré la distance de luminosité de plusieurs supernovas de type Ia, deux équipes internationales menées par Adam Riess et Saul Perlmutter publient leurs résultats concernant l’expansion de l’univers : celle-ci accélère. En d’autres termes, la vitesse d’éloignement des galaxies croît avec le temps. Ce résultat est inattendu car les équations de Friedmann prévoient une décélération de l’expansion sous l’effet de la gravitation. Les physiciens s’attendaient donc à observer une preuve de cette décélération et non le contraire.
Dans le but d’expliquer le mécanisme à l’origine de l’accélération de l’expansion, les scientifiques postulent l’existence d’une énergie répulsive à pression négative : l’énergie sombre, dont la nature demeure encore inconnue. Plusieurs hypothèses ont été formulées au cours de ces dernières années et la constante cosmologique introduite par Einstein pour équilibrer son univers, qu’il qualifiera plus tard comme étant « la plus grande erreur de son existence », revient sur le devant de la scène comme candidate sérieuse à l’énergie sombre (3).
Bien que l’énergie sombre ait été introduite pour correspondre aux observations effectuées, elle permet de solutionner naturellement un certain nombre de problèmes théoriques qui se posaient précédemment. Elle offre ainsi, par exemple, une explication au diamètre actuel de l’univers observable, environ 90 milliards d’années-lumière, comparé à l’âge de l’univers lui-même. En outre, la présence d’énergie sombre est cohérente avec la distribution observée des galaxies à grande échelle et avec les fluctuations du fond cosmologique diffus, observées par WMAP (4).
L’énergie sombre est un facteur clé dans la détermination du destin de l’univers car les différentes observations menées depuis ces vingt dernières années ont confirmé l’accélération de l’expansion de l’univers et tendent actuellement à indiquer que cette expansion se poursuivra indéfiniment. Si par le passé l’expansion n’a pas toujours connue une phase d’accélération (les observations montrent que l’univers a traversé des phases de décélération ou de plateau), aujourd’hui rien n’indique que cette accélération ait vocation à s’arrêter.
Paramètres et modèle cosmologique
Si la découverte de l’expansion et de son accélération est un facteur déterminant pour bâtir des hypothèses sur le devenir de notre univers, il n’est cependant pas suffisant. Il est également important de connaître l’univers lui-même. Pour ce faire, il est nécessaire de déterminer le contenu de l’univers et les différents facteurs qui ont agi dessus au cours de son histoire.
Tous ces paramètres sont appelés des « paramètres cosmologiques ». La particularité des paramètres cosmologiques réside dans le fait que leurs valeurs sont soit inconnues soit très mal déterminées. C’est pourquoi un modèle cosmologique viable est un modèle qui utilise le moins de paramètres cosmologiques possible.
Un modèle cosmologique est un modèle bâti sur un double socle de théorie et d’observations permettant de décrire l’histoire, l’évolution et la structure de l’univers. La majorité des modèles cosmologiques ont pour base la relativité générale et la théorie du Big Bang (5).
Celui qui offre actuellement la description la plus fidèle de l’univers est le Modèle Standard de la cosmologie et est poétiquement baptisé « modèle ΛCDM ». La lettre Λ (lambda) fait référence à la présence d’une constante cosmologique (elle est ainsi notée dans les équations modifiées de la relativité générale prenant en compte l’accélération de l’expansion).
Quant aux lettres « CDM », celles-ci sont l’acronyme de « Cold Dark Matter », littéralement « matière sombre froide ». La matière sombre froide désigne une théorie dans laquelle les particules de matière sombre interagissent très peu avec la matière baryonique (matière ordinaire) et le rayonnement électromagnétique, et possèdent une vitesse très inférieure à la vitesse de la lumière. Dans cette théorie, les structures de l’univers se sont formées des plus petites aux plus grandes (par accrétion, agrégation et fusion).
Au contraire, dans la théorie de la matière sombre chaude, les particules se déplacent à une vitesse très proche de celle de la lumière et les grandes structures se sont formées des plus grandes aux plus petites (par scission, éclatement et désintégration). Cependant, les observations du fond diffus cosmologique tendent à privilégier l’existence de la matière sombre froide, la matière sombre chaude ne pouvant expliquer convenablement la formation de structures à partir du Big Bang.
Le modèle ΛCDM contient donc certains paramètres cosmologiques représentant des propriétés de l’univers ne pouvant être déterminées correctement. C’est par exemple le cas du contenu de l’univers et donc de sa densité moyenne. Les physiciens considèrent qu’il existe cinq formes d’énergie et de matière : les photons, les neutrinos, la matière baryonique, la matière sombre et l’énergie sombre.
La densité de photons et de neutrinos est calculée respectivement à partir du fond diffus cosmologique et du fond diffus de neutrinos ; ces densités sont connues avec précision et ne sont donc pas des paramètres cosmologiques (6).
En revanche, la densité de matière baryonique est extrêmement compliquée à définir puisqu’il est pour le moment impossible de connaître précisément la distribution de la masse dans un cube d’univers donné, à cause des grandes inhomogénéités locales dans la répartition de la matière baryonique. Seules des approximations sont possibles.
La densité moyenne est pourtant d’une importance capitale puisqu’elle détermine la courbure de l’univers. Il en va de même pour les densités de matière sombre et d’énergie sombre. Ces trois quantités sont donc des paramètres cosmologiques.
Les trois autres paramètres cosmologiques concernent deux quantités relatives à l’inflation (l’indice spectral et l’amplitude des fluctuations de densité) et un paramètre décrivant la période de ré-ionisation lors de la formation des premières étoiles. Le modèle ΛCDM contient donc six paramètres cosmologiques et requiert la présence de matière sombre, d’énergie sombre, ainsi qu’une courbure nulle (6).