Un cas extrêmement rare de cerveau vitrifié découvert chez une victime fossilisée du Vésuve de l’an 79

Un nuage de cendres extrêmement chaud aurait brutalement surchauffé les tissus mous, les transformant en verre.

cerveau vitrifie vesuve
| Pier Paolo Petrone
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

Des chercheurs ont mis au jour un cerveau humain fossilisé et vitrifié à l’intérieur du crâne d’une victime de l’éruption du Vésuve en l’an 79. Ce phénomène, extrêmement rare, résulte d’une transformation en verre organique sous l’effet de conditions thermiques exceptionnelles : un nuage de cendres brûlantes aurait brièvement envahi l’ancienne cité d’Herculanum, provoquant une surchauffe brutale du cerveau suivie d’un refroidissement rapide, aboutissant à sa vitrification.

Si la formation de verres naturels est un phénomène peu fréquent, il n’en demeure pas moins connu. Ces derniers apparaissent lorsque le refroidissement d’un liquide est suffisamment rapide pour empêcher sa cristallisation en phase solide. Cette transformation requiert une différence de température marquée entre la matière en fusion et son environnement, le verre se solidifiant alors bien au-dessus de la température ambiante.

Les verres de silice, par exemple, se forment dans les volcans lorsque le magma — dont la température varie de 700 à 1200 °C selon sa composition chimique — refroidit rapidement en milieu aérien ou aquatique. On les retrouve également dans les roches soumises à des conditions extrêmes, notamment sur des failles glissantes, sous l’effet d’un glissement de terrain ou encore lorsque la foudre frappe le sol. Dans tous ces cas, le silicate liquide atteint des températures élevées, de plusieurs centaines à plus d’un millier de degrés Celsius, créant un différentiel thermique propice à la vitrification.

En revanche, les tissus organiques, majoritairement composés d’eau, ne peuvent se vitrifier naturellement qu’à des températures extrêmement basses. Ainsi, en cryoconservation par exemple, les organes sont immergés dans de l’azote liquide pour être vitrifiés tout en préservant leur structure moléculaire (grâce notamment à l’injection de cocktails chimiques complexes).

Dans ces conditions, la formation de verre organique reste un phénomène exceptionnel. Le cerveau humain vitrifié mis au jour par des chercheurs de l’Université de Rome III constitue un cas rarissime, offrant un aperçu inédit des processus naturels qui peuvent conduire à une telle transformation.

« Les conditions devaient être très spécifiques : le tissu organique a dû être chauffé à un point tel qu’il n’a pas été totalement détruit — contrairement aux autres squelettes exhumés — avant de refroidir suffisamment vite pour se vitrifier », explique Guido Giordano, auteur principal de l’étude, à The Debrief. Les résultats de ces travaux ont été publiés dans la revue Scientific Reports.

victime vesuve
(a) Corps carbonisé du gardien, retrouvé sur son lit de bois dans le Collegium Augustalium, où ont été découvertes les traces vitrifiées du cerveau. (b) Vue panoramique vers l’est des ruines d’Herculanum, avec le Vésuve en arrière-plan et l’emplacement du Collegium Augustalium dans la ville. © Guido Giordano et al.

Un nuage de cendres brûlantes à l’origine de la vitrification

Le verre organique mis au jour par les chercheurs a été retrouvé à Herculanum, l’une des cités ensevelies lors de l’éruption plinienne du Vésuve en l’an 79, qui a également anéanti Pompéi. La victime, un jeune homme d’environ 20 ans, supposément gardien du Collegium Augustalium — un édifice public dédié au culte de l’empereur Auguste —, a été retrouvée allongée sur son lit, ensevelie sous les dépôts de coulées pyroclastiques.

Identifiée dès 2020, cette matière vitrifiée, d’un noir brillant évoquant l’obsidienne, a été confirmée comme étant un cerveau fossilisé grâce à des analyses biochimiques révélant la présence de protéines cérébrales et d’acides gras caractéristiques des triglycérides du cerveau humain. Des fragments de moelle épinière présentaient également une vitrification similaire.

Cependant, les mécanismes précis de cette transformation étaient jusque-là inconnus. Pour en comprendre l’origine, les chercheurs ont soumis les échantillons à des analyses aux rayons X et au microscope électronique à balayage.

Leurs observations ont permis d’établir que la vitrification du cerveau a nécessité une température minimale de 510 °C avant un refroidissement rapide. Or, les coulées pyroclastiques qui ont recouvert Herculanum n’excédaient pas 465 °C et ont refroidi progressivement.

Comment expliquer alors une température aussi élevée ? Les chercheurs avancent que ce seuil critique a été atteint par le biais d’un nuage de cendres surchauffé, dont la température dépassait celle des coulées pyroclastiques. En se propageant rapidement à travers la cité, ce nuage aurait soumis les tissus mous à une chaleur intense, tandis que l’enceinte du bâtiment où se trouvait la victime aurait joué un rôle protecteur en ralentissant la dissipation thermique.

Les tissus auraient ainsi atteint 510 °C, mais le crâne et la colonne vertébrale auraient empêché leur destruction complète. « Nous pensons que la chaleur extrême a en partie détruit le cerveau, mais sans provoquer son évaporation complète, permettant ainsi à certains fragments de se vitrifier lors du refroidissement rapide qui a suivi la dissipation du nuage de cendres », précise Giordano.

cerveau vesuve
Images à différents grossissements d’un échantillon : (a) image optique sous lumière directe ; (b) image au microscope électronique à balayage (FE-SEM) révélant la structure angulaire des fragments ; (c), (d) détails des vides sphériques et de la fracture en gradins ; (e), (f) observation des structures neuronales préservées, les flèches blanches indiquant les axones les mieux conservés. © Guido Giordano et al.

Fait remarquable, cette fossilisation a permis une préservation exceptionnelle du tissu cérébral. Les analyses au microscope électronique ont révélé la présence de réseaux complexes de neurones et d’axones, offrant une vision inédite de la structure neuronale d’un individu ayant vécu il y a près de 2 000 ans.

Parmi les 2 000 corps exhumés dans les sites de l’éruption du Vésuve, cette victime d’Herculanum demeure l’unique cas connu où le système nerveux a été vitrifié avec un tel degré de conservation. Selon Guido Giordano, des phénomènes similaires auraient été signalés après le bombardement d’Hiroshima, bien qu’aucune confirmation scientifique formelle n’ait été apportée à ce jour.

Vidéo de présentation de l’étude :

Source : Scientific Reports

Laisser un commentaire

Vous voulez éliminer les publicités tout en continuant de nous soutenir ?


Il suffit de s'abonner !


JE M'ABONNE