Après avoir utilisé une technique de cryogénisation par vitrification, des chercheurs sont parvenus à réanimer des hippocampes de souris après une semaine d’animation suspendue. Permettant de minimiser les dommages dus à la cristallisation, la technique a permis de rétablir une activité électrique et une connexion synaptique presque normales – une amélioration substantielle par rapport aux techniques de cryoconservation précédentes. Au vu de l’état de conservation des tissus, les chercheurs estiment que des souvenirs ont peut-être été conservés.
La biostase ou l’animation suspendue ne se limite désormais plus à la science-fiction. Le phénomène est exploré depuis plusieurs décennies à la fois dans le but de conserver des tissus biologiques et pour une éventuelle application chez les humains. Elle est notamment étudiée pour prolonger la viabilité des tissus biologiques et offrir une plus grande marge de manœuvre pour diverses interventions. Elle pourrait aussi ouvrir la voie à de nouvelles stratégies pour ralentir le vieillissement, comme nous l’avons abordé dans un précédent article d’investigation.
La cryogénie constitue l’une des techniques les plus étudiées en matière de biostase. Le potentiel de la technique repose sur la capacité du cerveau à récupérer après un arrêt hypothermique temporaire. La technique s’avère également prometteuse dans des procédures telles que l’arrêt circulatoire hypothermique profond, utilisé lors d’interventions chirurgicales majeures.
Cependant, bien que la cryogénie ait été appliquée avec succès à la conservation d’organoïdes ou d’organes, comme le cœur et le foie, la cryoconservation du tissu cérébral demeure plus complexe. Bien que la préservation des cellules ait été démontrée, il reste incertain dans quelle mesure la fonction cérébrale peut être restaurée après un arrêt complet des processus moléculaires.
La survie cellulaire, ainsi qu’une certaine récupération de l’activité cellulaire, ont par exemple été observées après la cryoconservation du cerveau (à -20 °C) d’un félin adulte pendant plusieurs années. Le même résultat a été observé pour des ganglions de rongeur après une cryoconservation de 24 heures à -76 °C. Plus récemment, des chercheurs chinois sont parvenus à rétablir une fonction cérébrale normale après 18 mois de cryogénisation, en utilisant un cocktail de conservation chimique.
Cependant, malgré les récupérations fonctionnelles temporaires, les procédures de cryoconservation entraînent généralement une perte de connexion synaptique. Afin d’obtenir une récupération électrophysiologique complète, des chercheurs de l’Université Friedrich-Alexander d’Erlangen-Nuremberg, en Allemagne, suggèrent que la vitrification, une technique de cryoconservation sans glace, pourrait être plus efficace.
« La vitrification est une alternative prometteuse à la congélation, mais son application au tissu cérébral est restée largement inexplorée », expliquent les chercheurs dans leur étude, prépubliée sur la plateforme biorXiv. « Nous démontrons une récupération quasi physiologique de tranches d’hippocampe de souris adultes après vitrification et réchauffement », indiquent-ils.
Préservation des mécanismes cellulaires liés à la mémoire
Lors d’une cryoconservation par vitrification, la phase aqueuse des tissus se solidifie pour former un verre amorphe et non cristallin. Cela élimine donc le risque de formation de cristaux endommageant habituellement les tissus lors des processus de congélation conventionnels. Pour ce faire, l’eau des tissus doit être remplacée par des solvants polaires.
En stabilisant les températures de refroidissement et de réchauffement nécessaires au processus, les solvants agissent comme des cryoprotecteurs inhibant la cristallisation. Les progrès récents dans les techniques de réchauffement rapide et uniforme ont par exemple permis la cryoconservation par vitrification de cœurs de rats, de foies et de reins.
La technique proposée par les chercheurs de la nouvelle étude s’appuie sur une solution de vitrification comprenant un mélange de diméthylsulfoxyde, de formamide et d’éthylène glycol. Une fois préparés avec la solution cryoprotectrice, des hippocampes de souris ont été refroidis à -196 °C avec de l’azote liquide, assurant ainsi la suspension de la mobilité moléculaire. Les tissus ont ensuite été conservés pendant une semaine à -150 °C, puis réchauffés à -10 °C pour la réanimation.
Les chercheurs ont constaté qu’aucune cristallisation ne s’est produite lors du processus de refroidissement ou de réchauffement. Après réanimation, les analyses ont montré une excellente préservation de l’intégrité structurelle des tissus, ainsi qu’une réactivité métabolique, une excitabilité neuronale et une plasticité synaptique.
« La potentialisation à long terme de l’hippocampe a été bien préservée, indiquant que la machinerie cellulaire d’apprentissage et de mémoire reste opérationnelle », affirme l’équipe. « Cela suggère que le tissu cérébral peut être arrêté à temps et réactivé, ouvrant des voies pour des applications cliniques potentielles », conclut-elle.