La Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA), agence de recherche et développement du département de la Défense des États-Unis, s’est forgée une réputation en explorant des concepts technologiques dignes de la science-fiction. Après avoir financé des projets aussi ambitieux que des lasers de combat ou des constellations de satellites militaires en orbite basse, elle s’attelle désormais à un défi d’une toute autre nature : la construction de structures biomécaniques géantes en orbite.
Dans une récente demande d’informations (Request for Information, ou RFI), la DARPA cherche à recenser les technologies émergentes qui permettraient d’ériger des infrastructures spatiales de grande ampleur en s’appuyant sur des processus biologiques plutôt que sur les méthodes d’assemblage traditionnelles.
Une approche qui, à terme, pourrait transformer la manière dont l’humanité construit dans l’espace, en réduisant notamment les coûts (très prohibitifs) du transport de matériaux depuis la Terre.
Construire en orbite grâce à la biologie
Aujourd’hui, l’envoi de matériaux dans l’espace représente un défi logistique et financier colossal. À titre d’exemple, acheminer une seule brique jusqu’à Mars coûterait environ deux millions de dollars. Face à cette contrainte, la DARPA explore la possibilité de faire croître des structures directement en orbite, plutôt que de les expédier sous forme de composants préfabriqués.
L’agence envisage ainsi des structures allant jusqu’à 500 mètres de long, capables de s’auto-assembler et de s’adapter aux conditions de l’espace grâce à des processus biologiques. Parmi les applications potentielles figurent :
- Des filets géants pour capturer les débris spatiaux, une préoccupation croissante alors que l’orbite terrestre se congestionne
- Des câbles ultra-résistants pour un éventuel ascenseur spatial, un concept longtemps cantonné à la science-fiction, mais qui pourrait profondément modifier l’accès à l’espace
- Des interféromètres de grande envergure dédiés à l’astronomie, permettant des observations radio d’une précision inédite
- Des structures modulaires pour les stations spatiales, capables de s’auto-déployer et d’accueillir des charges utiles supplémentaires
- Des matériaux de réparation « vivants », capables de combler automatiquement les fissures causées par les micrométéorites
L’objectif est donc d’exploiter les propriétés de croissance rapide et d’auto-régénération du vivant pour concevoir des structures adaptatives, tout en réduisant la complexité et les risques des missions spatiales.
Une inspiration puisée dans le biomimétisme
La DARPA compare notamment cette approche à celle d’une tente où des éléments biologiques joueraient le rôle de la toile, qui se développerait autour d’une structure de soutien. « Étant donné le matériau structurel du squelette de la tente, les mécanismes de croissance biologique sont ici considérés comme la ‘couverture’ », explique l’agence. Une vision qui rappelle celle du film Megalopolis, où des matériaux bio-adaptatifs permettent aux infrastructures de s’auto-réparer et d’évoluer en fonction des besoins.
Si ce projet semble relever du domaine de la science-fiction, plusieurs travaux récents tendent à prouver le contraire. En effet, la NASA et l’ESA explorent déjà l’utilisation de bactéries et de champignons pour produire des matériaux de construction vivants, capables de se développer sur la Lune ou Mars.
Une initiative parmi d’autres avancées futuristes
La DARPA n’en est pas à son premier projet disruptif. L’agence est notamment à l’origine de BLACKJACK, une constellation de satellites en orbite basse destinée à assurer des communications sécurisées et une surveillance continue, dans la lignée du projet Starlink.
Elle a également développé HELLADS (High Energy Liquid Laser Area Defense System), un système laser compact de 150 kW conçu pour être embarqué sur des avions de combat et neutraliser missiles et drones en plein vol. Par ailleurs, elle a financé à hauteur de 930 000 euros un programme dirigé par Jung-Tsung Shen, visant à perfectionner un laser quantique exploitant des photons intriqués, capable de traverser le brouillard tout en conservant son efficacité sur de longues distances.
Avec cette nouvelle initiative, la DARPA explore la possibilité de structures spatiales capables de s’auto-assembler et de se régénérer grâce à des processus biologiques. Un atelier est prévu en avril prochain pour examiner les propositions issues de la RFI, dont la date limite de soumission est fixée au 25 mars.