Des protéines de tardigrades pour protéger les patients en radiothérapie et les astronautes contre les radiations spatiales

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Dans l’immensité hostile de l’espace, les rayonnements cosmiques représentent l’un des plus grands dangers pour les astronautes lors des missions de longue durée. Cette menace invisible, capable d’endommager l’ADN humain et de provoquer des maladies graves, pourra peut-être un jour être neutralisée grâce à une découverte récente. Des chercheurs ont identifié une méthode surprenante pour protéger les explorateurs spatiaux : l’utilisation d’une protéine provenant des tardigrades, ces minuscules créatures surnommées « oursons d’eau », connues pour leur capacité extraordinaire à survivre dans les conditions les plus extrêmes, y compris le vide spatial. Cette avancée pourrait non seulement servir à l’exploration spatiale, mais aussi à améliorer la sécurité des traitements contre le cancer sur Terre.

Une équipe dirigée par Ameya Kirtane, instructeur à la Harvard Medical School et scientifique invité au MIT, a utilisé l’ARN messager pour injecter cette protéine protectrice chez des souris. Comme le détaille leur étude publiée récemment dans le journal Nature Biomedical Engineering, les chercheurs ont constaté que leur technique génère suffisamment de protéines pour protéger l’ADN des souris contre les dommages induits par les radiations.

« L’une des forces de notre approche est que nous utilisons un ARN messager, qui exprime temporairement la protéine, ce qui est considéré comme beaucoup plus sûr que quelque chose comme l’ADN, qui pourrait être incorporé dans le génome des cellules », explique Kirtane au MIT News.

Les tardigrades possèdent une résistance légendaire. Une protéine suppresseuse, baptisée Dsup (pour damage suppressor), aide à protéger leur ADN contre les dommages induits par les radiations en s’y liant. Selon le MIT, cette protéine permet à ces minuscules organismes de survivre à des doses 2 000 à 3 000 fois supérieures à ce que les humains peuvent tolérer.

Une protection ciblée contre les radiations

En délivrant cette protéine par codage d’ARN messager, l’équipe a constaté que la protéine Dsup était exprimée avec succès dans les tissus du côlon et de la bouche chez les souris, deux zones particulièrement sensibles aux radiations chez les patients humains traités pour le cancer.

Après injection des particules contenant l’ARNm, les scientifiques ont administré aux rongeurs une dose de radiation similaire à celle reçue par les patients en radiothérapie. Résultat : une réduction de 50 % des cassures d’ADN double brin causées par les radiations.

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Illustration des implications potentielles de l’étude de Kirtane pour la protection des tissus chez des patients subissant une radiothérapie. © Ameya R. Kirtane et al. /Nature Biomedical Engineering 2025

« Nous pensions qu’en combinant ces deux systèmes – polymères et lipides – nous pourrions obtenir le meilleur des deux mondes et obtenir une administration d’ARN très puissante. Et c’est essentiellement ce que nous avons vu », déclare Kirtane.

Vers une application à l’exploration spatiale ?

Bien que cette étude ait été initialement pensée pour trouver un moyen de protéger les patients cancéreux pendant la radiothérapie, les chercheurs suggèrent qu’elle pourrait également être utilisée pour protéger les astronautes contre les radiations cosmiques.

En effet, un voyage vers Mars exposerait les explorateurs spatiaux à des niveaux de radiation bien plus élevés que ceux rencontrés en orbite terrestre basse, où se trouve la Station spatiale internationale. Une autre application potentielle serait d’aider à prévenir les dommages causés par les radiations chez les astronautes en orbite.

Un espoir pour les traitements contre le cancer

Sur Terre, les applications médicales de cette découverte sont tout aussi prometteuses. Environ 60 % des patients atteints de cancer en France reçoivent une radiothérapie dans le cadre de leur traitement. Cependant, les effets secondaires de ces traitements, comme les plaies buccales ou les saignements rectaux, peuvent être très difficiles à supporter pour les malades.

Les scientifiques ont mis au point des médicaments pour réduire ces effets indésirables, mais ils restent limités. L’utilisation de la protéine Dsup pourrait ainsi changer la donne, en permettant d’administrer des doses plus élevées tout en préservant les tissus sains avoisinants, améliorant ainsi l’efficacité du traitement.

Toutefois, avant une application clinique, des recherches supplémentaires sont nécessaires. Une étude de 2023 a révélé que la protéine Dsup pouvait avoir des effets indésirables dans certains types de cellules, notamment les neurones, où elle semblait favoriser la neurotoxicité et les dommages à l’ADN. Par ailleurs, la protéine Dsup d’origine tardigrade pourrait provoquer une réponse immunitaire chez l’humain. Il est donc impératif de développer une version modifiée plus adaptée à une utilisation médicale.

Les perspectives de la biologie « extrême »

D’autres protéines issues des tardigrades suscitent également l’intérêt des chercheurs. Une équipe a ainsi identifié la protéine TDR1 (tardigrade DNA repair protein 1), capable de se lier à l’ADN et de faciliter sa réparation. Introduite dans des cellules humaines saines, elle a réduit les dommages causés par un médicament mimant les effets des radiations.

L’étude de ces organismes extrêmophiles ouvre des voies de recherche fascinantes pour la médecine et l’exploration spatiale. Comprendre comment ces créatures parviennent à protéger et réparer leur ADN pourrait mener à des avancées dans la lutte contre les effets délétères des radiations, qu’elles soient d’origine médicale ou cosmique.

« Il s’agit d’une approche entièrement nouvelle pour protéger les tissus sains et qui pourrait éventuellement permettre d’optimiser la radiothérapie pour les patients tout en minimisant ces effets secondaires débilitants », déclare à The Scientist le Dr James Byrne, médecin-scientifique à l’Université de l’Iowa.

L’avenir de la protection contre les radiations, qu’il s’agisse de soigner les patients atteints de cancer ou de préparer les astronautes aux longs voyages interplanétaires, pourrait bien reposer sur ces minuscules créatures aux capacités exceptionnelles.

Source : Nature Biomedical Engineering

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