Une analyse portant sur 8 590 prédictions de scientifiques, d’entrepreneurs de premier plan et de membres de la communauté suggère que la « singularité technologique » (dont l’arrivée de l’IA générale) pourrait survenir d’ici 2030-2040, soit 20 ans plus tôt que les précédentes estimations. Les entrepreneurs sont les plus optimistes, estimant cette date à 2030. Ce changement dans les estimations serait principalement dû aux récentes avancées dans les architectures soutenant la technologie.
La singularité technologique, marquant notamment l’arrivée de l’IA générale (IAG), constitue l’une des plus grandes préoccupations technologiques concernant l’avenir. Elle définit le moment où la technologie pourra effectuer l’ensemble des tâches intellectuelles qu’un être humain est capable de faire. Plus précisément, les experts estiment qu’il s’agirait d’un système combinant une capacité de pensée de niveau humain à une mémoire quasi parfaite et rapidement accessible. Certains chercheurs estiment que la singularité implique également la conscience de la machine.
Une telle technologie pourrait s’auto-améliorer de sorte à finalement surpasser l’intelligence humaine. Alors que les IA actuelles surpassent les humains dans des domaines spécifiques, l’IAG sera conçue pour nous surpasser à terme dans tous les domaines et disposer de certaines des capacités cognitives qu’on pensait auparavant spécifiques aux humains. Les acteurs technologiques la définissent comme un système hautement autonome surpassant l’homme dans les tâches les plus économiquement rentables.
Il y a seulement quelques années, les scientifiques estimaient que la singularité pourrait survenir vers l’année 2060. Cependant, les récentes avancées suggèrent qu’elle pourrait voir le jour bien plus tôt. En effet, une analyse récente d’AI Multiple Research révèle des estimations variant entre 2030 et 2040.
L’IAG d’ici 2026 ?
Cem Dilmegani, l’analyste principal d’AI Multiple Research, a analysé 8 590 prédictions datant d’entre 2009 et 2023, provenant de chercheurs, d’experts en IA et d’entrepreneurs. La plupart des personnes interrogées s’accordent sur le fait que l’IAG surviendra un jour. Quant à la question de savoir quand elle arrivera, les chercheurs estiment que cela pourrait être d’ici 2040, tandis que les entrepreneurs la prédisent vers 2030. Certains acteurs de la technologie, comme Dario Amodei, chercheur en IA et PDG d’Anthropic, pense même qu’elle pourrait arriver dès 2026.
Ces estimations concordent avec les résultats d’études récentes (datant de 2023 et incluant 2 778 chercheurs) suggérant que l’IAG pourrait voir le jour d’ici 2040. Une sous-section de l’analyse incluait également 10 enquêtes effectuées auprès de 5 228 chercheurs et experts en IA. D’après les résultats, la probabilité que l’IA atteigne une intelligence comparable à celle des humains entre 2040 et 2060 est de 50 %.
Les changements dans les estimations seraient alimentés par l’accélération des avancées en matière de grands modèles de langage basés sur les transformeurs, un type d’architecture de réseau neuronal largement utilisé pour l’apprentissage profond. Avant l’arrivée de la technologie, certains scientifiques étaient encore sceptiques quant à la possibilité de développement de l’IAG. Les enquêtes de Dilmegani concernant les prédictions de 2019 indiquent que 21 % des participants estimaient que la singularité technologique portée par cette dernière ne se produirait jamais, tandis que 34 % prédisaient une date après 2060.
D’autre part, contrairement à l’intelligence humaine, il n’existe techniquement pas de limite à l’augmentation de la puissance de calcul technologique. Historiquement, la loi de Moore suggérait que la puissance de calcul des technologies avancées doublait environ tous les 18 mois. Il s’agit d’un ensemble de lois empiriques traduisant l’évolution de la puissance de calcul des ordinateurs (ou d’autres technologies) par rapport à leur complexité. Cela implique que les ordinateurs deviennent plus petits, plus rapides et plus performants au fil du temps, à mesure que leur architecture s’améliore.
« Étant donné que notre intelligence est fixe et que celle des machines est en croissance, ce n’est qu’une question de temps avant que les machines nous dépassent, à moins qu’il n’existe une limite stricte à leur intelligence. Nous n’avons pas encore rencontré une telle limite », indique Dilmegani dans son rapport.
Par ailleurs, les avancées en matière d’IA pourraient aussi être stimulées par celles de l’informatique quantique. Les ordinateurs quantiques pourraient, à terme, soutenir des systèmes d’IA disposant d’une capacité de traitement considérablement plus élevée que celles actuelles. Cependant, malgré les récents progrès, ces technologies sont encore loin d’être suffisamment matures pour une application pratique. En outre, certains chercheurs estiment que la loi de Moore ne suit plus la tendance croissante initialement prédite.
Pour le moment, « bien que l’IA étroite surpasse les humains dans des tâches spécifiques, une machine généralement intelligente n’existe pas encore, bien que certains chercheurs pensent que les grands modèles de langage démontrent des capacités généralistes émergentes », conclut l’expert.