Une mathématicienne suggère un nouveau modèle de gravité quantique qui émergerait de l’entropie et qui permettrait d’expliquer la matière et l’énergie noires, tout en étant conforme à la relativité générale. La nouvelle approche propose un champ auxiliaire qui pourrait être un candidat prometteur à la matière noire, ainsi qu’une constante positive dont la valeur concorderait avec les observations du taux d’expansion de l’Univers – ouvrant une voie possible pour réconcilier la mécanique quantique et la relativité générale.
La théorie de la relativité générale d’Einstein constitue, depuis le début du XXe siècle, le meilleur modèle de la gravité dont nous disposons. Proposée par le célèbre physicien en 1915, elle suggère que la gravité résulte de la déformation de l’espace-temps par les objets massifs.
Ainsi, plus un objet est massif, plus la déformation est importante et, par extension, son influence gravitationnelle. La théorie a été éprouvée à de nombreuses reprises par le biais d’observations cosmologiques, lui permettant de supplanter le modèle gravitationnel de Newton en astrophysique.
Cependant, malgré sa fiabilité pour expliquer de nombreux phénomènes cosmologiques, elle présente certaines limites. Elle ne peut notamment pas expliquer l’existence de la matière noire et de l’énergie sombre, qui seraient responsables de l’accélération de l’expansion de l’Univers. Ce qui est problématique, car ces dernières constitueraient environ 95 % du contenu énergétique de l’Univers (27 % pour la matière noire et 68 % pour l’énergie noire). Cela signifie que la matière ordinaire, décrite par la physique classique et la relativité générale, ne représente que 5 % du contenu total de l’Univers.
D’autre part, la relativité est notoirement incompatible avec la mécanique quantique. Alors que la première décrit la gravité à l’échelle cosmique, la seconde décrit le comportement des particules aux plus petites échelles. La conciliation des deux principes figure depuis des décennies parmi les plus grands défis de la physique moderne. Pour ce faire, de nombreuses théories ont été proposées, allant de celles réfutant l’existence de la matière noire à celles revisitant la gravité pour s’efforcer de concorder avec les deux principes.
L’un des principaux obstacles à cette unification est l’absence d’une théorie satisfaisante de la gravité quantique. Cependant, Ginestra Bianconi, professeure de mathématiques appliquées à l’Université Queen Mary de Londres, suggère que la gravité quantique pourrait émerger d’un concept appelé « entropie relative quantique ». Le modèle avancé par l’experte concorde avec la relativité générale, tout en proposant des candidats potentiellement prometteurs à la matière et l’énergie noires.
Des candidats potentiels pour la matière et l’énergie noires
Le nouveau modèle – décrit dans la revue Physical Review D – reprend la métrique de l’espace-temps de la relativité générale (décrivant la géométrie de l’espace et du temps en fonction des distances et des intervalles entre les événements) pour la considérer comme une valeur mathématique appelée « opérateur quantique ».
En mécanique quantique, les opérateurs sont généralement utilisés pour convertir les états quantiques en fonction des changements de facteurs physiques. Selon l’experte, le nouvel opérateur, fondé sur la relativité générale, mène à une action entropique et à des équations d’Einstein modifiées.
Le concept d’entropie relative quantique est issu de la théorie de l’information quantique et décrit l’interaction entre la géométrie de l’espace-temps et la matière. À basse énergie et au niveau des régions de l’espace où la courbure (et donc la gravité) est faible, les équations concordent avec celles de la relativité.
Le modèle va cependant plus loin en prédisant l’émergence d’une petite constante cosmologique positive, dont la valeur correspondrait mieux aux observations expérimentales de l’accélération de l’expansion de l’Univers que celles prévues par d’autres théories. D’autre part, l’approche introduit un élément clé appelé « champ G », qui agirait comme un multiplicateur lagrangien. Cela signifierait qu’il peut expliquer l’influence gravitationnelle de la matière noire.
« Ces travaux suggèrent que la gravité quantique a une origine entropique et que le champ G pourrait être un candidat pour la matière noire », explique Bianconi dans un communiqué de l’Université Queen Mary. « De plus, la constante cosmologique émergente prédite par notre modèle pourrait contribuer à combler l’écart entre les prédictions théoriques et les observations expérimentales de l’expansion de l’Univers ».
Bien que des travaux supplémentaires soient nécessaires pour en explorer pleinement les implications potentielles, ces résultats apportent une contribution notable à la recherche sur une théorie unifiée de la gravité quantique. Ils remettent en outre en question les hypothèses conventionnelles en considérant l’espace-temps comme une entité quantique et ouvrent de nouvelles voies de recherche sur les équations de gravité modifiées.