Sommes-nous seuls dans l’Univers ? La série culte X-Files l’affirmait : « La vérité est ailleurs ». Et si elle se trouvait à 124 années-lumière de la Terre ? Une équipe internationale d’astronomes affirme avoir détecté les signaux les plus convaincants à ce jour d’une possible activité biologique au-delà de notre système solaire. Leurs observations de l’exoplanète K2-18b, dans la constellation du Lion, révèlent la présence de molécules que l’on associe, sur Terre, à des processus vivants. Une découverte intrigante, encore débattue, mais qui pourrait marquer une avancée majeure dans la recherche d’une vie extraterrestre.
K2-18b, détectée en 2015, intrigue les chercheurs par ses caractéristiques inhabituelles. Classée parmi les « super-Terres », cette exoplanète possède une masse environ neuf fois supérieure à celle de la Terre et affiche un diamètre 2,6 fois plus grand. Elle gravite dans la zone dite « habitable » de son étoile — une naine rouge, plus froide et plus petite que notre Soleil —, complétant une orbite en 33 jours terrestres. Sa température de surface, selon les estimations, pourrait être comparable à celle de la Terre.
Les recherches ont été dirigées par le professeur Nikku Madhusudhan, astrophysicien à l’Université de Cambridge. En 2019, des données issues du télescope spatial Hubble avaient déjà révélé des traces de vapeur d’eau dans l’atmosphère de K2-18b. Certains scientifiques avaient alors évoqué la possibilité d’un monde recouvert d’océans, sous une enveloppe riche en hydrogène.
« Il s’agit de la preuve la plus robuste d’une activité biologique hors du système solaire jamais obtenue à ce jour », a affirmé le professeur Madhusudhan lors d’une conférence de presse tenue le 15 mars dernier. En 2023, grâce à l’instrumentation infrarouge du télescope spatial James Webb (JWST), son équipe a mis en évidence un signal marqué correspondant à la présence potentielle de sulfure de diméthyle (DMS) et de disulfure de diméthyle (DMDS) — deux composés produits, sur notre planète, par des organismes vivants, principalement le phytoplancton marin dans le cas du DMS. Le rôle biologique du DMDS, plus rare, reste moins clairement établi.
« Nous tenons ici une preuve indépendante, obtenue à l’aide d’un instrument distinct, sur une plage de longueurs d’onde différente, sans recoupement avec les données antérieures », a précisé le chercheur dans un communiqué. « Le signal était fort, bien que le niveau de signification statistique reste en deçà du seuil requis pour une validation formelle », a-t-il ajouté.
Un seuil de signification encore insuffisant
Ces résultats, parus dans la revue The Astrophysical Journal Letters, indiquent un niveau de signification statistique de trois sigma : autrement dit, une probabilité de 0,3 % que l’observation soit le fruit du hasard. Toutefois, la communauté scientifique n’accorde de certitude à une découverte qu’à partir d’un seuil de cinq sigma — soit une chance sur 3,5 millions de se tromper.
L’équipe estime qu’entre 16 et 24 heures d’observations supplémentaires du JWST pourraient permettre d’atteindre ce seuil. Mais les contraintes liées à l’observation de l’atmosphère d’une exoplanète rendent ce scénario encore hypothétique.
Plusieurs voix s’élèvent toutefois pour appeler à la prudence. « Ces nouvelles données du JWST ne permettent pas d’affirmer la présence de DMS ou de DMDS dans l’atmosphère de K2-18b », tempère Ryan MacDonald, de l’Université du Michigan, cité par le New Scientist. « Nous sommes dans une situation proche de celle du garçon qui criait au loup : plusieurs détections à trois sigma sur K2-18b se sont déjà révélées infondées après vérification », rappelle-t-il.
La nature même de cette planète reste sujette à débat. Tandis que l’équipe de Cambridge privilégie l’hypothèse d’un monde océanique, d’autres scientifiques n’excluent pas qu’il s’agisse d’une géante gazeuse, ou encore d’un astre recouvert d’océans de magma.
Selon Madhusudhan, les concentrations estimées de DMS et de DMDS dépasseraient les 10 parties par million, un taux qui, s’il était confirmé, indiquerait une activité biologique plus intense que celle observée sur Terre.
« La prudence reste de mise », insiste toutefois le chercheur. « À ce stade, nous ne pouvons affirmer que la détection de ces molécules relève d’une activité biologique. Mais à la lumière des connaissances actuelles, aucun processus abiotique ne semble pouvoir expliquer un tel signal », ajoute-t-il.
Pour Nicholas Wogan, du Centre de recherche Ames de la NASA, la lecture des données du JWST reste un exercice complexe. « Il ne s’agit pas simplement de télécharger un fichier pour y chercher la signature du DMS. L’interprétation de ces données est extrêmement exigeante », avertit-il.
À une distance de 124 années-lumière, toute perspective d’observation directe demeure hors de portée. Madhusudhan a comparé cette situation à d’autres avancées scientifiques majeures : « En astronomie, il ne s’agit pas d’aller physiquement sur place. L’enjeu, c’est de déterminer si les lois de la biologie sont universelles. Ce n’est pas parce qu’on aperçoit un poisson qu’il faut plonger dans l’eau pour le pêcher », a-t-il déclaré au Guardian.